Le match de la semaine : Abdelilah Benkirane face à Aziz Akhannouch au Maroc

Éjecté du gouvernement et de la direction de son parti, le Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane ne s’est pourtant pas effacé de la scène politique marocaine. Ses récentes attaques contre Aziz Akhannouch en sont une preuve supplémentaire.

 © Infographie : Jeune Afrique

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ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 26 février 2018 Lecture : 3 minutes.

On le croyait à la retraite de la politique, réduit à son chapelet et à son tapis de prière. C’était mal le connaître. Malgré son éviction de la tête du gouvernement et de son Parti de la justice et du développement (PJD), Abdelilah Benkirane n’a pas dit son dernier mot.

En témoignent ses récentes déclarations, virulentes, à l’encontre d’Aziz Akhannouch, président du Rassemblement national des indépendants (RNI), ministre de l’Agriculture et, par ailleurs, magnat des affaires.

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Le 3 février, lors du 6e congrès de la jeunesse du PJD, il a fait un retour tonitruant. Ironisant sur « la voyante » qui aurait prédit au patron du RNI une victoire aux législatives de 2021, il accuse son ancien rival de mélanger business et politique. « C’est un danger pour l’État, M. Aziz. Et ça, tous les oulémas l’ont dit », lance-t-il.

Dans l’assistance, Saadeddine El Othmani, son successeur à la tête du parti et du gouvernement, semble vivre un cauchemar. Il aura beau s’employer à ressouder sa coalition, rien n’y fera. Le 8 février, cinq des six ministres du RNI boudent la réunion hebdomadaire du Conseil du gouvernement.

Dans l’assistance, Saadeddine El Othmani semble vivre un cauchemar

Le 10, lors d’un meeting de sa formation à Laayoune, Akhannouch riposte : « Notre parti n’accorde pas d’importance aux personnes, mais aux projets de développement qui ont un impact sur les citoyens. Je ne reconnais pas, poursuit-il, ceux pour qui la politique consiste à jouer avec les mots et qui n’entrent en contact avec la population qu’au moment des élections. »

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En conflit ouvert depuis 2016

Cet épisode en dit long sur la profonde inimitié des deux hommes. En conflit ouvert depuis que le PJD a été appelé à former un gouvernement, le 10 octobre 2016, Abdelilah Benkirane et Aziz Akhannouch se sont livrés à un bras de fer qui a plongé le Maroc dans la plus grave crise politique de son histoire récente.

Pour former sa coalition, l’ancien chef islamiste n’a d’autre choix que de faire appel au RNI, quatrième force du pays à l’issue des élections de 2016. Mais, après d’intenses tractations, les pourparlers s’enlisent.

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Détenteur de l’une des plus grosses fortunes d’Afrique – plus de 2,2 milliards de dollars selon le classement 2018 du magazine Forbes et proche du roi du Maroc, qu’il accompagne dans tous ses voyages officiels, Akhannouch impose des conditions draconiennes pour intégrer le gouvernement islamiste, la principale étant d’y associer l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et l’Union constitutionnelle (UC), qui n’ont, pourtant, ramassé que des miettes aux élections législatives.

Machine de guerre

Benkirane y oppose un niet catégorique qui lui coûtera son poste. Le 15 mars 2017, Mohammed VI le limoge en raison de son « incapacité à former une majorité ». Son collègue, Saadeddine El Othmani, le remplace au pied levé. Depuis, blessé dans son honneur, l’animal politique ne manque aucune occasion de s’en prendre à ceux qui ont selon lui précipité sa chute.

Entre l’animal politique blessé et l’ambitieux tycoon, c’est explosif !

Nouveau venu en politique, Akhannouch le tycoon s’est fixé pour objectif de remporter les législatives de 2021 et, dans la foulée, d’obtenir la présidence du gouvernement. Il restructure donc son parti en machine de guerre apte à écraser tous ses adversaires, à commencer par le PJD.

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Son ambition donne un avant-goût de la bataille féroce qui se jouera dans trois ans. Mais pour l’heure, la priorité est d’avoir un gouvernement qui fonctionne. Un défi que compte relever El Othmani.

Le soir du 8 février, après le « boycott » des ministres du RNI, il a réuni les chefs de sa majorité pour resserrer les rangs. On a enterré la hache de guerre et même fumé le calumet de la paix. Tant que Benkirane ne viendra pas une nouvelle fois s’en mêler…

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