Lahcen Haddad : « Au Maroc, burkini et bikini coexistent sur les plages »

Dans une interview à Jeune Afrique, le ministre du Tourisme marocain assure que la polémique sur le burkini ne se pose pas au Maroc, pays musulman qui respecte les libertés individuelles.

L’ancien ministre du tourisme marocain Lahcen Haddad a été définitivement banni du service de l’État. © Hassan Ouazzani pour JA

L’ancien ministre du tourisme marocain Lahcen Haddad a été définitivement banni du service de l’État. © Hassan Ouazzani pour JA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 24 août 2016 Lecture : 3 minutes.

En pleine controverse sur le burkini en France, le ministre du tourisme marocain, Lahcen Haddad, estime que le Maroc n’est pas touché. Quelques maisons d’estivage ont bel et bien interdit cet habit intégral dans le royaume mais leurs décisions n’engagent nullement les choix d’un État musulman qui défend les libertés individuelles et qui, au passage, tient à ce que son image touristique, qui a subi les dommages collatéraux des attentats, ne soit pas victime d’un énième amalgame.

Jeune Afrique : Dans quelle mesure cette polémique sur le burkini, partie de France, touche-t-elle le Maroc?

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Lahcen Haddad : Contrairement à la France, l’interdiction du burkini au Maroc n’émane que de quelques établissements privés. Nous sommes dans un pays musulman qui respecte aussi les libertés individuelles et l’initiative privée.

Ces interdictions privées ne risquent-elles pas d’aggraver la controverse sur le burkini ?

L’État marocain n’intervient pas là-dedans. Sur les plages, les gens portent ce qu’ils veulent à condition de respecter les règles de pudeur. Mais pour des raisons d’hygiène qui leur sont propres, certains établissements et maisons d’estivage ne tolèrent pas le burkini. Au Maroc, cet habit n’est pas un sujet portant à polémique car aucune interdiction n’a émané des autorités publiques. Nous respectons les valeurs de l’islam modéré. Bikini et burkini co-existent sur nos plages.

Pourtant, en 2000, l’État avait violemment sévi contre les sympathisants d’Al Adl Wal Ihssane (une ONG islamiste interdite officiellement mais tolérée par les autorités) qui avaient tenté d’islamiser les plages…

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L’État sévit quand des personnes veulent jouer au justicier et édicter leurs lois. En cas d’atteinte à l’ordre public, il est dans son droit d’agir et de faire en sorte que les plages publiques restent libres d’accès. Mais il ne peut pas dire aux gens comment il faut s’habiller.

Quel regard portez-vous sur les interdictions touchant le burkini en France ? Ne risquent-elles pas d’atteindre le tourisme au Maroc ?

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Il n’y a pas de relation de cause à effet. Cette histoire de burkini est une affaire franco-française et en tant que membre du gouvernement marocain, je suis très mal placé pour commenter les décisions d’un autre pays. Vous savez, l’islam est une donnée nouvelle dans un système politique laïc comme celui de la France. En plus, nous sommes dans une période post-attentat qui a fortement contribué à créer ce climat anxiogène.

Pourtant, les derniers chiffres sur le tourisme au Maroc indiquent une baisse de 2,6% du nombre des touristes, en grande partie en provenance de France, d’Allemagne, de Grande-Bretagne et d’Italie, vos marchés traditionnels…

Cette baisse est due principalement au mois de ramadan qui connaît une stagnation du tourisme. Les chiffres du mois de juillet sont en redressement. Nous aurons un bel été et nous finirons l’année sur une augmentation de 1% ou, pire, une stagnation.

Ce n’est pas glorieux…

Oui mais nous avons échappé au pire. Le Maroc a pu résister au choc des attentats et à tous les amalgames faits au nom de l’islam. Pour nous, ces chiffres sont donc une vraie réalisation. Une fois toutes ces peurs dépassées, nous allons reprendre très rapidement. La destination Maroc est assez mature.

N’êtes-vous pas un peu trop optimiste, vu que les questions sur le terrorisme et les amalgames religieux sont parties pour durer ?

Dans son discours du 20 août, le roi du Maroc a condamné l’extrémisme avec des mots très puissants. C’est un appui décisif pour l’humanité dans sa lutte contre l’obscurantisme et la haine. Il a demandé à ce que les musulmans reprennent leur religion des mains des extrémistes. Et cet appel me rend profondément optimiste.

Le roi a appelé les Marocains de l’étranger à bien se tenir aussi. N’y voyez-vous pas une réponse à la rixe qui a eu lieu en Corse, à l’origine de la polémique sur le burkini, dans laquelle une famille marocaine était impliquée ?

L’appel du roi est beaucoup plus global. C’est une prise de position claire de la part d’un leader islamique connu pour sa clairvoyance. Marocains et étrangers ont tout intérêt à s’approprier son message.

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