Yacine Barro (Microsoft) : « Pour les PME, le numérique représente un potentiel illimité à exploiter »

Pour la patronne de Microsoft en Afrique de l’Ouest, Yacine Barro, le numérique doit pénétrer tous les pans de l’économie afin de soutenir pleinement la croissance. À commencer par les PME.

Yacine Barro Bourgault, Directrice Generale de Microsoft Afrique et Moyen Orient pose dans ses bureaux à Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour JA

Yacine Barro Bourgault, Directrice Generale de Microsoft Afrique et Moyen Orient pose dans ses bureaux à Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour JA

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Publié le 3 juillet 2019 Lecture : 4 minutes.

Usagers de smartphones au Sénégal © SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
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Ces pionniers de l’entreprise 4.0

Dirigeants ou managers, ils sont en première ligne pour conduire la transformation numérique des entreprises du continent. Portraits de ces bâtisseurs d’un univers où presque tout reste à inventer.

Sommaire

Elle est l’une des pionnières de Microsoft en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Yacine Barro a en effet piloté l’ouverture à Dakar de la première représentation de la firme de Redmond en tant que « business development manager » pour ces régions. C’était en 2004. Elle revenait au Sénégal après avoir commencé sa carrière à Paris, notamment chez Cisco, son diplôme de l’Inseec en poche.

Les solutions doivent être africaines et répondre à des besoins propres au continent

Nommée directrice générale de Microsoft pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale en 2017 (après avoir fait un détour par Celtel et Africa24), Yacine Barro est aussi chargée, depuis 2018, du segment des PME dans les marchés émergents de la région Afrique et Moyen-Orient.

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Formations et mentorats

À ce poste, cette passionnée de la transformation digitale du continent mène une mission évangélisatrice, notamment à travers l’initiative Microsoft 4Afrika. Ce programme, lancé en 2013, offre une panoplie de services d’assistance aux start-up et PME : accès aisé aux technologies du groupe américain, aide à la formation ou à la recherche de financements. « L’objectif est la transformation digitale et l’adoption du cloud, en prenant en compte le cadre spécifique de nos environnements socio-économiques. Il s’agit de permettre plus de créativité pertinente pour nos marchés. Les solutions doivent être africaines et répondre à des besoins propres au continent », souligne cette métisse née d’un père sénégalais et d’une mère française.

Depuis son lancement, Microsoft 4Afrika a touché 1,7 million de PME, dont plus d’un demi-million sont présentes en ligne. Pour démontrer l’efficacité du programme, Yacine Barro multiplie les exemples. À Dakar, fin mars 2019, trois entreprises bénéficiaires de l’initiative ont été présentées à la presse dans les bureaux de Microsoft. Parmi elles, WeGo/SunuBus, une application mobile collaborative de localisation d’autobus qui prévoit de lever 500 000 euros. Développée avec l’École supérieure polytechnique de Dakar, « l’app » est en train d’être répliquée au Maroc.

Au Nigeria, Microsoft s’est associé à la Fondation Tony Elumelu (TEF). Objectif ? Mettre à disposition de 3 000 dirigeants le programme d’entrepreneuriat TEF, des outils, des ressources, des formations et des mentorats sur les technologies. Microsoft a également pris part, au Ghana, au lancement de Swiftly, une start-up d’« e-shipping », à travers le programme Interns4Afrika, une composante de 4Afrika. « Douze stagiaires ont participé à des études de marché, à des activités de marketing en ligne, de programmation ou d’aide à l’organisation d’événements », détaille Yacine Barro.

Un rôle à jouer pour le privé

À chaque fois, « le but est de créer des environnements propices à l’élaboration de solutions africaines innovantes », martèle celle qui avait développé en 2008 le segment corporate de l’opérateur de téléphonie mobile Celtel dans 21 pays ou encore dirigé la naissance, en 2009, de la chaîne d’information Africa24.

La digitalisation des entreprises pourrait ajouter 300 milliards de dollars à l’économie du continent d’ici à 2026

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Selon Yacine Barro, la digitalisation des organisations et des entreprises est cruciale pour le continent. « Ces processus pourraient ajouter 300 milliards de dollars à son économie d’ici à 2026, selon une étude récente de Siemens », insiste-t-elle. Toutefois, la maturité numérique varie encore beaucoup selon les régions. Seule une poignée de pays sont en pointe dans ce domaine, dont le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigeria ou l’Éthiopie.

Que faire pour amplifier le processus ? Yacine Barro en est convaincue, un système éducatif et de recherche tourné vers le numérique est essentiel. Ensuite, le secteur privé a sa partition à jouer en s’attaquant aux facteurs limitatifs tels que la médiocrité des infrastructures, notamment celles donnant accès à internet. En la matière, rappelle-t-elle, Microsoft reste le chantre des TV White Spaces, à savoir l’exploitation de canaux inutilisés pour développer internet à haut débit et à faible coût. Quinze projets de ce type ont été déployés dans 6 pays du continent, avec le Ghana en tête de pont. Les étudiants de l’université de Koforidua peuvent par exemple accéder à des offres de données à partir de 2 cédis (0,34 euro) par jour. « Plus de 6 000 d’entre eux sont connectés. De surcroît, ils ont accès à des ordinateurs à faible coût via un plan de financement à taux zéro », note Yacine Barro.

Le continent a la capacité de rattraper le reste du monde si nous agissons vite !

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Cette dernière poursuit en indiquant que Microsoft s’emploie, ces dernières années, à mettre à disposition des étudiants ivoiriens Office 365 gratuitement ainsi qu’un accès à internet. « Nous avons financé le déploiement du wifi dans l’université de Cocody. De plus, seize IT Academies ont été implantées au sein des six universités publiques de Côte d’Ivoire. » Microsoft y a assuré, selon Yacine Barro, 50 000 certifications Office.

Intelligence artificielle

Au Kenya, 26 écoles rurales ont été connectées grâce au White Space de Mawingu Networks, qui a établi près de 650 points d’accès au wifi pour 11 000 utilisateurs actifs avec un coût d’accès à internet inférieur à 5 % du revenu moyen des populations concernées.

Aux yeux de Yacine Barro, la prochaine étape, sur le continent, est d’intégrer les technologies de rupture comme les données massives (big data) ou l’intelligence artificielle… « Nous sommes à un moment unique de l’Histoire en Afrique. Un moment à la fois palpitant et effrayant : nous voyons une puissance sans précédent arriver ainsi qu’un potentiel inexploité et illimité. En tant qu’entreprise, notre mission est de rassembler les gens [autour de ce bouleversement] et de leur fournir les outils pour réaliser ce potentiel. Le continent a la capacité de rattraper le reste du monde si nous agissons vite ! » conclut-elle, aussi fascinée qu’enthousiaste.

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