Économie

Gabon : Averda stoppe le ramassage d’ordures pour que Libreville paie ses dettes

Nouvelle manche dans le bras de fer entre Averda et l’État gabonais. La société de ramassage d’ordures a décidé de stopper la collecte tant que ne sera pas acquitté l’équivalent de deux ans d’arriérés de paiement. La puissance publique, de son côté, audite la dette de la compagnie et estime que cette dernière ne tient pas ses engagements.

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Par - à Libreville
Mis à jour le 8 août 2019 à 17:22

Une place de Libreville, au Gabon (image d’illustration). © Jacques Torregano/JA

Les poubelles débordent et les déchets s’entassent depuis le début de semaine à Libreville : la société de nettoyage privée Averda a annoncé un nouvel arrêt de ses activités, en raison de « 24 mois d’arriérés de paiement de l’État gabonais ».

« Nous ne reprendrons que quand nous aurons obtenu des garanties sur les trois aspects suivants : un engagement clair de l’État sur la dette, que nous chiffrons à 25 milliards de F CFA (38 millions d’euros), une assurance de paiements mensuels de l’État de 950 millions de F CFA toutes taxes comprises, et une mise en place d’un comité de suivi de ces demandes », expliqueà Jeune Afrique Joseph Minko Olenga, le directeur général adjoint (DGA) d’Averda.

« Nous avons du mal à maintenir le niveau d’exploitation, qui comprend le ramassage des ordures, le transport à la décharge et le balayage des rues de Libreville et d’Akanda », indique le dirigeant, ajoutant que la compagnie doit aujourd’hui s’occuper de 640 tonnes de déchets par jour, contre 540 il y a cinq ans. Un chiffre surévalué, estime cependant un membre de la société Clean Africa, une entreprise gabonaise qui s’occupe aussi du nettoyage de la ville.

Relations dégradées depuis 2017

Dans les faits, les salaires, qui pèsent 300 millions de F CFA par mois pour 720 employés, sont versés directement par la holding Averda, alors que c’est la branche locale qui devrait s’en acquitter, affirme Nicolas Achkar, le directeur de développement du groupe pour l’Afrique, venu spécialement à Libreville. Les dettes de la filiale gabonaise auprès de plusieurs fournisseurs sont estimées à 4 milliards de F CFA. Société d’origine libanaise, dirigée par Malek Sukkar et dont le siège commercial est à Dubaï, Averda est arrivée en décembre 2014 au Gabon. « C’est depuis 2017 que les relations avec l’État se dégradent », indique-t-on en interne.

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« Qui peut travailler deux ans sans être payé ? Nous sommes spécialistes des pays émergents et nous réussissons dans d’autres pays. On n’en peut plus », s’exaspère Nicolas Achkar. La société est également présente au Congo-Brazzaville, en Angola et dans plusieurs villes du Maroc.

Au Gabon, Averda n’en est pas à son premier boycott du ramassage d’ordures. Les dernières négociations avec l’État avaient permis le paiement, en avril, de 3 milliards de F CFA, suivis de 2,7 milliards de F CFA en juin. « Cet argent a servi pour plus de 80 % à payer la sécurité sociale ou encore les impôts », précise le DGA d’Averda, qui ajoute que cette somme n’a pas permis d’apurer les dettes.

Libreville attend l’audit de la dette

De son côté, Libreville se dit « surpris » de cette nouvelle « pression » de la compagnie « à la veille de la fête de l’indépendance le 17 août », car l’État aurait « rempli ses engagements » depuis les dernières négociations, affirme Yannick Ongonwou Sonnet, Haut commissaire à l’Environnement rattaché à la Présidence – une institution qui se charge depuis juin du contrôle des services d’Averda.

La somme que réclame Averda est importante. Il est donc normal que l’on évalue son niveau réel

« Les contrôles nous ont montré qu’Averda ne respecte pas ses obligations », assure le responsable gabonais. Léandre Nzué, le maire de Libreville, assure par exemple que la compagnie n’a « pas rempli son cahier des charges », notamment pour le curage des caniveaux et l’entretien des bassins versants. Des accusations démenties par Averda, qui rétorque que l’État n’a pas posé de grilles dans les bassins versants afin de retenir les déchets et de faciliter leur extraction. De même, la décharge de Libreville est obsolète, ajoute la compagnie.

Depuis plusieurs mois, le cabinet PWC audite la dette de l’État envers la compagnie privée. « La somme que réclame Averda est importante. Il est donc normal que l’on évalue son niveau réel », justifie Yannick Ongonwou Sonnet, ajoutant que les résultats devraient être connus avant la fin de l’année. « Notre dette a déjà auditée au moins cinq fois, sans que rien ne soit trouvé », rétorque Nicolas Achkar.

Vers un départ d’Averda fin décembre ?

Au mois de juin, Libreville a informé Averda de sa volonté de ne pas renouveler le contrat de cinq ans, qui arrivera à échéance fin décembre 2019. « Notre entreprise ne peut pas partir fin décembre, car il y a des conditions : la dette devra être épurée », indique Nicolas Achkar. Pour les prochains contrats, la mairie envisage d’en « finir avec l’exclusivité et de répartir les potentielles sociétés de nettoyage par arrondissement », indique Serge Akassaga, adjoint du maire de Libreville.

Selon les informations obtenues par Jeune Afrique, l’État n’aurait pour l’instant pas trouvé de société en remplacement d’Averda, mais deux compagnies internationales et une compagnie locale, Agli, semblent intéressées par la reprise du marché qui sera attribué par appel d’offres.