En Algérie, les recettes pour assurer un ramadan à petits prix

S’ils se mobilisent chaque année pour éviter une explosion des prix lors du mois du jeûne, les pouvoirs publics algériens sont plus décidés encore à éviter de mécontenter la population en cette année électorale. Les mesures annoncées sont donc particulièrement strictes.

Marché de Boufarik, dans la wilaya de Blida, à 35 km au sud-est d’Alger. © CHINE NOUVELLE/SIPA

Marché de Boufarik, dans la wilaya de Blida, à 35 km au sud-est d’Alger. © CHINE NOUVELLE/SIPA

Publié le 12 mars 2024 Lecture : 4 minutes.

Nationalisme économique et solidarité sociale sont au menu du ramadan de cette année pour les industriels algériens, réunis par le Conseil du renouveau économique algérien (CREA). Ce syndicat patronal connu pour être très proche du président Abdelmadjid Tebboune et que dirige Kamel Moula, patron des Laboratoires Vénus Sapeco, spécialisés dans les produits cosmétiques et parapharmaceutiques, vient en effet de lancer une initiative visant à baisser les prix des produits de large consommation.

Une initiative annoncée ce samedi 9 mars 2024 au cours d’une conférence de presse animée conjointement par Kamel Moula et les ministres du Commerce et de la Communication, respectivement Tayeb Zitouni et Mohamed Laagab.

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Pour un ramadan à petits prix, sans pénuries ni tension sur les produits essentiels, le gouvernement tente d’obtenir une baisse significative des prix de plus de 60 produits de large consommation dans les secteurs de l’agroalimentaire, des appareils électroménagers et des détergents, et ce tout au long du mois.

Si, bien évidemment, en public, tous les opérateurs adhèrent pleinement à cette démarche généreuse, en aparté, beaucoup d’industriels, notamment ceux opérant dans le secteur des boissons, se plaignent de ne pouvoir ajuster leurs prix à la suite de la hausse des prix des matières premières et des coûts du fret maritime induits par les tensions internationales en mer Rouge.

L’UGCAA mise à contribution

« Nos marges de bénéfice n’arrêtent pas de se réduire. Le prix de la tonne de jus d’orange concentré a carrément explosé. Si cela continue, ce sont des centaines de postes qui vont être supprimés », s’alarme un haut responsable d’une marque de soda.

Le 4 février dernier, deux limonadiers bien connus qui avaient pris la décision d’augmenter leurs prix ont eu droit un rappel à l’ordre du ministre du Commerce à l’occasion de la tenue du salon des boissons et aliments liquides. « On ne permettra pas d’augmentations des prix de façon intempestive, non étudiées et qui n’ont pas d’accord préalable », a recadré sèchement le ministre.

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La ménagère algérienne doit trouver de quoi remplir son panier à bon prix et les quelque 9 000 producteurs qui participent aux 500 marchés de proximité ouverts à travers le pays doivent assurer la disponibilité des produits directement aux consommateurs sans passer par les intermédiaires.

Même l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) a été mise à contribution afin d’inciter les commerçants et les opérateurs économiques à baisser les prix tout en assurant la disponibilité des produits alimentaires. Et gare à ceux qui seraient tentés de recourir à « la spéculation, la contrebande, la fraude et la création de pénuries ». Une armée de gendarmes et de contrôleurs des prix veille au grain.

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Importation de viande rouge

Bien évidemment, pour toute bonne ménagère soucieuse d’assurer la chorba du ftour, le repas familial de la rupture du jeûne, il n’y a pas de bon ramadan sans un petit morceau de mouton.

Dans une tentative de stabiliser les prix de la viande ovine et pour permettre à son cheptel ovin de se reconstituer, l’Algérie a pris la décision d’importer 285 000 moutons en 2023, mais selon le bulletin publié par le ministère de l’Agriculture et du Développement local, la viande bovine locale se négocie entre 1 550 et 1 830 dinars (10 à 12 euros) le kilo, l’ovin est à plus de 2 800 dinars (environs 19 euros) le kilo, alors que le poulet bat toujours des records avec une moyenne de 520 dinars (3,5 euros) le kilo, largement hors de portée des petites et moyennes bourses.

Le ministère du Commerce a également prévu d’importer 100 000 tonnes de viande rouge pour faire face à l’importante demande qui s’exprime à chaque mois de ramadan. Au cours d’une émission de la radio algérienne, le directeur général du Contrôle économique et de la répression des fraudes au ministère du Commerce a précisé que ses services, qui importent habituellement 20 000 tonnes, vont devoir porter ce volume à 100 000 tonnes pour approvisionner tout le pays durant ce mois de ramadan qui voit la demande en produits alimentaires exploser.

Poulet congelé et œufs de Hongrie

Les viandes blanches en général, et le poulet en particulier, étant des produits extrêmement demandés durant ce mois particulier, l’Office national des aliments du bétail (ONAB) a commencé à procéder dès lundi, premier jour du ramadan, à la commercialisation d’importantes quantités de poulet congelé importé dans ses points de vente.

Un programme spécial ramadan qui prévoit également l’importation de 3 000 tonnes de viande congelée importée. En outre, dans le but de renforcer l’approvisionnement des abattoirs en poulets vivants, l’ONAB a procédé à l’importation de plus de 5 millions d’œufs à couver en provenance de Hongrie et d’Espagne afin d’assurer l’approvisionnement des éleveurs en poussins à un prix de 120 dinars (0,816 euro) l’unité.

Pour offrir une alternative aux viandes blanche et rouge, le gouvernement mise également sur les produits halieutiques et les poissons provenant des fermes aquacoles. Le ministre de la Pêche et des Productions halieutiques n’est pas en reste et vient pour sa part d’annoncer l’ouverture, à travers le territoire national, de 174 points de vente directe de produits halieutiques « du producteur au consommateur » à des prix économiques ». À défaut de poulet, de bœuf ou de mouton, les Algériens pourront au moins s’offrir du poisson mais à quel prix ?

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