Maroc : pauvreté et inégalités ont baissé, mais les jeunes et les femmes peinent à trouver du travail

D’après une étude conjointe HCP/Banque mondiale, la forte croissante économique des quinze dernières années a permis au Maroc de réduire drastiquement la pauvreté et les inégalités. Les deux organisations recommandent cependant le maintien d’une croissance soutenue et pointent des dépenses publiques « pro-riches ».

Manifestation contre la corruption et le chômage dans la ville de Al-Hoceima en juillet 2017 © Therese Di Campo/AP/SIPA

Manifestation contre la corruption et le chômage dans la ville de Al-Hoceima en juillet 2017 © Therese Di Campo/AP/SIPA

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Publié le 5 décembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Le Haut-Commissariat au plan (HCP) et la Banque mondiale ont publié un rapport le 25 novembre, intitulé « Pauvreté et prospérité partagée au Maroc du troisième millénaire, 2001 – 2014 ». L’occasion de revenir sur la performance économique et sociale du royaume chérifien depuis le début de la décennie 2000. L’étude rappelle que le Maroc a connu une croissance économique rapide au cours des deux dernières décennies, avec une progression du revenu par habitant de 3,2% par an entre 2000 et 2015. « C’est le seul pays du Maghreb qui n’a connu aucun épisode de repli du PIB au cours des 15 dernières années. »

L’économie marocaine ne croît pas de façon suffisamment rapide et stable pour intégrer le groupe des pays émergents

Malgré cette dynamique solide, l’économie marocaine « ne croît pas de façon suffisamment rapide et stable pour intégrer le groupe des pays émergents », selon les auteurs du rapport : « Au taux de croissance actuel (3,2%), il faudra quarante deux ans au pour atteindre le niveau actuel de PIB par habitant du Portugal [en termes de PPA, à parité de pouvoir d’achat, NDLR] et jusqu’à cinquante trois ans pour atteindre le niveau de la France. »

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Une croissance peu créatrice d’emplois qualifiés

La structure de l’économie du Maroc ressemble à celle des pays plus avancés avec, dès 2000, une part de l’agriculture réduite à 13,3% du PIB, et une progression des services à 56,6%. En revanche, l’emploi n’a pas suivi la même évolution : l’agriculture regroupe toujours 39% des emplois en 2015, tandis que la part de l’industrie stagne depuis 2000.

Comptant pour 80% du PIB marocain, les secteurs de l’agriculture, du BTP et des services continuent d’être les principaux moteurs de la croissance du royaume. Intensifs en volume de travail, ils participent cependant peu à la création d’emplois qualifiés. « En moyenne, 65% de l’emploi créé par ces secteurs s’adresse à une main d’œuvre sans qualification et pour 30% à des aides familiales », soulignent les deux organisations.

Inactivité des femmes et difficultés des jeunes

En dépit d’une hausse du nombre d’adultes occupés de 20,7% entre 2000 et 2015, le taux d’emploi est passé de 46% à 42,8% sur la même période. « Cette faiblesse vient de l’inactivité des femmes. Le taux d’emploi des hommes est comparable aux pays à revenus similaires ou plus avancés, mais moins d’un quart (22,9%) des femmes sont employées en 2015, en recul par rapport à 2000 (24,5%). »

D’après l’étude, « ce taux est inférieur à celui de tous les pays comparateurs où il atteint 42,9% en moyenne, à l’exception de l’Iran. »

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L’économie marocaine est également caractérisée par une faible capacité à intégrer les jeunes sur le marché du travail, avec un taux d’emploi de 25,7% pour les jeunes de 15 à 24 ans, et de 48% parmi les 25-35 ans (contre 35,2% et 65% respectivement dans les pays émergents).

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Une forte baisse de la pauvreté

Atteignant en moyenne 15 876 dirhams courants (environ 1 420 euros) en 2014, l’évolution du niveau de vie a été positive au cours des années 2000, avec + 3,3% par an entre 2001 et 2007 et + 3,6% par an entre 2007 et 2014.

Le taux de pauvreté du Maroc est particulièrement faible, par rapport aux pays ayant un niveau de développement similaire, avec une incidence de la pauvreté qui est passée de 15,3 % en 2001 à 4,8 % en 2014.

De même, les inégalités de revenu ont eu tendance à diminuer, avec une baisse du rapport interdécile – calculé en faisant le ratio entre le niveau de vie des 10% les plus riches et le niveau de vie des 10% les plus pauvres – est passé de 12,5 en 2007 à 11,8 en 2014.

Une partie de ces inégalités est liée au clivage ville-campagne : « En 2014, toutes choses égales par ailleurs, 22% de l’inégalité globale est due aux écarts entre les niveaux de vie des milieux urbain et rural, 55% aux inégalités dans le milieu urbain et 23% aux inégalités dans le milieu rural. »

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En revanche, le taux de pauvreté subjective, qui mesure le sentiment de pauvreté, a progressé, passant de 41,8% en 2007 à 45,1% en 2014 et atteint un niveau particulièrement élevé dans le monde rural (54,3%), chez les femmes (55,3%) et les moins de 25 ans (57,6%).

La gouvernance continue de handicaper la croissance économique au Maroc avec une perte d’un point de croissance

Des dépenses publiques « pro-riches »

Le rapport considère que les dépenses publiques consacrées aux subventions de la Caisse de compensation, l’accès à la couverture médicale et les transferts institutionnels sont « pro-riches », favorisant davantage les classes moyennes et aisées que les plus pauvres.

« Le gouvernement peut jouer un rôle plus important dans l’amélioration de la qualité de vie d’une plus grande part de la population et la réduction des inégalités. En effet, la gouvernance continue de handicaper la croissance économique au Maroc avec une perte d’un point de croissance », écrivent le Haut-Commissariat et la Banque mondiale.

Résoudre les nombreux problèmes structurels

En terme de recommandation, le HCP et la Banque mondiale estiment que le royaume a besoin d’un modèle de croissance durable et dynamique pour rattraper les pays avancés.

« Cela oblige le Maroc à résoudre les nombreux problèmes structurels de son économie liés à la faible qualité de la gouvernance, à la faiblesse du capital humain et à l’impératif de poursuivre l’accumulation du capital physique », la lutte contre la pauvreté nécessitant, selon ces deux institutions, « le maintien d’une croissance soutenue et le renforcement des mécanismes d’équité sociale ».

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