Sénégal – Seydou Guèye (APR) : « Abdoulaye Wade est sorti de la tête et du cœur des électeurs »

Confiant dans la victoire au premier tour du président sortant, le porte-parole du gouvernement et du parti présidentiel, Seydou Guèye, tire à boulets rouges sur les opposants qui feront face à son champion le 24 février. Selon lui, la campagne a révélé « une fusion totale entre Macky Sall et les populations ».

Seydou Guèye, secrétaire général et porte-parole du gouvernement, à Dakar, Sénégal le 5 mars 2018. © Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour JA

Seydou Guèye, secrétaire général et porte-parole du gouvernement, à Dakar, Sénégal le 5 mars 2018. © Sylvain Cherkaoui/Cosmos pour JA

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Publié le 21 février 2019 Lecture : 6 minutes.

Dans un bureau de vote à Fatick, lors du premier tour du scrutin pour la présidentielle 2019 au Sénégal. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique
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Présidentielle au Sénégal : un « coup KO » réussi pour Macky Sall

La Commission nationale de recensement des votes a proclamé le jeudi 28 février Macky Sall vainqueur au premier tour de la présidentielle. Le président élu a aussitôt annoncé « tendre la main » à l’opposition, dont ses quatre adversaires avaient renoncé à contester les résultats devant le Conseil constitutionnel.

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Entre deux déplacements dans la caravane électorale de Macky Sall, Seydou Guèye enchaîne les interviews. À quelques jours du scrutin, le porte-parole du gouvernement répète à l’envi que son candidat sera réélu au soir du le 24 février.

Pour Jeune Afrique, il revient sur les menaces proférées par l’ex-président de la République Abdoulaye Wade, qui appelle ses partisans à empêcher l’élection, sur l’éventualité d’un second tour face à Idrissa Seck, qui engrange les soutiens, ou encore sur les violences qui ont émaillé la campagne.

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Fidèle parmi les fidèles de Macky Sall, celui qui est aussi le porte-parole de l’Alliance pour la République (APR, au pouvoir) ne ménage pas les détracteurs du président sortant, à commencer par Abdoulaye Wade.

Jeune Afrique : L’accueil réservé à Abdoulaye Wade lors de son arrivée à Dakar, le 7 février, montre qu’il mobilise toujours. Ses appels à empêcher l’élection et à brûler les cartes d’électeurs représentent-ils une menace ?

Seydou Guèye : Le président Abdoulaye Wade déraille totalement. Il n’honore pas son statut d’ancien chef de l’État. Ce n’est pas à cet âge-là [92 ans, ndlr] qu’on joue avec le feu. Fort heureusement, les Sénégalais, en toute lucidité, n’ont pas répondu à son appel. Ils veulent aller voter, et ils participeront à l’élection.

>>> À LIRE – Présidentielle au Sénégal : Abdoulaye Wade persiste dans sa stratégie incendiaire

Abdoulaye Wade, le 13 février 2019 lors du comité directeur du PDS, à Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Abdoulaye Wade, le 13 février 2019 lors du comité directeur du PDS, à Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Si l’ancien président Wade appelle à l’insurrection, il fera face aux rigueurs de la loi

À quelle réponse des autorités doivent s’attendre ceux qui suivraient son appel ?

Croyez-moi : aucune carte d’électeur ne sera brûlée, et aucun bureau de vote ne sera saccagé. En 2012, les Sénégalais avaient dénoué la crise politique en chassant Abdoulaye Wade du pouvoir. Aujourd’hui, il est sorti de la tête et du cœur des électeurs.

L’État a pris toutes les dispositions pour que l’élection se déroule dans le calme et la sérénité. La sécurité requise pour ce type de mobilisation citoyenne permettra aux Sénégalais de déposer tranquillement leur bulletin dans l’urne. Si l’ancien président Wade joue à défier les autorités et appelle à l’insurrection, il fera face aux rigueurs de la loi.

Confirmez-vous que si Karim Wade revient au Sénégal, il disposera de huit jours pour payer à l’État l’amende à laquelle il a été condamné en 2015, faute de quoi il sera incarcéré ?

Je ne peux pas vous préciser le délai fixé par la loi mais quand vous avez une dette envers l’État, vous devez la rembourser. Sinon, la contrainte par corps peut s’appliquer. Or Karim Wade doit 138 milliards de francs CFA à l’État du Sénégal.

Quoi qu’il en soit, Karim Wade n’est pas déterminant dans ce que nous faisons aujourd’hui. Tout comme son père, il est sorti de la tête et du cœur des électeurs des Sénégalais.


>>> À LIRE – [Tribune] Présidentielle au Sénégal : quand Abdoulaye Wade joue avec le feu


Lors d’un meeting de Macky Sall à Guediawaye, le 20 février 2019 dans la banlieue de Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Lors d’un meeting de Macky Sall à Guediawaye, le 20 février 2019 dans la banlieue de Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Si leur axe est « Khalifa avec Idrissa », le nôtre est « Macky Sall avec le peuple »

Depuis le début de la campagne, Idrissa Seck a engrangé beaucoup de soutiens au sein l’opposition. Au vote des partisans de Khalifa Sall pourrait s’ajouter celui d’une partie de l’électorat du Parti démocratique sénégalais (PDS). Envisagez-vous l’option d’une possible second tour ?

Pendant cette campagne, nous observons une fusion totale entre Macky Sall et les populations. Si l’axe de l’opposition est « Khalifa avec Idrissa », le nôtre est « Macky Sall avec le peuple ». Leur coalition n’est pas nouvelle : aux législatives de 2017 déjà, Idrissa Seck et Khalifa Sall avaient conclu une alliance. Mais ils ne sont arrivés que troisièmes. Quant aux partisans du PDS, je pense que la plupart d’entre eux choisiront de voter pour le président Macky Sall.

L’objectif de la loi sur les parrainages citoyens, qui visait à écarter les candidatures fantaisistes, a largement été dépassé. D’anciens Premiers ministres, comme Abdoul Mbaye, ou les dirigeants de partis reconnus, comme Malick Gakou, ont vu leur candidature invalidée. Faudra-t-il repenser le processus ?

Dans tout système, il y a des perspectives d’amélioration. L’objectif des parrainages n’était pas d’éliminer à outrance des candidats mais de rationaliser les candidatures. Celle d’Abdoul Mbaye, par exemple, n’avait rien de crédible : aux législatives, il n’avait pas engrangé plus de 1 400 voix sur les 19 communes que compte Dakar.

Le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne

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Cette élection n’est pas verrouillée. Les propos du Premier ministre s’appuyaient sur un constat objectif : aux législatives de juillet 2017, seules cinq listes avaient obtenu le quotient électoral nécessaire, qui est d’environ 55 000 voix. Sur la base de ces résultats, tout homme politique sérieux pouvait déduire qu’il n’y aurait pas plus de cinq ou six candidats à la présidentielle. C’est une question d’arithmétique électorale.

>>> À LIRE – Présidentielle au Sénégal : opposition cherche second tour

Meeting de Macky Sall à Thiès le 17 février 2019. © Présidence du Sénégal

Meeting de Macky Sall à Thiès le 17 février 2019. © Présidence du Sénégal

L’opposition est engluée dans une logique de suspicion électorale permanente, au détriment du travail politique nécessaire

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Le camp au pouvoir n’en fait-il pas trop en clamant que Macky Sall écrasera l’élection dès le premier tour, confortant ceux qui pensent que le scrutin est déjà joué ?

Nous sommes en droit d’affirmer que nous allons triompher dès le premier tour, de même que nos challengers sont en droit de prétendre qu’ils nous mettront en ballotage.

L’opposition est engluée dans une logique de suspicion électorale permanente, au détriment du travail politique nécessaire. Elle ne s’adresse pas aux populations, elle se contente de critiquer Macky Sall. Quand vous n’avez aucune proposition à présenter aux Sénégalais, vous ne pouvez pas les intéresser

Il y a eu plusieurs épisodes de violence durant cette campagne. Est-ce en partie imputable aux candidats, dont Macky Sall, qui n’ont pas été capables de proposer un débat apaisé ?

Toutes les dispositions ont été prises pour assurer la sécurité de tous les citoyens après les premières escarmouches. Reste la posture des différents candidats. Quand vous tenez un discours incendiaire et que vous appelez à l’insurrection, à l’émeute et à la défiance, vous êtes quasiment responsable de ce qui pourrait advenir.

Combien aura coûté la campagne de Macky Sall ? Par qui est-elle financée ?

Je n’en connais pas le coût, mais la campagne est financée par les contributions de militants, de responsables, du président de la République lui-même et de citoyens qui veulent le voir poursuivre ses bonnes actions au profit des populations.

Existe-t-il des limites légales aux dépenses de campagne ?

D’un point de vue légal, nous n’avons pas de dispositif pour les limiter. Mais il serait bon de réglementer la question des financements de campagne afin d’assainir les relations entre l’argent et la politique. Pour ce faire, il faut un dialogue avec l’opposition. Mais elle ne semble pas intéressée.

 Le programme de Macky Sall est basé sur la continuité. Pourtant son mandat n’a pas échappé aux critiques – ressources naturelles bradées aux puissances étrangères, augmentation de la dette, grèves répétées des étudiants, recul des libertés… Reconnaissez-vous certains échecs, lors du septennat ?

Ce premier mandat a marqué la réussite d’une politique de redressement. L’économie de notre pays était en ruine quand Abdoulaye Wade a quitté le pays en 2012. La première phase du Plan Sénégal émergent (PSE), impulsé en 2014, a accouché de résultats tangibles.

Il y a forcément des dossiers qui n’ont pas été suffisamment bien pris en charge. Du point de vue de la vision, tout est stabilisé ; mais du point de vue de la méthode, il y a encore des choses à améliorer, notamment pour que les les populations s’approprient davantage les réalisations du président Macky Sall.

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