[Chronique] Prix Mo Ibrahim : Mahamadou Issoufou récompensé pour avoir respecté la loi

Récompensé pour son « leadership exceptionnel » et pour n’avoir pas brigué de troisième mandat, le président nigérien sortant est le premier lauréat du prix Mo Ibrahim depuis trois ans.

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Publié le 9 mars 2021 Lecture : 2 minutes.

Ainsi peut-on être récompensé pour avoir fait ce qui va de soi et avoir eu la prévenance de ne pas violer sa Constitution. Lauréat du prix Mo Ibrahim 2020, Mahamadou Issoufou recevra un paiement initial de cinq millions de dollars versés sur dix ans, puis une allocation à vie annuelle de 200 000 dollars.

Son mérite ? Avoir respecté la loi en ne briguant pas un troisième mandat à la tête de l’État nigérien. Car la Constitution nigérienne interdit d’être à nouveau candidat, après deux mandats échus à la présidence. Clou dans le cercueil des ambitions de pouvoir à durée indéterminée, un protocole additionnel de la Communauté économique des États de l’Afrique d’Ouest (Cédéao) montrait du doigt, en 2015 à Accra, le principe des troisièmes mandats…

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Rab de pouvoir

Les plus cyniques péroreront que les prix internationaux sont souvent des trompe-l’œil, certains membres du Comité Nobel s’interrogeant a posteriori sur l’opportunité de récompenser d’un prix de la « Paix » un Abiy Ahmed qui, s’il a décrispé les relations Éthiopie-Érythrée, adopte aujourd’hui des postures de chef de guerre au Tigré.

S’il est naturel, le départ du pouvoir de Mahamadou Issoufou n’en est pas pour autant anodin. L’Afrique de l’Ouest francophone a encore vu, ces dernières années, les présidents Alpha Condé et Alassane Ouattara débuter des mandats numéro trois, à défaut d’être les troisièmes mandats d’une même Constitution. Et l’appétit de rab de pouvoir de Blaise Compaoré a conduit le Burkina Faso sur le chemin de croix d’une insurrection populaire meurtrière et d’une transition chaotique. Issoufou est d’ailleurs le premier dirigeant de l’espace francophone à remporter ce prix d’excellence.

« Leadership exceptionnel »

Il n’est pas non plus anodin qu’un président nigérien élu succède pour la première fois à un président nigérien élu, dans un pays à l’histoire rythmée par des coups de force. Le président sortant a t-il été échaudé par l’expérience de Mamadou Tandja et son « tazarché » (la « continuité » en haoussa) qui conduisit l’armée à le renverser ? Qu’importe, tant que la stratégie de la carotte (prix Mo Ibrahim) et du bâton (putsch) donne des résultats républicains. Et le comité du Prix de décrire un « leadership exceptionnel du président Issoufou, à la tête d’un des pays les plus pauvres au monde, confronté à un cumul de défis apparemment insurmontables ».

Les faits de bonne gouvernance sont-ils si rares sur le continent qu’il faille en encourager les auteurs ? Réservé aux anciens dirigeants africains, le trophée du milliardaire anglo-soudanais n’avait pas été décerné depuis 2017 remis alors à Ellen Johnson Sirleaf –, faute de candidat réunissant les qualités requises.

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En novembre dernier, l’indice Ibrahim indiquait un ralentissement des progrès de gouvernance en Afrique. Seuls huit pays du continent avaient réussi à s’améliorer dans les quatre dimensions de gouvernance répertoriées.

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