[Chronique] Nigeria : l’enlèvement de centaines de lycéens et les vacances de Buhari 

Alors que plusieurs centaines de lycéens ont été enlevés dans le nord-ouest du Nigeria, la compassion poussive du président Buhari, qui se trouvait pourtant en congé dans le même État, provoque l’indignation.

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Publié le 15 décembre 2020 Lecture : 2 minutes.

Peut-on être immunisé contre les enlèvements d’enfants, comme vacciné par le kidnapping « industriel » des lycéennes de Chibok, en 2014 ? Peut-on être blasé par les exactions à répétition du groupe terroriste Boko Haram, tant celles-ci sont devenues le quotidien de nombreux Nigérians ? Peut-on afficher une apparente indifférence, lorsqu’on est en charge de la sécurité d’une nation ?

Vendredi 11 décembre, aux environs de 21h40, dans la ville de Kankara, dans le nord-ouest du Nigeria, des hommes armés en moto lancent un assaut contre un internat hébergeant 839 élèves. Les assaillants disparaissent avec des centaines de lycéens, dont 333 manquent toujours à l’appel. Dans un message vocal, Abubakar Shekau, l’insubmersible leader du groupe jihadiste Boko Haram, a revendiqué mardi les enlèvements. Abasourdis, les Nigérians scrutent la réaction de leur chef d’État…

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Alors que de tels kidnappings provoquent généralement une indignation instantanée, aussi bien sur le plan national que dans le reste du monde, une vidéo diffusée par le site Sahara Reporters montre Muhammadu Buhari en train de visiter un ranch avec son aide de camp. Selon le site, la scène date du samedi 12 décembre, quelques heures après l’attaque terroriste. Difficile pour le président d’excuser son manque de réactivité par le fait qu’il est en vacances, ses activités champêtres paraissant d’autant plus indéfendables qu’elles se déroulaient justement dans son fief de Katsina, l’État qui abrite la ville meurtrie de Kankara.

Apparent déficit d’empathie

Si Muhammadu Buhari condamne formellement l’attaque et ordonne le renforcement de la sécurité dans toutes les écoles, la vidéo est assassine. Et Sahara Reporters a beau jeu de titrer : « le président va voir ses vaches et refuse de rendre visite aux parents des familles des étudiants enlevés »…

Comment expliquer l’apparent déficit d’empathie d’un général qui avait pourtant fait de la lutte contre Boko Haram la priorité de son mandat ? La prostration ? On se souvient d’un George W. Bush hagard, le 11 septembre 2001, et indécis à l’idée de quitter une salle de classe de Sarasota lorsqu’il apprend le pire attentat jamais perpétré sur le territoire dont il a la responsabilité. Mais devant les enclos des vaches, le président nigérian, lui, apparaît plus nonchalant que tétanisé.

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Suspicions

Des observateurs en quête de circonstances atténuantes soulignent que, même présent dans l’État de Katsina, le président se trouvait à 190 kilomètres de l’internat attaqué. Était-il alors plus simple d’envoyer à Kankara une délégation en provenance de la capitale ? Les internautes, qui rétorquent qu’aucun convoi d’Abuja ne saurait remplacer des condoléances présidentielles, se demandent si l’absence de déplacement de Buhari ne trahirait pas une nouvelle fragilité de son état de santé, ce dernier faisant régulièrement l’objet de suspicions.

L’ultime argument en faveur de la poursuite des congés présidentiels serait le souhait de ne pas céder à la politique politicienne et donc à la mise en scène larmoyante. C’est pourtant des munitions de politique politicienne que Muhammadu Buhari vient de fournir à ses opposants : le président national du Middle Belt Forum, le Dr Bitrus Porgu, a surfé sur la polémique en enjoignant le chef de l’État à démissionner…

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