Comment l’Europe empêche le retour des migrants africains dans leur pays d’origine

Selon une étude de l’Ined publiée mercredi, les restrictions de la politique migratoire européenne constituent la principale barrière au retour des migrants dans leur pays d’origine.

Un migrant africain à Hambourg, en Allemagne. © Axel Heimken/AFP

Un migrant africain à Hambourg, en Allemagne. © Axel Heimken/AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 8 octobre 2014 Lecture : 2 minutes.

C’est un problème sur lequel l’Europe, confrontée à une vague d’immigration clandestine sans précédent depuis quelques années, ferait bien de se pencher rapidement. Selon une étude rendue publique mercredi et menée par trois chercheurs de l’Institut national des études démographiques (Ined), les restrictions administratives imposées aux migrants africains en situation irrégulière ne sont pas de nature à favoriser leur retour sur le continent.

De fait, ceux qui rentrent dans leur pays d’origine ne le font que très rarement en raison des papiers. "Les retours sont en grande majorité spontanés plutôt que forcés ou encouragés par les pays de destination", expliquent les auteurs de l’étude, Marie-Laurence Flahaux, Cris Beauchemin et Bruno Schoumaker.

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S’appuyant sur des entretiens avec des Sénégalais et des Congolais de la RDC vivant en Europe ou rentrés chez eux après un séjour de l’autre côté de la Méditerranée, ils en concluent que "les restrictions imposées à l’immigration ont tendance à réduire la propension au retour des migrants."

Raisons personnelles

Par exemple, deux tiers des migrants rentrés au Sénégal ont avancé des raisons personnelles à leur retour : familiales (34%), professionnelles (15%), fin des études (15%). Une proportion qui est des trois quarts pour les Congolais : 44% sont rentrés pour le travail, 25% à la fin de leurs études et 6% pour la famille. À l’inverse, seuls 11% des Sénégalais et 3% des Congolais sont partis en raison de "problèmes de papiers" et 5% des Sénégalais et 12% des Congolais pour d’autres "difficultés rencontrées en Europe".

Ceux qui disposent de papiers se disent beaucoup plus enclins à rentrer que les migrants irréguliers.

Un constat s’impose donc, qui frise l’évidence. "Les personnes dont la migration a été financièrement et humainement coûteuse sont moins promptes à repartir parce qu’elles ne sont pas prêtes à vivre à nouveau une telle expérience", indiquent les chercheurs. Effectivement, parmi les migrants toujours présents en Europe, ceux qui disposent de papiers se disent beaucoup plus enclins à rentrer que les migrants irréguliers qui "savent qu’ils n’auront pas la possibilité de repartir en cas de difficultés pour se réinsérer", ajoutent-ils.

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Une balle dans le pied

Pourquoi l’Europe ne cherche-t-elle pas à assouplir les conditions d’entrée sur son sol, tout en favorisant le retour des migrants dans de bonnes conditions, en coopération avec les pays d’origine ? Ne serait-ce pas une voie logique à suivre alors qu’aucune mesure n’a jusqu’ici réussi à enrayer le phénomène migratoire ? Certes, une telle politique serait plus difficile à expliquer aux Européens et moins "politiquement rentable" à l’heure ou l’extrême droite fait une percée remarquable sur le Vieux continent. Mais en attendant, une chose est sûre : au lieu de profiter de la richesse aussi bien culturelle qu’économique de ses migrants, même clandestins, l’Europe se tire une balle dans le pied à persévérer dans la stratégie stérile et coûteuse de la muraille.

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(Avec AFP)

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