Liberia : Prince Johnson, improbable faiseur de rois

Parce qu’il ne veut pas risquer d’être jugé, Prince Johnson, l’ancien seigneur de guerre arrivé troisième au premier tour de l’élection au Liberia, a annoncé son ralliement à la sortante, Ellen Johnson-Sirleaf.

Prince Johnson en campagne dans la région de Monrovia, le 14 septembre. © Reuters

Prince Johnson en campagne dans la région de Monrovia, le 14 septembre. © Reuters

Publié le 2 novembre 2011 Lecture : 2 minutes.

« De deux maux, j’ai choisi le moindre. » Le 18 octobre, Prince Johnson a choisi son camp. « Je ne veux pas aller à La Haye, s’est-il justifié. Je préfère m’arranger avec Ellen Johnson-Sirleaf, qui a aussi été épinglée par la TRC [Commission Vérité et Réconciliation, NDLR]. »

Arrivé troisième à l’issue du premier tour de la présidentielle du 11 octobre, l’ancien chef de guerre a appelé à voter pour la présidente sortante et Prix Nobel de la paix 2011. Avec les 11,8 % de Prince Johnson, Ellen Johnson-Sirleaf, arrivée en tête avec 43,9 % des suffrages exprimés, est quasi sûre de l’emporter face à Winston Tubman, ex-fonctionnaire international et neveu de l’ancien président William Tubman (32,7 % des voix au premier tour). Encore faut-il que Prince Johnson ne change pas d’avis d’ici au 8 novembre… Pour les Libériens, la pilule est amère : celui que la presse avait surnommé le monstre de Nimba (sa région d’origine) est devenu un faiseur de rois dont ils se seraient bien passés.

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Tout en accusant le camp Tubman de ne pas œuvrer à la réconciliation des Libériens, Prince Johnson a âprement négocié son soutien à Johnson-Sirleaf. Le « prix » de ses voix ? Quelques maroquins ministériels pour lui et son entourage (30 % des postes), ainsi qu’un gouvernement « inclusif ». Le chef de l’Union nationale pour le progrès démocratique (NUDP) veut un gouvernement qui comprendrait autant de « Congos » – nom donné aux « indigènes » libériens – que d’Américano-Libériens, descendants d’esclaves américains établis dans le pays. « Nous avons eu vingt-deux présidents américano-libériens, regardez ce que cela a donné, déclarait-il lors de ses meetings. Il est temps de laisser un enfant du pays prendre les rênes. » Dans le viseur, les six années de pouvoir de Johnson-Sirleaf, dont il a durement critiqué le bilan.

Oreille coupée

Congos et Américano-Libériens : le thème n’est pas sans rappeler le premier conflit libérien de 1989. À l’époque, Prince Johnson est un seigneur de guerre entraîné dans les camps de Kadhafi qui s’illustre de triste manière aux côtés de son allié Charles Taylor, aujourd’hui détenu à La Haye et jugé pour crimes de guerre. Ce sont ses hommes qui kidnappent le président d’alors, Samuel Doe. Sur une vidéo qui a fait le tour du monde, Prince Johnson sirote une bière pendant que ses affidés coupent à vif une oreille du président déchu, avant de la lui enfoncer dans la bouche. À présent, l’ex-rebelle, qui a « rencontré le Christ » lors de son exil nigérian (1992-2004), préfère faire l’impasse sur cette partie de sa vie. Ces images, affirme-t-il, ne prouvent pas qu’il a tué Samuel Doe. Et à ceux qui lui reprochent d’avoir commis des atrocités pendant la guerre, il a une réponse toute prête : « Un criminel de guerre ne peut pas être si populaire. » 

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