Enquête

Total, un acteur influent dans l’enseignement supérieur au Congo Brazzaville

Encouragé par le gouvernement, le pétrolier français Total collectionne les partenariats dans l’enseignement supérieur au Congo Brazzaville afin de développer les cursus dans les filières qui embauchent.

Par - à République du Congo
Mis à jour le 19 avril 2018
Le logo de Total sur la tour de La Défense à Paris, jeudi 11 janvier 2016. © Michel Euler/AP/SIPA/2016

Michel Euler/AP/SIPA/2016

Encouragé par le gouvernement, le pétrolier français Total collectionne les partenariats dans l’enseignement supérieur au Congo Brazzaville afin de développer les cursus dans les filières qui embauchent.

Un petit tour de Pointe-Noire suffit pour se rendre compte de l’omniprésence de Total dans la capitale économique du Congo-Brazzaville. Le pétrolier y possède par exemple le Derrick, sorte de bar-restaurant les pieds dans l’eau et vue sur le port, mais aussi la clinique CMS, située dans le quartier huppé du Losange Est et ornée du logo du géant français. Là-bas, les villas ultra-sécurisées accueillent à n’en pas douter certains des cadres du groupe. Mais s’il y a bien un secteur où Total s’impose dans tout le pays, c’est l’enseignement supérieur.

Partenariat avec l’Ucac-Icam

Rien d’étonnant à ce que Pierre Jessua, directeur général de la filiale locale Total E&P Congo, ait été invité à la récente inauguration de l’Institut Ucac-Icam en février dernier. Avant d’injecter 800 000 euros dans le campus flambant neuf de l’école d’ingénieurs, le pétrolier lui a prêté gracieusement des locaux pendant 16 ans.

« Cette coopération entre l’Ucac-Icam et Total s’est faite pour des raisons évidentes : le besoin de former nos collaborateurs et d’embaucher des jeunes formés dans le pays », résume le dirigeant de Total E&P Congo. Un partenariat gagnant-gagnant qui, dans un pays qui a libéralisé le secteur de l’éducation et de l’enseignement supérieur il y a 25 ans, ravit le ministre de l’Enseignement Supérieur congolais, Bruno Jean-Richard Itoua : « C’est l’intérêt des entreprises de former sur place les gens dont elles ont besoin. Cela leur permet d’économiser tous les efforts de formation interne et leur évite de faire venir des gens d’ailleurs, payés plus cher. De notre côté, on est sûr que ceux que l’on forme ont toutes les chances d’avoir un emploi à l’issue de leur cursus ».

Aide financière

Le soutien sans faille du gouvernement permet à Total de multiplier les aides financières à différents niveaux. « À l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM), le groupe a financé la quasi totalité de la filière génie pétrolier », remarque le ministre. Il a également entièrement réhabilité et fourni l’équipement de la faculté des sciences de l’université Marien Ngouabi. Ces dix dernières années, Total a aussi distribué une cinquantaine de bourses d’études, pouvant aller de 15 000 à 100 000 euros par an, selon le niveau d’étude. Enfin, avec le groupe Schneider Electrics et l’Ucac-Icam, le pétrolier français participe au développement d’une formation en électricité au centre de formation Don Bosco à Brazzaville.

Un œil sur les programmes

L’intervention de Total dans l’enseignement supérieur congolais ne se fait pas que sur le plan financier. À travers son association Total professeurs associés (TPA), qui propose des cours dispensés par des salariés bénévoles ou des retraités du groupe, l’entreprise française intervient dans la formation des professeurs de l’université Marien Ngouabi pour du soutien à la préparation d’une agrégation ou d’un doctorat, sur des sujets liés au pétrole et aux géosciences.

Dans d’autres projets, le pétrolier intervient directement dans la définition des programmes de formation : « Ce n’est pas le cas à l’Ucac-Icam, explique Pierre Jessua, par contre à l’Université catholique du Congo, nous travaillons sur les programmes avec l’association TPA et le ministère de l’Enseignement Supérieur ».

Généraliser le système

Le ministère n’a pas l’intention d’en rester là. Son ambition est de profiter au maximum de la manne que représente l’implication du secteur privé dans ses prérogatives. Et ce, même si la plupart des entreprises qui investissent dans les formations techniques sont en majorité à capitaux étrangers. Bruno Jean-Richard Itoua en est certain, ces initiatives finiront par profiter aux congolais et aux entreprises locales.