Mariage homosexuel : et si l’Italie basculait ?

Matteo Renzi veut faire passer au Sénat une loi légalisant une forme d’union civile entre personnes de même sexe. Des résistances se manifestent jusqu’au sein de son gouvernement.

Défenseurs de la famille traditionnelle, le 30 janvier, à Rome. © PACIFIC PRESS/CORBIS

Défenseurs de la famille traditionnelle, le 30 janvier, à Rome. © PACIFIC PRESS/CORBIS

Publié le 11 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Rome, Circus Maximus, 30 janvier. Selon les organisateurs, près de 1 million de personnes ont manifesté dans l’antique champ de course de la capitale italienne contre la loi sur le mariage homosexuel présentée au Sénat par le gouvernement de Matteo Renzi. C’est moins le principe d’une union civile entre deux personnes de même sexe qui divise l’Italie qu’une clause du texte donnant accès à une pension de réversion et à l’adoption des enfants naturels du conjoint.

Jusqu’au sein du Parti démocratique (PD), au pouvoir, des oppositions se manifestent, celle notamment d’Angelino Alfano, le ministre de l’Intérieur. Leader du mouvement du Family Day, Massimo Gandolfini menace : « Lors des prochaines élections, nous saurons nous souvenir de qui s’est rangé du côté de la famille et des enfants, et de qui a voulu rendre possible la location d’utérus. » Les organisateurs de la manifestation vont jusqu’à lire une déclaration de soutien – aussitôt démentie – de Riccardo Di Segni, le grand rabbin de Rome. Dans cette cacophonie, l’Église catholique reste étrangement silencieuse.

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L’Église en retrait

La veille, la Conférence épiscopale italienne (CEI) s’était certes déclarée préoccupée par la mise en place d’une « alternative à la famille », mais sans appeler à manifester. Tout se passe comme si l’Église souhaitait rester sinon à l’écart, du moins en retrait du débat. Il est vrai qu’en matière de mœurs elle a subi ces dernières années un certain nombre de camouflets. Le dernier remonte à 2015, quand la très catholique Irlande a approuvé à une large majorité le mariage homosexuel. En Pologne, on n’en est pas encore là, mais la hiérarchie catholique a perdu la main dans le débat sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Bien d’autres pays européens de même obédience ont, depuis quinze ans, fait un choix identique (Espagne, Portugal, France, Belgique, Luxembourg), sans parler de pays majoritairement protestants (Pays-Bas, Norvège, Islande, Danemark) ou anglicans (Royaume-Uni). Le mouvement est d’ailleurs planétaire. Nombre de pays de culture chrétienne ont déjà basculé, qu’ils soient catholiques (Argentine, Uruguay, Brésil, Mexique), protestants (Afrique du Sud, Nouvelle Zélande) ou les deux (Canada). Aux États-Unis, 37 États sur 51 ont légalisé le mariage gay.

Scandales financiers divers, affaires de pédophilie, révélation de la paternité de trop nombreux prêtres… Le magistère moral de l’Église en a pris un coup depuis le début des années 2000. Alors elle y regarde à deux fois avant de condamner de manière trop péremptoire le divorce, les liens hors mariage, la fécondation assistée, l’IVG ou l’homosexualité. Sur toutes ces questions sensibles, le changement de ton est net depuis le temps de Jean-Paul II et celui de Benoît XVI. Du coup, se fondant sur le message des Écritures, des fidèles se hasardent à proposer – sur le célibat des prêtres ou l’ordination des femmes – des réformes aux antipodes des positions dogmatiques du Vatican.

Dans certains bastions conservateurs comme la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Lettonie ou la Lituanie, aucune forme d’union homosexuelle n’a encore été légalisée.

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Bref, l’Église évite de s’opposer à l’air du temps. En 2010, après l’adoption au Portugal d’une loi autorisant le mariage homosexuel, Victor Feytor Pinto, consultant auprès du Conseil pontifical, expliquait que la « mission [de l’Église] n'[était] pas de lutter contre telle ou telle décision du Parlement, mais d’éclairer les consciences. Les lois récentes ont été votées moins sous la pression des institutions européennes que de l’idéologie de la modernité ».

Face à l’affirmation de l’individualisme, du féminisme et du sécularisme, la tradition plie mais ne rompt point tout à fait. Il y existe des poches de résistance, comme en Espagne, où l’épiscopat continue de nommer les enseignants en religion rémunérés par l’État. Dans certains bastions conservateurs comme la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Lettonie ou la Lituanie, aucune forme d’union homosexuelle n’a encore été légalisée.

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Tout se passe comme si, au Vatican, on faisait le dos rond face à l’évolution des mœurs en Occident. En attendant des jours meilleurs. Et qu’on donnait la priorité au développement de nouvelles terres de mission, comme la Chine, où trois évêques ont récemment été consacrés.

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