Économie

Nigeria : la start-up OPay, arrivée en fanfare, déchante face à la crise

Financée sur capitaux chinois, la jeune pousse norvégienne réduit drastiquement son offre de services au Nigeria.

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Mis à jour le 10 juillet 2020 à 13:01

Arrivée en fanfare au Nigeria, la start-up OPay déchante face à la crise © news clubi / Flickr / CC

Moto-taxi, transport par bus, société de livraison de repas, branche d’investissement, du micro-crédit… Le tout rassemblé dans une seule et même application, lancée en juin 2019. L’année dernière a été dense pour la fintech norvégienne OPay, qui avait reçu 180 millions de dollars d’investissements chinois en 2018 pour pénétrer le marché nigérian du mobile-money.

Mais la chute est rude pour la société qui revendiquait en juillet 2019 plus de 40 000 agents actifs au Nigeria et des transactions quotidiennes d’une valeur de 5 millions de dollars : elle a annoncé début juillet que plusieurs de ses filiales – OCar, ORide et OExpress – s’apprêtent à quitter le Nigeria ou à cesser temporairement leurs activités.

Viabilité des entreprises créées par OPay

Pour OPay, le premier coup dur est venu de l’interdiction des moto-taxis par le gouvernement de Lagos – même si des sociétés concurrentes accusent le norvégien d’être à l’origine de cette interdiction, estimant qu’il ne respectait pas entièrement la réglementation sur les moteurs de moto et ne procédait pas aux contrôles de sécurité de ses motards.

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Mais au-delà de ce facteur, de nombreux experts du secteur avaient déjà émis des doutes sur la viabilité des entreprises créées par OPay, ainsi que sur les chiffres déclarés par la société. Il estimaient notamment que le Nigeria, du fait de la faiblesse du pouvoir d’achat de ses habitants, n’était pas un marché adapté à une grande partie des produits proposés par la fintech.

« Nous sommes dans un marché où la consommation alimentaire représente 56,5 % des dépenses de consommation, ce qui est un signe de pauvreté chronique. Tant que le Nigeria ne sera pas en mesure de se doter d’une classe moyenne importante, stable et croissante, il sera difficile de justifier certains investissements », commente Adedayo Bakare, un économiste basé à Lagos.

Il existe des problèmes systémiques fondamentaux qui étouffent la croissance rapide des pays africains, en particulier dans le domaine de la technologie

Mais la qualité du marché nigérian n’était pas le seul problème de l’entreprise. « Une entreprise ne peut pas croître plus vite que l’environnement dans lequel elle opère », a tweeté l’analyste Ovigue Eguegu. « Il existe des problèmes systémiques fondamentaux qui étouffent la croissance rapide des pays africains, en particulier dans le domaine de la technologie. Transsion (Itel, Infinix, et Tecno) semble désormais être l’exception ».

Selon Olabinjo Adeniran, expert en marketing de croissance pour les entreprises technologiques et cofondateur de Future Africa, il est extrêmement difficile de gérer un groupe de sociétés de la tech. Ce dernier dit avoir constaté à maintes reprise des entreprises poussées à l’hypercroissance par leurs investisseurs étrangers, avec des stratégies d’acquisition de clients non durables. « Il s’agissait juste pour pouvoir dire aux gens de San Francisco, Londres, Berlin ou Pékin qu’ils sont LA société tech avec laquelle il faut compter ».

Recentrage sur les services fintech

Pour l’instant, OPay va se concentrer sur ses services de fintech, mettant de côté son ambition de devenir une « application du quotidien ».

Selon l’entreprise, qui avait été présentée lors de son arrivée sur le marché comme un opérateur de mobile-money destiné à tenir auprès du public nigérian un rôle aussi central que M-Pesa au Kenya, « il est important de préciser que les services de transport n’ont toujours été qu’une partie, et non une partie majeure, de ses activités », loin derrière ses investissements pour l’inclusion financière et technologique du Nigeria.

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Mais même dans le domaine du mobile-money, avec plusieurs acteurs rivaux déjà présents sur le marché, comme Paga et Paystack, beaucoup disent que le marché est déjà saturé. Une situation que la pandémie de Covid-19 n’a pas contribué à apaiser. Une étude publiée en juin par le cabinet McKinsey rapporte que le secteur du mobile-money pourrait en effet connaître un manque à gagner compris entre 1,8 et 2,6 milliards de dollars en 2020, soit un déclin des revenus de 10 à 13 % comparé à 2019.

Article initialement paru dans The Africa Report.