Avec « Délices d’Afrique », l’Ivoirienne Marguerite Abouet se livre en cuisine

La scénariste d’« Aya de Yopougon » publie un recueil de recettes africaines, à la fois frais et pimenté. Avec Agnès Maupré au dessin.

L’écrivaine ivoirienne Marguerite Abouet, à Paris.

L’écrivaine ivoirienne Marguerite Abouet, à Paris.

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Publié le 3 novembre 2023 Lecture : 4 minutes.

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Sommaire

Le saviez-vous ? la maman d’Aya de Yopougon est une fine cuisinière. C’est en tous cas elle qui le dit, en introduction de Délices d’Afrique, 50 recettes pour petits moments de confidences à partager. « J’ai eu la chance de grandir au sein d’une tribu de femmes, au milieu des bruits de leurs grosses casseroles et des senteurs d’épices, écrit Marguerite Abouet. J’ai appris à cuisiner, comme toute jeune africaine qui se respecte, en observant mes aînées. Je m’en suis tellement imprégnée que ces images font dorénavant partie de moi, de ma personnalité. Il me suffit simplement de fermer les yeux pour retrouver les odeurs de mon enfance, l’ambiance des cuisines, et surtout les souvenirs de ces femmes, leurs moments de rire, de retrouvailles, de bavardages, leur petites histoires… »

Poulet Yassa, pastels de poisson, ananas pirogue…

Joyeusement illustré par Agnès Maupré, Délices d’Afrique est, on l’aura compris, un livre de recettes africaines. Et l’on y trouve les conseils indispensables pour réussir sa sauce arachide, son poulet yassa, ses pastels au poisson, son kédjénou de poulet, son gouagouassou, son ananas pirogue, ses boflotos, son choukouya… Entrées (« en attendant le vrai repas »), plats (« en même temps c’est mieux »), desserts (« rince-bouche »), accompagnements et jus divers (bissap, tamarin, baobab) sont au menu. Mais ce qui fait la véritable saveur de ce livre, c’est surtout les anecdotes, histoires et commentaires qui accompagnent chacune des recettes.

Planche du livre «Délices d’Afrique » de Marguerite Abouet et Agnès Maupré © Éditions Alternatives

Planche du livre «Délices d’Afrique » de Marguerite Abouet et Agnès Maupré © Éditions Alternatives

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Comment dessaouler rapidement son mari ?

De ce côté-là, Marguerite Abouet n’y est pas allée avec le dos de la cuiller, elle a allègrement saupoudré ses marmites de sa verve enlevée. « Chaque plat raconte une histoire de vie, une anecdote, le plus souvent inventée par les femmes, précise-t-elle. Comment dessaouler rapidement son mari ? Quel plat préparer pour éviter qu’il ne parte voir ailleurs ? Pour le rendre plus performant ? Comment se faire apprécier par ses beaux-parents en mijotant un bon repas ? Que servir à une femme enceinte ou à une jeune accouchée ? »

Saka‑saka, beurre de karité et gingembre

À ces nombreuses et fondamentales questions de la vie quotidienne, Marguerite Abouet propose des réponses bien épicées. Exemple bien salé ? Le saka‑saka « ou comment rebooster la libido de votre moitié ». Chantou se plaint, son mari « est toujours épuisé, stressé, anxieux, énervé ». Une amie lui demande : « Est-ce que tu as mélangé le beurre de karité avec le gingembre pour le masser partout ? » Oui, elle l’a fait, mais cela n’a rien donné. « Chantou, essaie le saka‑saka, ça devrait lui redonner l’envie d’avoir envie. » La recette, à base de feuilles de patates, de viande, de poisson fumé, de crevettes et de cubes Maggi (évidemment) est proposée « pour quatre maris fatigués ». « Et si ça ne donne rien, les filles ? », demande Chantou. « Ma copine, alors, change de mari ou prends un amant ! »

« Personne ne prend deux fois la sauce au piment »

La recette du Biéko‑Seu, à base de mâchoirons frais (pour ceux qui ne le savent pas, on parle ici de poissons‑chats) et d’aubergines, est présentée comme « un plat équilibré », « pour six futurs minces mangeurs ». Si l’on résume, c’est un plat peu riche en graisse parfait pour perdre un peu de ventre. Marguerite Abouet l’introduit à sa manière : « Tabany a des soucis. Son mari grossit, surtout du ventre. Si tout le quartier la félicite de bien nourrir son homme, à l’intérieur de la maison, surtout dans leur chambre et sur leur lit, c’est la catastrophe, car ce gros ventre est un “tue-l’amour”. » Mais elle ne va pas le quitter pour ça, surtout que « personne ne prend deux fois la sauce au piment ».

Planche du livre « Délices d’Afrique » de Marguerite Abouet et Agnès Maupré © Éditions Alternatives

Planche du livre « Délices d’Afrique » de Marguerite Abouet et Agnès Maupré © Éditions Alternatives

Ainsi se déclinent, assaisonnées d’humour, bien des recettes de ce livre coloré. La sauce pistache (« ou comment récupérer son mari qui fait sa crise de la quarantaine »), la marmite du pêcheur (« ou comment tout obtenir (ou presque) de sa moitié »), le gouagouassou (« ou comment faire croire à sa moitié qu’on a passé la journée à cuisiner… »), la pépé‑soupe (« ou comment dessaouler son mari en moins d’une heure ») ne sont pas seulement des plats, ce sont aussi des moyens, pour les cuisinières, de se faire respecter.

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Éloge de la féminité en cuisine, Délices d’Afrique pèche un peu par cette même qualité : il semblerait que les hommes n’aient pas leur place au royaume des fourneaux et que les casseroles, poêles et autres marmites soient réservées au sexe féminin… Heureusement, il y a le kédjénou poulet, « ou comment aider votre femme enceinte à bien terminer sa grossesse ». « Je m’adresse personnellement à toi, mon ami homme. Ta femme est enceinte jusqu’au cou. C’est la dernière ligne droite avant l’accouchement. Tu ne la reconnais plus, elle est énorme, fatiguée, respire mal. […] Alors sois responsable avant l’arrivée du bébé, montre ton soutien à ta femme. Prépare-lui le “kédjénou de poulet”. » Messieurs, il est temps de vous y coller.

 © Éditions Alternatives

© Éditions Alternatives

Délices d’Afrique, 50 recettes pour petits moments de confidences à partager, de Marguerite Abouet et Agnès Maupré, Alternatives, 128 pages, 25 euros.

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