[Chronique] Projet d’hôpital de Bobo-Dioulasso : le gouvernement burkinabè verdit sa copie

Prévu initialement en pleine forêt classée, un centre hospitalier burkinabè sera finalement relocalisé. Une victoire écologiste inédite face à un gouvernement qui vient de manger son chapeau.

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Publié le 19 août 2020 Lecture : 2 minutes.

À chaque Chine son hôpital burkinabè. Après la parenthèse diplomatique taïwainaise de 1994-2018 déjà incarnée par un centre hospitalier de référence –l’hôpital Blaise Compaoré rebaptisé « Tingandogo »–, la République populaire de Chine ragaillardie entend offrir à la province du Houet un vaste centre hospitalier. Mais un détail agitait le landerneau politico-environnemental du Faso : la construction du joyau sanitaire – 60 milliards de francs CFA [91,5 millions d’euros] – devait sacrifier 16 hectares de la forêt classée de Kua.

Dix-huit mois après le début de la grogne écologiste, c’est de façon laconique que le Premier ministre vient d’annoncer la relocalisation du projet. Le 13 août dernier à Bobo-Dioulasso, Christophe Dabiré invoquait une étude d’impact de nature à justifier le choix d’un nouveau site.

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Une annonce sans tambour ni trompette d’une étude alors non publiée. « Très bientôt, cet hôpital sera une réalité » sur une implantation « pas éloignée de Kua », a lancé le chef de gouvernement sous des applaudissements toujours bienvenus à quelques semaines d’élections générales

Une « forêt qui n’existe pas »

Si l’État semble faire profil bas, c’est qu’il avait jusque-là traité la fronde avec morgue et ironie. À l’Assemblée nationale, le même Christophe Dabiré avait moqué les happenings des agents des services des Eaux et Forêts et les pétitions des citoyens, qualifiant le débat de « tempête dans un verre d’eau ». Le ministre des Affaires étrangères avait même affirmé sur Facebook, lors d’un déplacement in situ, avoir visité une « forêt qui n’existe pas »…

D’une superficie estimée à 350 hectares et classé depuis 1936, le site abrite une nappe phréatique qui constitue la deuxième source d’eau la plus importante d’Afrique de l’Ouest.

Les défenseurs de l’environnement ne manquaient pourtant pas d’arguments. Alors que le Burkina Faso perd chaque année 4% de son massif forestier, la forêt de Kua revêt une importance plus que bucolique pour les habitants de l’Ouest. D’une superficie estimée à 350 hectares et classé depuis 1936, le site abrite une nappe phréatique qui constitue la deuxième source d’eau la plus importante d’Afrique de l’Ouest. Une source d’alimentation en eau potable qu’il aurait été incongru de confronter aux déchets inévitables d’un CHU.

Le militantisme des écologistes de tout poil était encouragés par deux faits. Primo, le bailleur de fond chinois se montrait ouvert à « tout autre site réunissant toutes les conditions ». Secundo, les procédures de déclassement avaient hâtivement contourné le ministère en charge de l’Environnement, de l’Économie verte et du Changement climatique pour saisir directement une mairie de Bobo-Dioulasso arc-boutée sur des consultations coutumières et religieuses. Or, Kua est une forêt classée par les autorités nationales, et non locales.

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Le recul du gouvernement fera sans doute jurisprudence, lorsqu’il sera à nouveau question de déclassement de « forêts qui n’existent pas ». Surtout en période pré-électorale…

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