Politique

Tunisie – Selim Ben Hassen (3ich tounsi) : « Nous proposons une aventure collective »

Genèse du projet, ambitions politiques… Selim Ben Hassen, président de 3ich tounsi, répond aux questions qui se posent autour de l’association qu’il a cofondée avec Olfa Terras.

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Mis à jour le 5 juin 2019 à 10:41

Selim Ben Hassen, président de l’association 3ich tounsi, le 28 mai 2019 à Tunis. © Ons Abid pour JA

Jeune Afrique : Racontez-nous la génèse de 3ich tounsi.

Selim Ben Hassen : À mon retour en Tunisie en 2011, j’ai voulu aller sur le terrain, discuter avec les gens, de quartier en quartier. J’ai constaté que leur réalité n’était pas traduite dans les innombrables sondages. Ces études n’ont d’ailleurs pas beaucoup de sens : on nous parle de clivages Nord-Sud, ou entre régions côtières et celles de l’intérieur… Les fractures générationnelles sont éludées.

Enfin, on répond aux Tunisiens avec des théories de droite et de gauche. Les politiques ne comprennent pas ou ne veulent pas connaître la réalité tunisienne. De là a germé l’idée de travailler au plus près du citoyen. La rencontre en 2016 avec Olfa Terras a été un déclencheur.


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Depuis, nous portons ce projet ensemble. 3ich tounsi a été pensé comme un projet collectif. Le problème, c’est que le concept de collectif n’existe pas dans le champ public en Tunisie. Les décisions sont souvent élaborées et imposées aux citoyens, et on se demande pourquoi ces derniers ne s’approprient pas leur pays, leur État. Ces questions sont encore plus sensibles à l’approche des élections.

Huit ans plus tard, la désillusion semble générale. Que proposez-vous de différent ? 

Les revendications exprimées en 2011 n’ont pas trouvé d’écho dans le champ politique. L’enjeu n’est pas celui des personnes mais du paradigme : nous ne sommes toujours pas sortis d’Ibn Khaldoun ! Un pouvoir clanique et de domination lance une razzia à la faveur des élections pour se partager ensuite le butin. Cela se reproduit d’un scrutin à l’autre.

Il n’y a ni subterfuge ni faux-fuyant. Dans un contexte de crise de confiance, où la société est traumatisée, l’idée est de la rassurer en la consultant

En ce sens, 3ich tounsi promeut un contre-projet, une rupture : nous proposons une aventure collective sans leader où chacun peut se reconnaître et s’exprimer. Le tout est d’y aller ensemble. C’est cela qui fait la différence : chaque décision est soumise à l’approbation du collectif, notamment celle d’aller vers les élections. Il n’y a ni subterfuge ni faux-fuyant. Dans un contexte de crise de confiance, où la société est traumatisée, l’idée est de la rassurer en la consultant.

Est-ce une construction de la citoyenneté ?

Une Constitution et des budgets participatifs ne font pas la citoyenneté. On ne peut pas responsabiliser quelqu’un sur ce qu’il n’a pas rêvé et réfléchi. Le manifeste des Tunisiens est une construction collective portée par des milliers de citoyens. Ils décideront de son prolongement politique ou non. En étant dotés d’un projet, ils auront forcément un impact pour faire aboutir leurs décisions.