Éthiopie : « Abiy Ahmed a exacerbé la dimension ethnique du conflit »

Le conflit qui fait rage dans la région du Tigré, en Éthiopie, pourrait avoir de lourdes conséquences, à la fois pour le pays et la sous-région. Pour René Lefort, spécialiste de la Corne de l’Afrique, la crise doit beaucoup à la personnalité et au positionnement politique d’Abiy Ahmed.

Des membres d’une milice Amharas partant combattre le TPLF à Sanja, dans la région proche du Tigré où le conflit fait rage, le 9 novembre 2020. © REUTERS/Tiksa Negeri

Des membres d’une milice Amharas partant combattre le TPLF à Sanja, dans la région proche du Tigré où le conflit fait rage, le 9 novembre 2020. © REUTERS/Tiksa Negeri

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Publié le 11 novembre 2020 Lecture : 9 minutes.

L’Éthiopie s’enfonce dans la guerre civile. Le Premier ministre fédéral et prix Nobel de la Paix 2019, Abiy Ahmed a annoncé le 4 novembre le lancement d’une vaste opération militaire dans le Tigré, en représailles de l’attaque de bases militaires éthiopiennes les jours précédents par le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

Les tensions entre Addis-Abeba et cette région du Nord, accusée de volonté sécessionniste, étaient montées d’un cran depuis l’organisation en septembre d’élections régionales non reconnues par le pouvoir central.

Le gouvernement fédéral a dissous le 7 novembre ce parlement tigréen élu, alors que le conflit enregistrait ses premières victimes. Spécialiste de la Corne de l’Afrique, René Lefort revient pour Jeune Afrique sur les enjeux d’une guerre qui pourrait bien déstabiliser l’ensemble du deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, avec plus de 100 millions d’habitants. Et au-delà, toute la sous-région.

Jeune Afrique : Quelle est la situation à Addis-Abeba ?

René Lefort : Les barrages policiers et militaires peuvent être nombreux, notamment la nuit, mais tout est calme. La police vient d’annoncer qu’elle avait arrêté 162 personnes soupçonnées d’être des agents infiltrés du TPLF [le Front populaire de libération du Tigré] dans la capitale et saisi 355 armes. Je doute d’une telle infiltration mais il est certain qu’un limogeage massif des Tigréens est en cours dans la police, l’armée, les services de sécurité et dans la fonction publique en général, mais aucune violence n’a encore été constatée à leur encontre dans les rues.

Nous sommes bien dans une guerre à grande échelle avec des duels d’artillerie

Beaucoup de rumeurs circulent au sujet de la région du Tigré. Que sait-on de la situation sur place ?

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Les informations sont très contradictoires. Le gouvernement parle de victoire totale, sans donner aucun bilan humain. Quant à l’armée, elle dit avoir pris la ville de Shire, mais c’est tout simplement impossible.

On sait en revanche, de source soudanaise, que la ville d’Humera, située à la frontière avec le Soudan, avait été reprise par le TPLF, mais les troupes fédérales affirment aujourd’hui tenir l’aéroport.

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En fait, on ne connaît presque rien de la réalité des combats. Sauf que nous ne sommes pas dans une bataille d’escarmouches, mais bien dans une guerre à grande échelle avec des duels d’artillerie, des raids aériens, peut-être l’utilisation de véhicules blindés.

Quelles sont les forces en présence ?

Bien s’informer, mieux décider

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