L’argent des Africains : Andry-Patrick, journaliste culturel à Madagascar – 115 euros par mois

Cette semaine, l’argent des Africains vous emmène à Madagascar, à la rencontre d’Andry-Patrick, responsable de la rubrique culturelle d’un quotidien à Tananarive. Malgré un travail énergivore et peu rémunérateur, il continue de s’épanouir dans son métier. Il a accepté de nous détailler ses dépenses mensuelles.

Andry-Patrick lors d’une conférence de presse organisée par Madajazzcar, au Kudeta Carlton à Antananarivo. © Studio D. Mix 2015.

Andry-Patrick lors d’une conférence de presse organisée par Madajazzcar, au Kudeta Carlton à Antananarivo. © Studio D. Mix 2015.

Publié le 8 février 2017 Lecture : 4 minutes.

« L’idée de devenir journaliste m’a toujours trotté dans la tête », se souvient Andry-Patrick. Ce jeune Tananarivien de 27 ans travaille depuis deux ans pour l’Express de Madagascar, l’un des quotidiens les plus réputés de l’île rouge. Du lundi au dimanche il part en reportage, il rencontre et interroge, écoute et écrit au gré des événements culturels.

Ses journées se terminent souvent après 20 heures, sans compter les embouteillages interminables qui paralysent la capitale aux heures de pointe. Ce train de vie « a toujours été plus ou moins difficile », confie-t-il, et lui demande beaucoup d’investissement personnel.

 J’ai appris à vivre le journalisme par pure passion. »

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À demi-mot, Andry-Patrick laisse entendre que certains jours sont moins aisés que d’autres, et malgré tout son dévouement, ses 400 000 ariarys mensuels (soit 115 euros) sont à peine suffisants pour vivre.

Passant outre les considérations financières, il prend à cœur son rôle de journaliste, car il estime que l’éthique vaut mieux que l’appât du gain. Il n’a jamais cédé aux offres alléchantes des concurrents de l’Express, qui proposent pourtant des salaires allant parfois jusqu’à 1 million d’ariarys (287 euros). C’est d’ailleurs pour cette somme que la moitié des ses collègues ont remis leur démission…

Instabilité de la presse

Ces départs successifs en 2015 et 2016 affectent encore aujourd’hui son travail de journaliste culturel, un poste qu’il doit dorénavant assumer seul. « Les patrons de presse attirent nos journalistes avec de gros salaires, mais après leur journal ne tient pas plus de quatre mois », constate-t-il.

La morosité économique sur la Grande île n’a pas épargné les organes de presse, explique le journaliste, qui déplore que ceux-ci soient happés par les divers partis politiques pour devenir des supports de désinformation.

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Un métier appris sur le tas

Après trois ans sur les bancs de l’université de Tananarive, il obtient une licence en communication qui lui permet d’entrer à l’Observateur de Madagascar. Remarqué entre autres pour ses qualités de dessinateur, il est embauché à ce titre pour commenter l’actualité avec un trait humoristique « du même acabit que le Canard Enchaîné ou Charlie Hebdo, mais à la malgache ».

Il se forme « sur le tas » pendant deux ans et demi avant d’entrer à la radio Lazan ‘ny Arivo, branchée musique jazz, puis de rejoindre l’Express.

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S’il ne peut pas se permettre d’épargner, il ne se plaint pas de sa rémunération, supérieure au revenu minimum de 133 000 ariarys (39 euros par mois). Il partage un appartement avec quatre amis dans le quartier d’Ambatomainty, pour une somme de 43 euros mensuels auxquels s’ajoutent 8 euros d’électricité. Une lourde charge qu’il a choisi d’assumer seul en quittant, il y a six mois, le foyer parental.

Pour les transports, il peut profiter du service mis à disposition par son employeur, une voiture chargée de ramener les salariés chez eux le soir ou de les conduire en reportage à l’extérieur de la ville. Autrement, il se déplace surtout en bus, dont chaque trajet lui revient à 12 centimes, soit 2 euros par mois.

La nourriture, sa plus faible dépense

Un plat en gargote ne coûte pas très cher : 43 centimes pour du riz et un peu de viande, parfois du bouillon. Plutôt que les supermarchés, où il se contente d’acheter les produits de première nécessité (huile, pain…), il préfère le marché d’Andravoahangy pour faire ses courses.

Il évalue à environ 7 euros par semaine ses dépenses pour se nourrir convenablement et apporter quelques denrées à ses parents le week-end. « Les buffets à la fin des conférences de presse suffisent parfois à me remplir le ventre », plaisante-il.

La culture à tout prix

Amoureux fidèle de la scène culturelle malgache, il avoue, sourire aux lèvres, débourser une grande partie de son salaire dans ses loisirs. « J’essaye de ne pas dépasser la somme de 10 euros par week-end. » La dynamique artistique de la capitale lui est familière : slammeurs, joueurs de kabosa (la guitare locale), cinéastes, sculpteurs… « Il y a pleins de nouveaux artistes talentueux qui se dévoilent et dont l’influence prend de l’ampleur ».

Dans l'atelier de Gasy Bull, à Antananarvo © Andry-Patrick/Facebook

Dans l'atelier de Gasy Bull, à Antananarvo © Andry-Patrick/Facebook

Amateur de bande dessinée

Malgré des semaines très chargées, il parvient à consacrer du temps à sa deuxième passion : la bande dessinée. Bercé par les histoires de bédéistes belges comme Peyo ou Hergé, le gamin qu’était Andry-Patrick rêvait de raconter le monde avec son crayon à papier. À force de griffonner, il s’est perfectionné, ce qui lui a permis d’assumer ses ambitions de dessinateur de presse.

Engagé dans une association de dessinateurs bédéistes, il coordonne chaque année le festival « Gasy Bull », dont l’objectif est de populariser cette forme de littérature, encore assez méconnue du grand public malgache. Grâce à son métier, il peut jongler entre ses deux passions, l’art et l’écriture. Andry-Patrick n’est donc pas près de lâcher son emploi de journaliste culturel !

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