Privatisation sur les rails

La libéralisation du réseau ferré entre les deux capitales atteint son épilogue. Un millier de travailleurs pourraient se retrouver au chômage.

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Annoncée depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, la privatisation du réseau ferroviaire Dakar-Bamako devrait connaître son épilogue le 1er juillet prochain. À cette date, Transrail, la nouvelle structure en charge de sa gestion, démarrera ses activités. Son siège social se situera dans la capitale malienne, et ses ateliers techniques à Thiès, à 70 km de la capitale sénégalaise. Le consortium Canac-Getma (qui regroupe les entreprises canadienne Canac et française Getma), conformément au plan de privatisation, devrait détenir au moins 51 % du capital de Transrail. Chaque État pourra acquérir au maximum 10 % des actions. Des actionnaires privés sénégalais ou maliens se partageront 20 % des parts, et 9 % seront réservés au personnel.
Début février, le tronçon, long de quelque 1 270 km, a été provisoirement concédé à Canac-Getma pour une durée de vingt-cinq ans, renouvelable tous les dix ans. Le groupe avait présenté une offre de 15,668 milliards de F CFA (23,7 millions d’euros). L’autre prétendant à la reprise du réseau, le groupement SNCF International-Bolloré- Maersk-Canarail-Comazar, avait proposé 10,142 milliards de F CFA.
Canac-Getma promet d’investir 40 milliards de F CFA sur cinq ans pour « améliorer le réseau ferroviaire, acquérir de nouvelles machines et des wagons, et remettre en état certaines installations ». En outre, le consortium s’engage, comme le stipule le cahier des charges, à reprendre au moins 1 526 personnes (763 dans chaque pays) sur un total d’un peu plus de 2 600.
Cette libéralisation était devenue une des conditions de l’octroi par les bailleurs de fonds (Banque mondiale, Agence française de développement, BAD, BEI, BOAD…) d’un prêt de 73 millions de dollars (61,6 millions d’euros). L’objectif de cette concession est clair : augmenter l’efficacité du réseau ferroviaire entre les deux pays, améliorer les services offerts aux utilisateurs, faire en sorte que les États n’aient plus à supporter les pertes financières engendrées par les chemins de fer.
Avant cette privatisation, plusieurs solutions avaient été envisagées par les deux États, qui, au départ, y étaient réticents. Les gouvernements voulaient garder leur monopole dans le secteur des transports. Pour échapper aux injonctions des institutions financières internationales, le Sénégal et le Mali mettent sur pied, en 1993, un Organisme commun de gestion du trafic international (Ocgti) – où chaque État détient 50 % des parts du capital – pour exploiter la ligne Dakar-Bamako. Mais l’expérience de l’Ocgti fait long feu. Au milieu des années quatre-vingt-dix, le tronçon Dakar-Bamako connaît toujours un déficit financier, car le matériel, devenu obsolète, fait souvent dérailler les wagons. Certains trains mettent parfois jusqu’à quarante heures pour relier les deux capitales. En 1998, une autre solution est envisagée par les deux gouvernements : la mise sur pied d’une Société d’exploitation du trafic ferroviaire international (Seti). Entreprise au capital de 3,5 milliards de F CFA, cette dernière doit exploiter le trafic ferroviaire international de marchandises et de voyageurs. Le capital de la Seti est réparti entre les deux États, qui détiennent chacun 20 % des actions, et un actionnariat privé regroupé en une Société du Dakar-Bamako (60 % du capital). La privatisation partielle est lancée.
Pour réussir l’opération, les deux gouvernements choisissent comme consultant un cabinet canadien spécialisé dans les questions ferroviaires, CPCS Transcom. Sa mission : aider à l’identification de potentiels investisseurs, à l’évaluation et à la présélection des candidats, définir le cadre contractuel de la concession, préparer les dossiers d’appel d’offres techniques et financières. L’opération est lancée à la fin de l’année 1998, mais l’alternance survenue au Sénégal en mars 2000 change la donne. En juin 2000, le processus de privatisation est suspendu sur demande des nouvelles autorités sénégalaises. Elles proposent une concession intégrale de la ligne au lieu de l’ancien schéma qui voulait uniquement privatiser le trafic. La partie malienne finit par rallier la position sénégalaise. Lors d’une rencontre tenue en février 2001, à Washington, les deux pays obtiennent l’aval des bailleurs de fonds sur le nouveau schéma de privatisation. Celui-ci n’étant plus le même, la procédure s’étale encore sur près de deux ans. Les 26 et 27 juin prochain, une dernière réunion entre bailleurs de fonds et gouvernements sénégalais et malien est prévue à Paris pour un accord définitif.
Après le 1er juillet, il faudra statuer sur le cas de plus d’un millier de travailleurs des deux régies qui pourraient se retrouver au chômage. Un plan social conçu pour les deux pays sera financé par les bailleurs de fonds. Il servira à indemniser les agents licenciés (près de 500 agents au Sénégal et 647 pour le Mali). Mais déjà, au Sénégal, les syndicats de la Société nationale des chemins de fer ont proposé aux autorités un plan qui prévoit des indemnisations, des cotisations sociales et une couverture médicale. En clair, ils n’entendent pas être sacrifiés sur l’autel de la privatisation.

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