Tchad : victime d’un viol collectif, Zouhoura brise le silence

À 16 ans, elle est devenue un symbole et l’assume avec courage : Zouhoura, jeune Tchadienne victime d’un viol collectif dans son pays, réclame que « justice soit faite » pour elle et « pour toutes les femmes » violées restées murées dans le silence.

Zouhoura, victime d’un viol collectif au Tchad, a brisé le silence lors d’une conférence de presse le 18 mars 2016 à Paris. © Alain Jocard/AFP

Zouhoura, victime d’un viol collectif au Tchad, a brisé le silence lors d’une conférence de presse le 18 mars 2016 à Paris. © Alain Jocard/AFP

Publié le 19 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

Silhouette frêle, traits délicats, Zouhoura a bouleversé le Tchad par son histoire, qui a jeté des milliers de jeunes manifestants dans les rues ces dernières semaines.

Le 8 février, alors qu’elle part au lycée avec une amie, à N’Djamena, une voiture aux vitres teintées s’arrête brusquement. À son bord, cinq jeunes garçons. Elle le saura plus tard, ils font partie de la jeunesse dorée de ce pays très pauvre.

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« Ils m’ont prise par le cou et m’ont jetée dans la voiture », témoigne Zouhoura, d’une voix encore enfantine. Émue, elle bute sur les mots. « Ils m’ont emmenée de force en dehors de la ville… vous connaissez la suite ».

Il n’y a jamais eu de justice avant [pour punir] le viol d’une femme tchadienne.

Combattre l’impunité

Revenue lundi en France, où elle a déjà vécu de 2009 à 2015 chez des parents, elle a décidé de s’exprimer en public vendredi à Paris pour combattre l’impunité dont bénéficient les auteurs de crimes sexuels au Tchad.

« Il n’y a jamais eu de justice avant (pour punir) le viol d’une femme tchadienne », dit-elle à l’AFP, les yeux hauts sous son foulard imprimé de nuances de gris. « Je ne suis pas la seule victime. Il y a d’autres femmes, des filles qui ont été violées – que je connais – et elles sont restées anonymes, elles n’ont rien dit ».

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Encouragée par son père, un opposant au régime installé depuis longtemps à Nancy, dans l’est de la France, Zouhoura, elle, a décidé de parler. « Je m’attendais à ce qu’il dise : ‘attend, il faut qu’on règle ça en famille’ mais non, il n’a pas hésité. Il m’a dit ‘va porter plainte’ ».

« Au Tchad, pas de justice »

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Au Tchad, les représentants des forces de l’ordre auxquels elle se confie, « au début, n’ont pas réagi ». Un sujet tabou, des agresseurs fils de hauts dignitaires du régime. « Je parlais, je parlais. Ils m’ont menacée ».

Furieux de voir Zouhoura porter plainte, ses violeurs diffusent des photos de l’agression sur les réseaux sociaux. Mais ces clichés de la jeune fille nue, en larmes, bouleversent le pays.

Malgré le régime sécuritaire du président Idriss Deby Itno, qui laisse très peu d’espace à l’opposition, des centaines de lycéens manifestent à N’Djamena, le 15 février. Il sont violemment dispersés par la police anti-émeute. L’un d’eux, Abbachou Hassan Ousmane, 17 ans, est tué par balle.

Les jours qui suivent, le mouvement de contestation s’étend à d’autres villes. D’autres jeunes manifestants sont blessés, 17 sont arrêtés.

Voir tant de Tchadiens manifester, jusqu’à Londres ou Washington, « ça m’a encouragée », dit Zouhoura.

Quand les autorités « ont vu que les gens manifestaient et que ma photo circulait partout sur les réseaux sociaux, elles ont vite arrêté les criminels ».

Les cinq violeurs présumés, parmi lesquels trois fils de généraux, et quatre complices présumés, dont un fils du ministre des Affaires étrangères, sont interpellés.

Mais Zouhoura doute qu’ils soient jugés un jour. « Au Tchad, il n’y a pas de justice. (…) Je ne suis même pas sûre qu’ils soient en prison ». « Je veux que justice soit faite, que cela ne se reproduise plus », insiste l’adolescente.

Voix qui s’étrangle parfois, larme qui coule, parler de ce viol en public, témoigner devant des journalistes lui coûte. Mais « il fallait le faire, c’était nécessaire », assure d’un ton raffermi Zouhoura qui veut « continuer ce combat » et, après, peut-être, reprendre ses études brutalement interrompues.

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