Tunisie : Rached Ghannouchi de retour d’exil

Le leader historique du mouvement islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, a été accueilli dans la liesse à l’aéroport de Tunis, après vingt années passées en exil. Il a annoncé qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle.

Le leader islamique tunisien Rached Ghannouchi à son arrivée à l’aéroport. © AFP

Le leader islamique tunisien Rached Ghannouchi à son arrivée à l’aéroport. © AFP

Publié le 30 janvier 2011 Lecture : 3 minutes.

Depuis des heures, ils l’attendaient dimanche 30 janvier à midi, écrasés les uns contre les autres dans le hall de l’aéroport de Tunis. Des milliers de Tunisiens, laissent éclater leur "fierté islamique" à l’apparition de leur "héros" Rached Ghannouchi, chef historique du mouvement islamiste Ennahda, de retour à Tunis après plus de 20 ans d’exil. "Allah Akbar" : la clameur est emplie de ferveur et d’une rage enfin libérée. 

Ses supporteurs scandent "Le peuple est musulman, il ne cèdera jamais". Un message résonnant comme une menace pour les quelques dizaines de défenseurs de la laïcité, venus dire, eux, leur inquiétude.

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"Allah Akbar" (Dieu est le plus grand) a lancé à la foule Rached Ghannouchi, souriant, les bras tendus vers le ciel, avant d’être happé par ses partisans. Autour de lui, quasi comme pour une star de rock, un cordon de sécurité de son parti en casquettes blanches fait rapidement barrage, l’escortant vers la sortie, hurlant "ne le touchez pas! ne le touchez pas!".

"Je suis tellement heureuse de le ramener à la maison. Jamais je n’aurais pensé revoir mon frère vivant", dit à l’AFP sa soeur Jamila, expliquant que le leader agé de 69 ans, dont le visage est inconnu de la plupart des jeunes rassemblés à l’aéroport, va d’abord "aller retrouver sa famille" dans la banlieue de Tunis avant de s’exprimer publiquement.

"Je ne vais pas me présenter à la présidentielle"

"Aujourd’hui, nous ne nous focalisons pas sur le politique. Nous voulons parler de la situation des jeunes militants qui ont été jetés en prison, qui n’ont pas de travail. Nous voulons parler de ces centaines de jeunes privés de passeport", affirme Abdelfateh Mourou, co-fondateur d’Ennahda et compagnon de la première heure de Ghannouchi. "Nous revendiquons les mêmes droits que chaque citoyen tunisien", insiste-t-il.

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Dans la cohue, les militants d’Ennahda entonnent un chant très symbolique en terre d’islam, celui qui évoque le départ du prophète Mahomet de la Mecque vers Médine en 622. Quelques Corans et rameaux d’olivier émergeaient à bout de bras de la masse compacte, beaucoup d’appareils photos et de téléphones portables. Quelques niqab (voile intégral) sombres étaient visibles dans une foule essentiellement masculine.

"Je ne vais pas me présenter à la présidentielle, et il n’y aura aucun (candidat) membre d’Ennahda", a confirmé le dirigeant du mouvement islamiste dans un entretien au domicile de son frère dans le quartier d’El Menzah, dans le nord de Tunis, peu après son arrivée. "Après 20 ans d’absence, mon parti n’est pas prêt à jouer un rôle sur la scène politique, la priorité est de reconstruire Ennahda", a-t-il expliqué.

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Interrogé sur une éventuelle participation à l’équipe de transition qui s’est mise en place à la suite de la chute et du départ du président Ben Ali le 14 janvier, le dirigeant islamiste ne l’a pas exclu. "Si nous sentons que le gouvernement satisfait les attentes de ceux qui ont pris part à cette révolution, alors pourquoi pas ?", a-t-il commenté.

"Oui à l’islam, non à l’islamisme"

Un peu en retrait, plusieurs dizaines de défenseurs de la laïcité tentaient de donner la voix, brandissant des pancartes contre le fondamentalisme.

"Nous sommes venus dire que la laïcité est la seule garantie pour la liberté religieuse. Et nous nous méfions, parce que les islamistes sont spécialistes du double langage: ils prônent l’égalité, profitent du système démocratique pour arriver au pouvoir et ensuite, remettent tout en cause", affirme Bassem belhal, un ingénieur de 24 ans.

A ses côtés, une jeune femme s’est peint au feutre une moustache et une barbe sur le visage, parce qu’"avec les islamistes, il faut être un homme pour exister". Une autre, cheveux dénoués et jupe au dessus du genou, dit: "oui à l’islam, non à l’islamisme".

Au moment où la foule se dispersait après le départ de Rached Ghannouchi pour ses premiers pas en terre tunisienne depuis deux décennies, la tension est montée d’un cran entre les deux camps. Encerclés et minoritaires, les jeunes laïcs sont bousculés, leurs pancartes arrachées. "Les salauds! vous voyez, ça commence!", lance une jeune femme.

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