
Le président Patrice Talon à Paris, le 26 avril 2016 © Michel Euler/AP/SIPA
Arrivé au pouvoir en avril 2016, Patrice Talon a chamboulé le paysage politique béninois. Homme d’affaires avant d’être politicien, il applique depuis plusieurs mois « sa » méthode afin de redresser le pays, malgré les contestations. Entre réformes économiques et déconvenues politiques, retour sur les grands moments de son mandat.
Le président Talon n’a pas été long à imprimer sa marque et à imposer un nouveau style de gouvernance. L’homme se montre peu sur le devant de la scène, ses discours se font rares. Aussi, pour des Béninois habitués ces dernières années à l’hyperprésidence de son prédécesseur, c’est une véritable révolution de palais.
Ses mots, savamment choisis, empruntent beaucoup au répertoire du new public management : vision, objectifs, stratégie, réforme, résultat… Une ritournelle inspirée du vocabulaire du secteur privé, au nom d’un rêve, répété à l’envi, celui d’un « grand dessein pour le Bénin ».
Le président, fidèle à sa politique du résultat, avance tête baissée
Confronté dès son investiture à une situation socio-économique délicate, Patrice Talon a pris le temps d’établir un diagnostic avant d’élaborer le Programme d’actions du gouvernement (PAG), soit un ensemble de 77 réformes prioritaires et de 45 projets phares, bâti autour de sept axes stratégiques, pour relever trois défis : la consolidation de la démocratie, de l’État de droit et de la bonne gouvernance ; la transformation structurelle de l’économie ; l’amélioration des conditions de vie des populations.
Les enjeux sont à la hauteur de l’enveloppe financière prévue : 9 000 milliards de F CFA (13,7 milliards d’euros) mobilisés, de 2016 à 2021, pour donner corps au désir de modernité d’un président qui ne craint pas de bousculer les habitudes.
« Maître incontestable de la scène politique nationale »
Déguerpissement dans les espaces publics, assainissement des finances de l’État, lutte contre la corruption et l’impunité… Si sa feuille de route fait grincer des dents une partie de la société, le président, fidèle à sa politique du résultat, avance tête baissée, résolu.
>>> À LIRE – Bénin : le programme d’actions du gouvernement à l’épreuve du terrain
Le style peut parfois paraître suicidaire, mais nombre de Béninois semblent désormais de plus en plus nombreux à être convaincus que cette méthode, toute impopulaire qu’elle est, est indispensable pour changer le pays en profondeur.
En vingt et un mois de mandat, Patrice Talon est devenu le maître incontestable de la scène politique nationale. Pourtant, élu sans étiquette et sans l’aide des partis traditionnels, il n’a pas eu besoin de créer un mouvement – contrairement à ses prédécesseurs – pour s’allier une soixantaine de députés sur les 83 qui siègent à l’Assemblée. Celui qui n’hésite pas à se comparer à Nelson Mandela a une obsession pour le Bénin : « Planter durablement les graines de [son] essor politique. »
Le pain et la paix
Échaudé, en avril 2017, par l’échec de son projet de révision constitutionnelle, le président Talon a cependant compris que l’audace, seule, ne suffirait pas à faire de son mandat une réussite. Celle-ci suppose qu’il entretienne une relation régulière et surtout dynamique avec sa majorité parlementaire.
En point de mire : une victoire aux législatives de 2019, qui le renforcerait. Il devra cependant faire face à son ancien soutien, Sébastien Ajavon, arrivé troisième à la dernière présidentielle, avec lequel l’idylle a été de courte durée.
>>> À LIRE – Bénin : pourquoi Sébastien Ajavon poursuit l’État et lui réclame 250 milliards de F CFA
Le chef de l’État a promis aux Béninois de « surgir, d’agir et de disparaître », mais sa maîtrise du jeu politique national lui offre une occasion inédite de marquer l’histoire du pays. Se contentera-t-il d’un unique mandat, comme il l’a maintes fois assuré ?
Peu de Béninois croient encore en cette promesse électorale. Ils se contentent d’espérer que, au-delà du nombre de ses mandats, son action apportera le pain et la paix, dans un pays qui, pour l’heure, n’a pratiquement que sa « vétuste démocratie » pour seul produit d’exportation.
Lire les autres articles du dossier
«Grand Format - Vers un autre Bénin ?»
- Grand Format Bénin : Patrice Talon à l'heure du grand tournant
- Le Bénin, entre Pape Christophe et Dame Parfaite
- Grand Format Bénin - Romuald Wadagni : « Il n'y aura aucune concession sur la corruption »
- Grand Format Bénin : l’aéroport Glo-Djigbé attendu pour la fin 2020
- Grand Format Bénin : un échiquier politique bouleversé
- Grand Format Bénin - Patrice Talon a-t-il oublié sa promesse sur le mandat unique ?
- Grand Format Bénin - Léonce Houngbadji : « Critiquer l'action du gouvernement est devenu un délit »
- Grand Format Bénin : les ressorts de l'exception démocratique béninoise
- Bénin : une économie fortement dépendante du géant nigérian
- Grand format Bénin : les freins au redécollage
- Grand format Bénin - Agroalimentaire : le pari de l’anacarde
- Grand Format Bénin - Le coton prend-t-il trop de place ?
- Grand format Bénin - Anacarde : l'État doit accompagner la création de nouvelles plantations
- Grand format Bénin : une seconde vie pour la Pendjari
- Grand format Bénin : Atingan Solutions, l'âtre qui sauve la forêt
- Grand format Bénin : l'État reprend la main sur les diplômes universitaires
- Grand format Bénin : Sèmè City, future capitale du savoir
- Grand format Bénin - Médias : Chérif Riwanou, le presse-made-man du Bénin
- Grand format Bénin : Erick-Christian Ahounou porte son regard sur les courbes africaines