En Algérie, rencontre inédite entre Abdelmadjid Tebboune et les partis politiques

À moins de quatre mois de la présidentielle, la présidence algérienne a pris l’initiative de réunir les formations représentées dans les assemblées élues. Non pour évoquer l’organisation du scrutin – même si les questions de démocratie ont été abordées – mais pour parler de sujets plus larges, tels que la politique étrangère.

Abdelmadjid Tebboune, à Alger, en 2019. © Fateh Guidoum / AP / SIPA

Abdelmadjid Tebboune, à Alger, en 2019. © Fateh Guidoum / AP / SIPA

Publié le 23 mai 2024 Lecture : 4 minutes.

Pour la première fois depuis son accession au pouvoir en décembre 2019, le chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, a rencontré, mardi 21 mai, les différents partis politiques algériens. Mais uniquement ceux siégeant dans les assemblées nationales et locales, ce qui exclut de fait les formations politiques qui ont boycotté les élections législatives et locales de 2021, comme le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) ou l’Union pour changement et le progrès (UCP) dont la présidente, la magistrate Zoubida Assoul, a été la première à annoncer sa candidature pour le scrutin présidentiel anticipé, prévu le 7 septembre prochain.

« C’est une démarche vouée à l’échec », prédit d’emblée le président du RCD Athmane Mazouz à propos de la démarche initiée par le président, qui, selon lui, « laisse la voie à plusieurs lectures. S’agit-il d’une rencontre pour sceller la fermeture définitive de la prochaine présidentielle ?

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Un tel scénario n’est pas improbable au vu du cours autoritaire que la récente révision du code pénal réaffirme avec force. Ou bien alors, sa crédibilité étant largement entamé, le pouvoir cherche à faire accréditer sa démarche par des partis et organisations. Dans ce cas, l’exclusion des partis politiques qui estiment que le débat doit porter sur les moyens politiques de sortie de crise condamne la démarche à faire du sur-place ».

Un format inédit

Le format du conclave, quant à lui, est inédit, puisque pas moins de 27 formations politiques ont été conviées, le 11 mai, par le directeur de cabinet de la présidence, Boualem Boualem. Jusqu’ici, le chef de l’État avait reçu des représentants de partis politiques et des personnalités séparément. La plupart à leur demande.

La réunion qui s’est tenue dans la grande salle du Centre international des conférences d’Alger, sans la présence des médias, a duré jusqu’a environ vingt heures, avec huit heures d’échange sans interruption. Les images, diffusées par la présidence, montrent un Abdelmadjid Tebboune saluant, un à un, les responsables politiques présents – les chefs de partis accompagnés chacun de deux cadres.

Certains se revendiquant de l’opposition, comme Louisa Hanoune, du Parti des travailleurs, Soufiane Djilali, de Jil Jadid, et Youcef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes. D’autres dirigeant des partis proches du pouvoir, à l’instar d’Abdelkader Bengrina, président du mouvement islamiste El Bina, de Mustapha Yahi du Rassemblement national démocratique, d’Abdelkrim Benbarek du Front national de libération ou de Belkacem Sahli de l’Alliance nationale républicaine.

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Consensus sur la politique étrangère

Selon ceux qui se sont exprimés au lendemain de la rencontre, les discussions ont surtout tourné autour de la politique étrangère et se sont soldées par un consensus et un soutien aux démarches entreprises par l’État algérien, notamment en faveur de la Palestine. Louisa Hanoune et Abdelali Hassani, président du Mouvement pour la société et la paix, ont indiqué que les partis présents avaient réitéré « leur soutien aux positions de l’État en faveur des causes justes dans le monde dont la Palestine ».

La candidate du Parti des travailleurs a aussi salué le « devoir accompli par l’Algérie dans les forums internationaux, notamment au niveau du Conseil de sécurité » et a mis en garde contre les plans de « l’entité sioniste et (de) ses suppôts, visant à entamer la sécurité et la stabilité dans les régions du Maghreb et du Sahel ». Elle a par ailleurs interrogé le président Tebboune sur les raisons de l’interdiction des marches de soutien à Gaza en Algérie, estimant qu’il ne s’agissait pas de se solidariser uniquement avec le peuple palestinien mais aussi de « nous défendre contre les complots sionistes et émiratis qui visent le pays et la région du Sahel ».

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« Un espace de débat de bonne augure »

Djamel Benabdeslam, président du Front de l’Algérie nouvelle, confie de son côté que le président Tebboune et les partis sont convenu, lors du débat, « de la nécessité de préserver la stabilité du pays et de poursuivre le processus du développement dans tous les secteurs et au niveau de toutes les régions du pays ».

Sur le plan de la politique interne, la secrétaire générale du Parti des travailleurs a appelé à la libération des détenus d’opinion et politiques et à l’abrogation de l’article 87 bis du code pénal qui a permis, selon elle, « la criminalisation de l’activité politique syndicale et des médias » et nuit à la liberté des médias.

Youcef Aouchiche, premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), a quant à lui proposé de « redynamiser le rôle des partis et de revoir certaines lois », sans citer lesquelles. Sofiane Djilali, a de son côté présenté sa vison sur la participation nécessaire des partis et la dynamisation de la scène politique, en faisant remarquer que « malgré 35 années de multipartisme, la pratique politique plurielle de notre pays a encore besoin d’être accompagnée par les pouvoirs publics ». Et d’ajouter : « Un tel espace de débat, s’il devait être conforté en tant qu’outil d’échange et de concertation ne peut qu’augurer d’une amélioration du climat politique au bénéficie de la nation. »

Le dirigeant du mouvement Jil Jadid a poursuivi en estimant que « toute tentative d’homogénéisation de la pensée par la contrainte créera une réaction de défiance et de perte de confiance des citoyens », ajoutant que « l’atrophie des organisations politiques et la désertification de la classe politique créent un double effet négatif : la multiplication des acteurs opportunistes et l’indifférence démobilisatrice de la nation ».

Les réponses du chef de l’État à ces questions et suggestions n’ont pas été communiquées pour l’instant, mais il fort possible que l’intégralité de rencontre soit diffusée sur les chaînes de télévision dans les jours à venir.

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