Afrique de l’Ouest : sexe, mensonges et ragots à gogo

La presse people connaît un véritable engouement en Afrique de l’Ouest. Certaines publications remportent même un franc succès.

À Abidjan, cinq hebdomadaires et un mensuel se partagent le marché. © Camille Millerand / J.A.

À Abidjan, cinq hebdomadaires et un mensuel se partagent le marché. © Camille Millerand / J.A.

Publié le 24 janvier 2013 Lecture : 3 minutes.

« Il y a vingt ans, on nous traitait de fous. Pourtant, on avait vu juste : le people, ça intéresse tout le monde ! » se réjouit Moses Djinko (45 ans), grand prêtre de la presse people en Côte d’Ivoire. En 1993, avec quelques amis, il lance le premier journal du genre, Top Visage, un tabloïd 100 % show-business. Sacré challenge dans un pays où même l’actualité culturelle était reléguée en fin de journaux. « Pour le premier numéro, on a tablé sur 13 000 exemplaires, se souvient-il. Mais très vite nous avons augmenté les tirages : le journal faisait un carton ! » Douze ans plus tard, en 2005, Top Visage tirait à 60 000 exemplaires – et avait, par la même occasion, ouvert la voie à d’autres initiatives. À Abidjan, il n’y a plus un, mais cinq tabloïds hebdomadaires, et un mensuel, Life, que dirige maintenant Moses Djinko. Quand l’hebdomadaire français Paris Match vend en moyenne 300 exemplaires à Abidjan, Life en écoule près de 10 000.

Cet engouement pour la presse people, on l’observe aussi à Cotonou, Lomé ou Dakar. Dans les capitales sous-régionales, lycéens, étudiants, fonctionnaires, cadres d’entreprises, tous se passionnent pour la vie trépidante des « stars » locales. Ils sont nombreux les patrons de presse qui se sont engouffrés dans la brèche… et se sont cassé les dents.

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Scoop

À Dakar, Satellite, Icône Magazine et Facedakar sont les seuls survivants de la boulimie people qui s’est abattue sur le Sénégal au début des années 2000. « Le people est un business comme un autre, déclare Malick Seck, patron de presse sénégalais. Et comme pour tout business, il faut avoir un projet solide, crédible et bien ficelé », explique-t-il.

Mannequins, chanteurs, jet-setteurs n’hésitent pas à monter de faux scandales pour être vus.

Quand Icône Magazine – fondé par le journaliste Mansour Dieng -, préfère être policé, à la limite du culturel, Facedakar n’hésite pas à faire dans la polémique. « Nous sommes le Voici [hebdomadaire français, NDLR] du Sénégal », s’amuse Malick Seck, patron de presse et fondateur du titre. « On est constamment à la recherche du scoop, de l’info exclusive, du buzz », décrit-il, en soutenant que son hebdomadaire – vendu à 500 F CFA l’unité (environ 0,76 centime d’euro) -, s’écoule chaque semaine à plus de 20 000 exemplaires. Des scoops qui, selon la presse sénégalaise, lui ont valu un procès en diffamation et une condamnation à un an de prison avec sursis.

Cette recette réussit tout autant à Abidjan, pour Prestige Magazine. « Chez nous, il n’y a pas de tabous, on parle aussi bien des scandales qui émaillent la vie des artistes que de sexe », explique Guillaume Vergès, rédacteur en chef de l’hebdomadaire ivoirien.

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Avenir

À Dakar, Lomé, Abidjan, de plus en plus de gens ont compris comment tirer parti de cette presse. Mannequins, chanteurs, belles de nuit, jet-setteurs, ils n’hésitent pas à monter de faux scandales ou de fausses « paparazzades » pour être vus. Mais ils ne sont pas les seuls à s’en servir. « Les politiciens aussi entrent dans la danse. Ils se tournent vers ces magazines qui sont souvent moins critiques que la presse politique », confie un patron d’agence de communication de Cotonou. Au Bénin par exemple, Réckya Madougou (ministre de la Microfinance) a fait la une du magazine béninois Vida loca. En Côte d’Ivoire, ce sont les ministres Hamed Bakayoko (à l’époque ministre des Nouvelles Technologies) et Anne Ouloto (à l’époque ministre de la Salubrité urbaine) qui ont fait la couverture de Life, respectivement en 2007 et 2011.

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Parmi les professionnels, on est persuadé du bel avenir de la filière. « Entre les footballeurs, les artistes, les tops, les animateurs télé, il y a encore de quoi faire », s’exclame Guillaume Vergès. « Des lecteurs viennent des pays voisins pour acheter des exemplaires de la revue et les revendre dans leur pays. Et à Life, on commence à réfléchir sur la façon d’internationaliser le magazine », raconte Moses Djinko. Malick Seck, lui, a l’intention de lancer, d’ici à la fin du premier trimestre de cette année, sa chaîne de télévision, Facedakar TV.

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