Rue Senghor

Le Sénégal va construire un vaste complexe culturel. Comme d’autres espaces publics ailleurs, il portera le nom de son premier président.

Publié le 23 janvier 2007 Lecture : 3 minutes.

Alors que 2006 tirait à sa fin, on apprenait à la mi-décembre que le plus grand centre culturel d’Afrique sera construit sur l’île de Gorée, au large de Dakar. Le complexe, que la France contribuera pour une bonne part à financer, comprendra un théâtre, un musée, des salles de cinéma, un espace consacré aux expositions. Et il portera le nom de Léopold Sédar Senghor.
Juste consécration pour le premier président du Sénégal (1960-1980), dont on fêtait l’an dernier le centième anniversaire de la naissance, et qui a tellement uvré au rayonnement culturel de son pays. Mais cet hommage n’a pas été le seul, loin s’en faut. Parmi les innombrables manifestations qui ont marqué un centenaire célébré un peu partout à travers le monde, le souvenir de Senghor a été immortalisé par l’attribution de son patronyme à des espaces publics de tout ordre.
Ainsi plusieurs villes africaines ont-elles donné son nom à l’une de leurs rues ou avenues. C’est le cas notamment de Porto Novo (Bénin), Lomé (Togo), Ouagadougou et Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), Bamako et Gao (Mali). Le mouvement ne se limite pas à l’Afrique subsaharienne. Alors que Sousse, en Tunisie, possédait déjà une avenue Senghor, un square Senghor a été inauguré en mars 2006 à Chisinau, en Moldavie, puis des places Senghor à Montréal et à Bucarest en avril et septembre. En novembre, Port-Vila, capitale du Vanuatu, l’ancien condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides, s’enrichissait à son tour d’un boulevard Senghor.
En France, et sans chercher à être exhaustif, on relève qu’il existait déjà une rue Senghor à Kourou, en Guyane, d’où partent les fusées Ariane. Plusieurs villes ont franchi le pas cette année. À commencer par Paris, dont les édiles ont choisi un lieu proche de l’Académie française, institution qui avait accueilli l’auteur d’Hosties noires et de Chants d’ombre en 1984. Le 9 octobre, jour anniversaire de la naissance de l’ancien président, la passerelle Solférino réunissant le musée d’Orsay au palais des Tuileries a été officiellement rebaptisée Léopold-Sédar-Senghor. En juin, c’est Évry, chef-lieu de l’Essonne, au sud de Paris, qui s’était dotée d’une rue Senghor. Non loin de là, à Saint-Maur-des-Fossés, coquette cité nichée dans une boucle de la Marne où, après Tours, le jeune agrégé de grammaire enseigna au lycée Marcelin-Berthelot entre 1938 et 1940 puis de 1942 à 1944, une avenue Senghor a vu le jour dans un nouvel ensemble immobilier qui fait face à l’hôtel de ville. Sur la plaque figure ce verset du poème « Le retour de l’enfant prodigue » (Chants d’ombre) : « J’ai rêvé d’un monde de soleil dans la fraternité de mes frères aux yeux bleus. »
Les établissements scolaires ne sont pas en reste. Pour ce qui est de la France, on a relevé deux lycées Léopold-Sédar-Senghor, l’un à Magnanville, près de Mantes (Yvelines), l’autre à Évreux, dans l’Eure, ainsi que trois collèges du même nom : à Corbeil (Essonne), à Ifs (Calvados) ainsi qu’à Corneny (Aisne). En Guinée, c’est le plus grand établissement scolaire du pays, le lycée Ymbaya de Conakry (9 000 élèves), qui a été rebaptisé Senghor en décembre dernier.
Du côté des centres culturels, les espaces dédiés à l’écrivain sénégalais ne se comptent plus. Parmi eux, la nouvelle bibliothèque-médiathèque du Havre, importante ville de l’ouest de la France, ouverte en septembre dernier. On rappellera aussi que l’université francophone d’Alexandrie, ouverte en 1990, s’appelle Senghor. À Dakar, où l’université a reçu le nom de Cheikh Anta Diop, l’autre grande figure culturelle du Sénégal, Senghor n’a en revanche droit qu’à un amphithéâtre
Mais les Sénégalais n’avaient pas attendu le centenaire de la naissance de leur ancien président pour honorer sa mémoire. L’une des plus grandes artères de la capitale, l’ancienne avenue Roume (un gouverneur général de l’Afrique-Occidentale française), qui passe devant le palais de la République, portait déjà son patronyme. De même que, depuis 1996, l’aéroport de Yoff (toponyme du village près duquel il a été construit). Les Français ont suivi le mouvement en transformant leur centre culturel en Institut français L.-S.-Senghor. Thiès, situé à environ 70 km de Dakar, ne pouvait ignorer celui qui fut son premier maire : le boulevard principal et le centre communal portent son nom.
Enfin, s’il fallait attribuer une palme de la « senghoritude », c’est probablement Verson, à la périphérie de Caen, qui se la verrait décerner. Cette petite ville normande où le poète-président a vécu ses dernières années compte à la fois une place, une rue et un espace culturel qui perpétuent son souvenir.

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