À Saint-Pétersbourg, le coup d’État au Niger vu par les russophiles

Au moment où Mohamed Bazoum était renversé par un coup d’État, ce 27 juillet à Niamey, plusieurs de ses homologues africains se retrouvaient à Saint-Pétersbourg pour le second sommet Russie-Afrique organisé par Vladimir Poutine.

Le président russe, Vladimir Poutine, lors du sommet Russie-Afrique, à Saint-Pétersbourg, le 27 juillet 2023. © Photo by yegor aleyev / TASS Host Photo Agency / AFP

Publié le 27 juillet 2023 Lecture : 3 minutes.

Le hasard du calendrier est parfois cruel. Ce 27 juillet, alors que Mohamed Bazoum, allié majeur de la France et des Occidentaux au Sahel, était retranché dans sa résidence de Niamey, retenu par des éléments de sa garde présidentielle qui se sont retournés contre lui, 17 de ses homologues se retrouvaient à Saint-Pétersbourg autour du président Russe, Vladimir Poutine, pour l’ouverture du second sommet Russie-Afrique. Parmi eux notamment, les voisins (et rivaux) burkinabè et malien du Nigérien : le capitaine Ibrahim Traoré et le colonel Assimi Goïta.

Comme beaucoup le redoutaient, le dernier président civil de la région – tous les autres sont militaires – a donc à son tour été victime d’un coup d’État. En Russie, nul doute que certains se sont frottés les mains en le voyant mordre la poussière. « Si Mohamed Bazoum avait décidé dès le départ de participer au sommet de Saint-Pétersbourg, il n’y aurait eu aucun problème », relevait ainsi le journal Kommersant, proche du Kremlin.

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Dans un communiqué publié le 26 juillet au matin, Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a appelé à un « dialogue constructif et pacifique » entre les parties prenantes et souhaité « la libération rapide » du président nigérien, sans toutefois clairement condamner le coup d’État. De son côté, le Comorien Azali Assoumani, président en exercice de l’Union africaine, a publiquement dénoncé, lui, le putsch en cours à Niamey dans son discours d’ouverture du sommet.

Drapeaux russes à Niamey

Deux jours plus tôt, Dmitri Peskov, le porte-parole de la présidence russe, dénonçait lui « des pressions sans précédent » des États-Unis et de la France sur les dirigeants africains visant à saper le sommet de Saint-Pétersbourg.

Au pouvoir depuis le 21 février 2021, Bazoum faisait figure de dernier allié de l’Occident au Sahel. Contrairement à ses voisins malien et burkinabè, il avait misé sur une stratégie d’alliance militaire avec la France et accepté d’accueillir au Niger une partie des troupes françaises après leur départ du Mali et la fin de l’opération Barkhane. Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte d’Assimi Goïta au Mali, Niamey, base arrière des forces américaines dans la région, servait aussi de base de repli pour les missions de l’Union européenne.

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Ce jeudi 27 juillet, des drapeaux russes ont été brandis par des manifestants pro-putschistes dans les rues de Niamey. Un scénario déjà vu à Bamako et Ouagadougou lors des prises de pouvoir de Goïta et Traoré. Les deux officiers devenus présidents, occupés à serrer la main de Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg, ne se sont pour le moment pas exprimés sur les évènements nigériens.

Eux aussi présents dans l’ancienne capitale des tsars, les activistes pro-russes Nathalie Yamb et Kemi Seba ne se sont pas non plus prononcés – même s’il ne fait aucun doute qu’ils ne voient pas la chute de Bazoum, qu’ils brocardaient régulièrement, d’un mauvais œil.

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Prigojine salue « l’accession à l’indépendance du peuple nigérien »

Malgré sa rébellion avortée contre l’état-major russe, fin juin, Evgueni Prigojine, le patron de Wagner, demeure un acteur incontournable des ambitions russes en Afrique – où il a annoncé mi-juillet vouloir désormais concentrer ses troupes.

Présent ce jeudi à Saint-Pétersbourg, où il a posé tout sourire aux côtés d’un membre de la délégation centrafricaine, le patron du groupe paramilitaire russe n’a pas manqué de commenter le coup d’État manqué au Niger sur sa chaîne Telegram. « La destitution du président pro-français est, en fait, l’accession à l’indépendance du peuple nigérien […]. Les anciens colonisateurs déstabilisent délibérément la situation dans les pays africains, y soutenant les terroristes et les gangs illégaux, afin d’empêcher le développement ultérieur des anciennes colonies », peut-on y lire. Ces derniers mois, le Niger avait déjà fait l’objet d‘une opération de désinformation lancée par les équipes de Prigojine.

« Le coup d’État militaire au Niger peut être considéré comme pro-russe. Le président nigérien déchu était assurément pro-français, estimait sur Telegram Sergueï Markov, ancien conseiller de Vladimir Poutine. Wagner pourrait maintenant faire son apparition au Niger, comme c’est déjà le cas au Mali voisin. »

D’autres personnalités russes, comme le propagandiste ultra-nationaliste Alexandre Douguine, ont réagi. « Le Niger est à nous ! La dernière marionnette de la Françafrique est renversée juste à temps pour le forum Russie-Afrique. Le Niger aux Nigériens », écrit-il sur Telegram.

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