Les archives de la colonisation française en péril

Le fonds documentaire témoignant de la présence française en Afrique de l’Ouest, situé à Dakar, est en état de dégradation avancée.

Carte postale : des Sénégalais travaillant sur le chantier d’un chemin de fer à Dakar © Archives du Sénégal

Carte postale : des Sénégalais travaillant sur le chantier d’un chemin de fer à Dakar © Archives du Sénégal

Publié le 24 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Au sous-sol du siège du gouvernement à Dakar, sont conservées des archives de près deux siècles de présence française en Afrique occidentale française (AOF), une mémoire de la colonisation classée patrimoine mondial par l’Unesco mais en état de dégradation avancée.

Un fonds documentaire "riche et unique"
"Tous les aspects de la politique coloniale de la France en AOF se retrouvent dans le fonds documentaire des archives du Sénégal remontant à 1816 et qui est riche et unique", assure le directeur des Archives du Sénégal, Babacar Ndiaye. Ces Archives comprennent celles du Sénégal, du Togo et des autres pays de l’AOF (1895-1958), dont Dakar était la capitale: Mauritanie, Soudan français (actuel Mali), Côte d’Ivoire, Niger, Haute-Volta (actuel Burkina Faso), Dahomey (devenu Bénin), Guinée, dont beaucoup célèbrent cette année 50 ans d’indépendance.

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"Il y a un fonds complémentaire à Aix-en-Provence (en France). La France a microfilmé le fonds AOF et l’a conservés mais les originaux sont à Dakar", explique M. Ndiaye, interrogé par l’AFP. "Ce fonds n’appartient pas au Sénégal mais à la France et aux pays" de l’ex-AOF, précise-t-il. En raison de leur importance, les archives du Sénégal "sont inscrites dans le registre mémoire du monde (depuis 2000) et ont été classées patrimoine mondial documentaire" par l’Unesco, souligne le bureau de cette organisation à Dakar.

"On y trouve des rats et même des chats"
A travers un escalier en colimaçon, on accède au principal magasin du dépôt, une salle insuffisamment éclairée dont le sol est encombré par endroits de cartons poussiéreux, faute de place sur les rayonnages. "Le dépôt n’est pas climatisé, cela favorise le développement des moisissures et des variations climatiques néfastes à une bonne conservation du papier et à une stabilité des encres. Les ouvertures donnant sur l’extérieur font qu’on y trouve parfois des rats et même des chats", explique le directeur des archives.

Selon M. Ndiaye, "les multiples manipulations constituent également un facteur de détérioration des documents, dont une grande partie est sérieusement endommagée sous les effets combinés de l’humidité due aux infiltrations des eaux pluviales et à la chaleur". Par exemple, "les trois quart des microfilms conservés à Dakar ont été détruits par le syndrome de vinaigre", un processus chimique qui altère les documents, dit-il. "Ce n’est pas souvent facile de lire les documents. Certains sont anciens, poussiéreux et ont des pages déchirées", constate Dieynaba Barry, une étudiante en histoire, qui se plaint aussi qu’il n’y ait pas de wifi (pour la connexion internet) dans la salle de lecture de 25 places.

Wade veut un nouveau bâtiment

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"Parfois, il n’y a pas assez de place" dans cette salle, indique de son côté un chercheur américain. Selon la direction, 35 chercheurs, en moyenne, visitent chaque jour les archives. Dans une interview accordée récemment à l’hebdomadaire Afrique Magazine, le chef de l’Etat sénégalais Abdoulaye Wade constatait ces problèmes. "Vous enjambez les dossiers pour marcher", décrivait-il. "J’ai décidé de construire (à Dakar) un bâtiment pour les archives qui seront en fait des archives africaines", annonçait-il.

Selon Babacar Ndiaye, le président Wade a en outre décidé de faire numériser l’intégralité des archives du fonds AOF. "Il y a trois ans, nous avons intégralement microfilmé le fonds du Niger (et le lui avons remis). Le Burkina, le Mali et la Côte d’Ivoire sont sur la même voie", selon M. Ndiaye.

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