Tunisie : le mufti de la République s’attire les foudres de la société civile en appelant à cesser les manifestations

Othman Battikh, le mufti de la République, a émis une fatwa contre les mouvements de protestation sociale, appelant les Tunisiens à reprendre le travail et les études. Une intervention considérée comme « une ingérence » par une partie de la société civile.

Manifestation en Tunisie en 2016 (image d’illustration). © Amine Landoulsi/AP/SIPA

Manifestation en Tunisie en 2016 (image d’illustration). © Amine Landoulsi/AP/SIPA

Publié le 27 septembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Dans un communiqué publié le 26 septembre, Othman Battikh, ancien ministre des Affaires religieuses et représentant aujourd’hui la plus haute autorité musulmane du pays, a appelé les Tunisiens « à consacrer tous leurs efforts à travailler et étudier » pour le bien du pays, en pleine crise économique.

Un « devoir religieux »

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S’adressant à tous les citoyens, « dans l’administration, les commerces, dans les champs, les usines, les écoles et les universités », le mufti de la République a dénoncé les « manifestations intempestives et les sit-in entravant le travail et la production » via par exemple des barrages sur la routes ou des atteintes aux biens publics.

Intervenant sur les ondes de Shems FM, il a expliqué que ces mouvements de protestation « nuisent à la réputation de la Tunisie au niveau international, alors que le chef de l’État fait de son mieux pour vendre une belle image du pays » et attirer les investisseurs étrangers. « Si le droit de grève est un droit constitutionnel, le droit au travail l’est tout autant, mais c’est aussi un devoir religieux », a-t-il ajouté.

Indignation

En réaction, la puissante centrale syndicale UGTT s’est dite « étonnée » que le mufti « se mette à qualifier de ‘haram’ et ‘halal’ des revendications légitimes », invitant Othman Battikh à ne pas intervenir « afin que son image et sa crédibilité ne soient pas critiquées ». Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) a quant à lui mis en garde contre « le danger » de cette « ingérence » et demandé à la présidence de la République d’ « assumer ses responsabilités dans la défense de la Constitution, garante du caractère civil de l’État ainsi que des libertés civiles et politiques. »

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Et alors que le quotidien Al Chourouk a jugé que le mufti semblait « faire porter aux seuls mouvements sociaux la responsabilité de la détérioration de la situation sociale générale », plusieurs internautes se sont étonnés qu’Othman Battikh n’ait pas plutôt choisi de déclarer « haram » la corruption, devenue un fléau dans le pays. D’autres commentaires sur les réseaux sociaux répondent néanmoins positivement à cet appel, dénonçant une « prise en otage » d’une partie de la population par des grévistes, et d’un « relâchement » quasi-général en Tunisie eu égard au travail.

Une situation économique et sociale délicate

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La Tunisie a souffert de l’instabilité qui a suivi la révolution de 2011 et se trouve dans une situation économique et sociale délicate, avec une croissance atone et un chômage massif, surtout chez les jeunes diplômés. Le nouveau chef de gouvernement, Youssef Chahed, a assuré qu’il se montrerait « déterminé à faire face à tous les sit-in illégaux et illégitimes, tout en restant engagé à garantir le droit de grève ».

La semaine écoulée a été marquée par l’annonce du départ de la société pétrolière britannique Petrofac d’un champ gazier à Kerkennah (centre-est), à l’arrêt depuis neuf mois du fait d’un conflit social. Après des négociations marathon, un accord a finalement été trouvé vendredi et la production a pu reprendre ces dernières heures. « Elle est déjà revenue à quelque 90% de ses pleines capacités », a précisé mardi à l’AFP le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi.

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