En Tunisie, les migrants subsahariens démunis face à la pandémie de coronavirus

Avec les mesures de confinement prises par les autorités, les Subsahariens installés en Tunisie ont perdu leurs sources de revenus. Et sont particulièrement vulnérables face à la progression de l’épidémie.

Un survivant malien (à droite) d’un naufrage, dans le centre du Croissant-Rouge de Zarzis, dans le sud de la Tunisie, le 4 juillet 2019. © Sami Jelassi/AP/SIPA

Un survivant malien (à droite) d’un naufrage, dans le centre du Croissant-Rouge de Zarzis, dans le sud de la Tunisie, le 4 juillet 2019. © Sami Jelassi/AP/SIPA

Publié le 24 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

« Que se passe-t-il ? » demande Catherine, une aide ménagère ivoirienne à l’un de ses employeurs. Francophone, elle n’a accès à aucune information sur les décisions prises par les autorités concernant la pandémie du Covid-19. Résidente de Bhar Lazreg, quartier populaire en périphérie de la très chic Marsa, où un foyer a été détecté le 22 mars, elle perçoit un regain de fébrilité sans en évaluer la portée.

Quelques jours plus tard, après la fermeture des points de restauration et des commerces, l’instauration du couvre-feu, la réduction de la fréquence des transports en commun et, enfin, l’entrée en vigueur du confinement sanitaire, elle prend enfin la mesure de la situation. Comme elle, la plupart des ressortissants subsahariens en Tunisie, vivant de petits boulots journaliers et de débrouille, ont aujourd’hui perdu leurs sources de revenus et souffrent d’un déficit d’informations.

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Une situation qui ne fait que renforcer leurs difficultés d’intégration. « Ne pas comprendre l’arabe est déjà un handicap, mais là on est vraiment livrés à nous-mêmes », raconte Bruno, un ressortissant camerounais sans-papiers qui compte, par crainte d’être confronté aux autorités et à l’ostracisme ambiant, essentiellement sur une communauté qui vit en petits groupes. Au quotidien, ce huis-clos est sans conséquences… Mais la pandémie lui donne une toute autre dimension.

Appel à la solidarité

Sur tous les fronts, Moez Bouraoui, maire de la Marsa, vient de lancer un appel à la solidarité avec les Subsahariens. « À cause des mesures de confinement, et malgré l’aide que leur apportent les ONG sur le terrain, ils sont dans la précarité et le dénuement », alerte-t-il.

Depuis la vague migratoire de 2011, la société civile a répondu présente pour les suivre et les encadrer mais la situation exceptionnelle provoquée par la pandémie exige des actions et des moyens renforcés. Isolés, sans ressources et sans possibilité d’accès à la santé, les Subsahariens ont besoin de denrées de première nécessité, de soins, de prévention et d’écoute.

« Il faut savoir que tant qu’ils ne sont pas terrassés par la maladie, les membres de cette communauté, qui sont pour la plupart irréguliers, ne vont pas avoir recours à un médecin », déplore Mouna Aissani, chargée de la protection à Médecins du monde Tunisie. Pour leur venir en aide, l’ONG travaille avec les associations communautaires, et notamment estudiantines, les réseaux de solidarité dans les quartiers, et les représentants des cultes.

Des migrants arrivent au port de Zarzis, le 1er août 2018. © Mounir Beji/AP/SIPA

Des migrants arrivent au port de Zarzis, le 1er août 2018. © Mounir Beji/AP/SIPA

Le gouvernement n’a pas pris de mesures en direction de ces populations vulnérables et démunies

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Au centre sportif de La Marsa, où ont été recueillis les réfugiés après le démantèlement du camp de Choucha, tout manque. Aucun conseil de prévention n’est dispensé et les conditions d’hygiène laissent à désirer. Une situation dramatique que l’on observe également à Sfax, Médenine et Tunis, où vivent la plupart des ressortissants africains.

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« Le gouvernement n’a pas pris de mesures en direction de ces populations vulnérables et démunies. Les réfugiés et les demandeurs d’asile sont normalement pris en charge par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) mais les organisations internationales ne mènent pas d’actions globales les concernant, explique Ridha Ben Amor, chargé de la communication du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). À Tunis, des groupes citoyens et des bénévoles ont pris la relève pour leur fournir de la nourriture. Ailleurs, la panique s’installe faute de prévention.»

Retour au pays

Ridha Ben Amor évoque aussi les appels de détresse parvenus des centres de rétentions, dont celui d’El Ouardia, à Tunis, et de Ben Guerdane, qui sont en totale déshérence. La promiscuité et les conditions sanitaires précaires y sont aggravées par l’admission de nouveaux arrivants. « Nous craignons une catastrophe. C’est comme si, contrairement aux autres pays, la Tunisie les avait abandonnés. Même les organismes onusiens tentent de limiter leur intervention par crainte de voir fondre les budgets. Pourtant, il s’agit d’êtres humains », alerte le militant, qui déplore le peu de réactivité des ambassades et s’inquiète d’une situation proche de l’implosion.

Les étudiants subsahariens, eux, sont mieux lotis face à la pandémie. « Les cours en ligne sont assurés et les évaluations vont bien être programmées », détaille Houbab Ajmi. La directrice générale de l’Université centrale de Tunis assure avoir anticipé la crise et aidé ceux qui le souhaitaient à rentrer au pays.

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