Mauritanie – Ibrahima Moctar Sarr : « Nous devons redistribuer les richesses et partager le pouvoir »

À l’occasion de la présidentielle en Mauritanie, « Jeune Afrique » vous présente jusqu’au 21 juin une série de portraits et d’interviews de candidats.  À 64 ans, Ibrahima Sarr, le président de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation (AJD/MR), est l’un d’eux. Entretien.

Ibrahima Moctar Sarr se présente pour la troisième fois à la présidentielle mauritanienne. © Justine Spiegel pour J.A.

Ibrahima Moctar Sarr se présente pour la troisième fois à la présidentielle mauritanienne. © Justine Spiegel pour J.A.

Publié le 20 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

Fidèle à ses convictions, il a dit non au boycott. Ibrahima Sarr, 64 ans, se présente pour la troisième fois à l’élection présidentielle. Le président de l’Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Réconciliation (AJD/MR), créé en 2007, revendique une farouche indépendance. Ancien détenu de la tristement célèbre prison d’Oualata (1986-1990), il n’a eu de cesse de dénoncer, au cours de ses quarante années de militantisme politique, la discrimination dont souffrent les Négro-Mauritaniens. Membre fondateur des Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam), l’ancien journaliste, par ailleurs député, entend profiter de la tribune que lui offre la présidentielle pour réitérer son appel à l’unité nationale.

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Jeune Afrique : En quoi le dialogue communautaire, que vous n’avez eu de cesse de réclamer durant votre campagne, peut-il régler la question de la cohabitation ?

Ibrahima Sarr : La Mauritanie n’est pas un pays normal car elle est en danger. Je ne m’oppose pas au régime mais au système, dont je veux la déconstruction. J’appelle toute la classe politique à s’assoir autour d’une table, comme l’ont fait Nelson Mandela et Frederik de Klerk. Nous devons redistribuer les richesses et partager le pouvoir. Je ne suis pas sûr que l’on puisse régler cela par le biais d’une élection présidentielle, mais je profite de cette occasion pour lancer cet appel aux Mauritaniens et à la communauté internationale. Si je suis élu, j’appellerai à un gouvernement d’union nationale.

Si je suis élu, j’appellerai à un gouvernement d’union nationale.

Pourquoi êtes-vous opposé à une fédération des partis Négro-Mauritaniens, comme l’ont proposé Arc-en-ciel, le Plej ou encore les Flam ?

Je ne rentre pas dans ce jeu-là. Nous ne sommes par un parti Négro-Africain, mais un parti national, qui estime qu’il y a une discrimination et qu’il faut y remédier. Si les Maures blancs étaient stigmatisés, nous l’aurions également dénoncé ! Mais la Mauritanie est ainsi et je mène mon combat avec des Arabes blancs, qui pensent comme moi. Quand on fait des regroupements, il y a toujours des petites querelles de chapelle et cela ne nous intéresse pas. D’accord pour se concerter, mais pas pour rentrer dans une coalition. Je revendique une indépendance totale.

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Vous avez d’ailleurs refusé de boycotter la présidentielle.

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Nous sommes toujours allés aux élections, car nous les considérons comme un moyen de gagner du terrain politique et de continuer à nous exprimer. Ainsi, aux dernières législatives, nous avons obtenu quatre députés à l’Assemblée nationale et remporté la mairie de Sebkha. Le FNDD a boycotté le scrutin de 1992 et la classe politique a passé une vingtaine d’années à le regretter. Sous Maaouiya Oukd Taya, les partis politiques ont toujours participé aux élections et ils n’ont jamais exigé quoi que ce soit. C’est incompréhensible. Si l’opposition s’était présentée massivement contre Mohamed Ould Abdelaziz, on aurait peut-être provoqué un second tour. Il aurait essayé de passer en force et cela aurait interpellé la communauté internationale.

Vous avez été régulièrement reçu par Mohamed Ould Abdelaziz au lendemain de son élection.

Je l’ai rencontré dix-huit fois, depuis son arrivée au pouvoir. J’ai cru qu’il pouvait régler la question de l’unité nationale, mais il m’a déçu. Il ne voulait pas avancer sur certaines questions de fond. Certes, il a reconnu le passif humanitaire à Kaédi, mais ce qu’il a entrepris ensuite s’apparente à un pansement, pas à une solution définitive. Il a peut-être des idées, mais il n’est pas assez outillé politiquement. Le système a dû le freiner.

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Propos recueillis par Justine Spiegel

 

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