Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine : un bilan louable à l’âge de raison

L’Union africaine célèbre, ce 25 mai 2024, un événement historique : le vingtième anniversaire de son Conseil de paix et de sécurité (CPS). En définissant les objectifs du CPS, les dirigeants africains ont été visionnaires, fins stratèges et ambitieux.

Unité de police de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), à Mogadiscio, en 2012. © Stuart Price / AFP

Unité de police de la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), à Mogadiscio, en 2012. © Stuart Price / AFP

Parfait Onanga-Anyanga© DR Parfait Onanga-Anyanga
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  • Parfait Onanga-Anyanga

    Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies auprès de l’Union africaine.

Publié le 25 mai 2024 Lecture : 5 minutes.

L’Assemblée de l’Union africaine (UA) a chargé le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique, afin de garantir la protection et la préservation de la vie et des biens, le bien-être des populations africaines et de leur environnement ; d’anticiper et de prévenir les conflits ; de promouvoir et de mettre en œuvre des activités de consolidation de la paix et de reconstruction post-conflit pour consolider la paix et prévenir la résurgence de la violence ; de coordonner et d’harmoniser les efforts continentaux en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme international ; d’élaborer une politique de défense commune pour l’Union africaine ; et de promouvoir et d’encourager les pratiques démocratiques, la bonne gouvernance et l’État de droit, la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que le respect de la sacralité de la vie humaine et du droit international humanitaire.

Leadership et engagement

Au cours de ces vingt courtes années, le CPS a fait preuve de leadership et d’un engagement fort envers les principes énoncés dans l’Acte constitutif et le Protocole. Le CPS s’est engagé à éviter les situations de conflit ou leur escalade, par exemple, entre le Soudan du Sud et le Soudan, à la suite d’escarmouches autour des champs de pétrole de Heglig en 2012. Ainsi que ses engagements vitaux en Somalie, par le biais de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) et de la Mission de transition de l’Union africaine en Somalie (Atmis).

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Le Conseil suit de près les situations de conflit sur tout le continent, effectuant souvent des missions sur le terrain pour évaluer de première main les dynamiques et dialoguer avec les parties en conflit et les communautés locales. Le CPS a établi des modalités claires, fondées sur des principes, pour répondre aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, et apporte un soutien essentiel et des orientations aux mécanismes de médiation de l’UA, pour la prévention et la résolution des conflits, tels que le Panel des Sages, FemWise et WiseYouth, ou encore l’initiative « Faire taire les armes ».

Fort de ces réalisations, le CPS s’est solidement établi au sein du système mondial de sécurité collective. Il entretient des relations étroites avec le Conseil de sécurité des Nations unies lors de réunions consultatives conjointes, formelles, tenues chaque année au cours des dix-sept dernières années, ainsi qu’à travers des réunions de coordination informelles, organisées mensuellement, entre le Président du CPS et le Président du Conseil de sécurité, et également lors de réunions régulières entre le CPS et les trois membres africains du Conseil de sécurité (A3). De plus, le CPS tient des réunions consultatives avec la Commission de consolidation de la paix des Nations unies et son homologue de l’Union européenne.

Ces interactions soulignent l’impératif de l’appropriation et du leadership africain pour faire face aux menaces pesant sur la paix et la sécurité du continent. Les réalisations du CPS ont été enregistrées dans un contexte caractérisé par plusieurs défis complexes. Le CPS mérite donc d’être félicité pour sa persévérance et sa créativité dans la réponse aux conflits, ainsi que pour sa fidélité aux principes contenus dans ses documents fondateurs. De plus, le CPS a dû travailler en faisant face à des contraintes en ressources humaines et financières, ce qui l’a empêché de fonctionner de manière optimale, comme prévu dans le Protocole.

Cependant, des progrès louables ont été réalisés ces dernières années, avec la revitalisation du Fonds pour la paix, désormais doté de près de 400 millions de dollars, qui sont déployés pour diverses initiatives de paix, notamment la prévention des conflits, la médiation et les opérations de soutien à la paix. En tant que membre ex officio du conseil d’administration du Fonds pour la paix, au nom des Nations unies, je peux témoigner de la détermination de la hiérarchie de l’Union africaine à déployer davantage ses propres ressources pour de telles initiatives, tout en encourageant des partenariats visant à promouvoir la paix et la sécurité régionales et internationales.

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Pour un multilatéralisme en réseau

Comme l’a si bien déclaré le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, lors de la session d’ouverture du sommet en février de cette année, l’autre défi du CPS vient de la remise en cause de son autorité par d’autres entités, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du continent, qui ignorent ou violent ses décisions. Inversement, et comme l’ont reconnu les acteurs régionaux, les revendications de souveraineté, certes légitimes, ont souvent été invoquées de manière opportuniste pour entraver les initiatives de prévention et d’action précoces, si nécessaires pour éviter les conflits aux conséquences catastrophiques pour les personnes, les biens et la paix, tant au niveau national que régional.

En se projetant vers l’avenir, comme l’a clairement indiqué le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, dans sa note d’orientation politique 9 : « Un nouvel agenda pour la paix », le rôle des arrangements régionaux est devenu de plus en plus pertinent face à la compétition entre les puissances au niveau mondial et aux menaces de plus en plus transnationales. Le secrétaire général des Nations unies considère donc les organisations régionales comme des éléments essentiels pour un multilatéralisme en réseau. À cet égard, il a, tout au long de son mandat, milité en faveur de partenariats plus solides entre l’ONU et l’UA, notamment en soutenant le financement des opérations d’appui à la paix de l’UA, par les contributions obligatoires de l’ONU.

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Grâce à sa légitimité inégalée et à son cadre normatif sans précédent, fondé sur les principes jumeaux de la non-ingérence et de la non-indifférence, le CPS est positionné de manière unique pour promouvoir des solutions politiques en Afrique, par une approche de prévention des conflits proactive, conformément au projet pertinent d’intégration régionale du continent. Il est impératif que le CPS continue d’exercer son leadership dans la mise en œuvre de réponses holistiques aux défis à la paix et à la sécurité sur le continent, en travaillant en collaboration avec d’autres organisations, notamment les Nations unies, au sein d’un système mondial de sécurité collective.

Les Nations unies continueront à travailler en étroite collaboration avec le CPS et l’Union africaine, dans un esprit de solidarité, de respect mutuel et de confiance. Je me réjouis de la collaboration accrue entre nos deux organisations alors que nous œuvrons à la réalisation des aspirations de l’Agenda 2063 de l’UA : « L’Afrique Que Nous Voulons », et de l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable, dans la perspective partagée « deux agendas, un cadre ».

Joyeux anniversaire, CPS@20 ! Hongera ; Félicitations !

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