Trump et l’Iran ; Macron en Chine

« À chacun son niveau », dit-on communément. Pour vous le prouver, je citerai deux personnalités haut placées et vous révélerai, si vous ne les avez déjà entendues, des paroles qu’elles ont prononcées récemment et qui les décrivent. Je commenterai ensuite le séjour en Chine du jeune président de la République française, Emmanuel Macron. Son voyage comportait un volet africain dont nous aurons à reparler.

Le président iranien Hassan Rohani à Téhéran (Iran), le 3 juillet 2017. © Vahid Salemi/AP/SIPA

Le président iranien Hassan Rohani à Téhéran (Iran), le 3 juillet 2017. © Vahid Salemi/AP/SIPA

ProfilAuteur_BBY

Publié le 19 janvier 2018 Lecture : 5 minutes.

« L’inévitable Donald Trump »

Le président américain Donald Trump à l'entrée de Air Force One, le 12 janvier 2018. © Andrew Harnik/AP/SIPA

Le président américain Donald Trump à l'entrée de Air Force One, le 12 janvier 2018. © Andrew Harnik/AP/SIPA

L’avenir dira lequel des deux tandems, l’américain ou le saoudien, aura le plus profité du quatuor qu’ils constituent

La première personnalité dont je suis en mesure de vous rapporter les propos est l’inévitable Donald Trump.

la suite après cette publicité

Vous vous souvenez qu’il avait choisi d’effectuer son premier voyage officiel, le 19 mai 2017, en Arabie saoudite, où l’avait précédé, en éclaireur, son gendre préféré et premier conseiller, Jared Kushner. Les deux hommes avaient été reçus avec tous les honneurs par le roi Salman et par son fils, Mohammed Ibn Salman, qui venait d’être promu par son père et investi de (presque) tous les pouvoirs. Le roi et son fils héritier avaient ainsi submergé leurs hôtes de marques d’égards… et rempli leurs carnets de commandes commerciales.

Jared Kushner, juif orthodoxe, et Mohamed Ibn Salman, musulman tout aussi orthodoxe, sont de la même génération. Ils s’étaient déjà rencontrés plus d’une fois, avaient passé de longues soirées ensemble où ils ne buvaient pas que de l’eau. Au moment du voyage de Trump, ils étaient déjà comme « larrons en foire ».

Émerveillé une fois de plus par l’entregent de son gendre, Trump s’est employé à consolider la complicité avec le roi d’Arabie et son fils. Il a quitté le royaume le 21 mai après les avoir assurés que la Maison-Blanche soutiendrait toutes leurs actions. L’avenir dira lequel des deux tandems, l’américain ou le saoudien, aura le plus profité du quatuor qu’ils constituent.

Dans l’immédiat, voici, révélé par la meilleure source, ce que vient de confier Donald Trump : « En Arabie, Jared et moi avons mis notre homme au pouvoir… ». Mohammed Ibn Salman est donc, selon le président des États-Unis en personne, « l’homme des Américains », tandis qu’au fond de lui-même Mohammed Ibn Salman, dit « MBS », pense qu’il a « acheté » l’Amérique…

la suite après cette publicité

Surveillons cet étrange attelage pour voir, à moyen terme, s’il tient ou se disloque, et discerner ce qu’il manigance pour 2018.

Un Hassan Rohani avisé, mais isolé

Hassan Rohani, le président iranien, à la tribune de l'ONU le 26 septembre 2015 © Mary Altaffer/AP/SIPA

Hassan Rohani, le président iranien, à la tribune de l'ONU le 26 septembre 2015 © Mary Altaffer/AP/SIPA

Rares sont les responsables politiques de pays du Tiers Monde à tenir pareil langage

la suite après cette publicité

Hassan Rohani a été réélu haut la main le 19 mai 2017 président de la République islamique d’Iran, dont il n’est, en réalité, que le Premier ministre. Mais par sa réaction aux soulèvements qu’a connus récemment son pays, il vient de confirmer qu’il connaît bien son peuple et ses aspirations.

Une partie de ce peuple s’est en effet insurgée, à la fin de décembre et au début de janvier, contre le pouvoir en place, a manifesté son mécontentement, est allée jusqu’à s’en prendre aux symboles de l’autorité centrale. Elle a été encouragée, verbalement et de loin, par Donald Trump, ce qui a permis aux conservateurs iraniens de stigmatiser la main de l’étranger et l’ennemi principal voué à la perte du régime : le « grand Satan » américain.

Hassan Rohani s’est distingué de cette meute et a eu le courage de dire publiquement, le 8 janvier, que les émeutiers sont de jeunes Iraniens animés par de sérieux motifs de mécontentement.

« Ils nous demandent, a-t-il dit, d’améliorer leurs conditions de vie ainsi que le fonctionnement de la société. Ils veulent plus de liberté et moins de corruption. Il n’est pas possible, et il le sera de moins en moins, d’obliger nos jeunes à vivre comme nous le voudrions. Le fossé qui s’est creusé entre nous s’élargit : il nous faut le combler et, pour cela, écouter les doléances de la jeunesse, satisfaire au moins une partie de ses aspirations. 

Nous autres dirigeants ne sommes pas infaillibles, toute autorité doit accepter et écouter la critique… »

Rares sont les responsables politiques de pays du Tiers Monde à tenir pareil langage ; les musulmans parmi eux ont même oublié que ce langage a été, au début de l’islam, celui des successeurs immédiats du Prophète. En Iran même, la ligne Rohani n’a guère de chances de prévaloir et sa voix d’être entendue, car le pays se sent encerclé par la formidable coalition constituée par les États-Unis de Trump, l’Arabie de MBS et l’Israël de Netanyahou.

Ces conjurés ne veulent pas d’un Iran raisonnable et modéré ; ils préfèrent plutôt voir à la tête de la République islamique un nouvel Ahmadinejad, qu’ils pourront plus aisément combattre et stigmatiser…

Emmanuel Macron, l’ambition internationale

Le président de la République française Emmanuel Macron au côté de son homologue chinois Xi Jinping, alors qu'ils passent en revue la garde d'honneur lors d'une cérémonie de bienvenue au Grand Palais du Peuple, le 9 janvier 2018 à Pékin © Ludovic Marin/AP/SIPA

Le président de la République française Emmanuel Macron au côté de son homologue chinois Xi Jinping, alors qu'ils passent en revue la garde d'honneur lors d'une cérémonie de bienvenue au Grand Palais du Peuple, le 9 janvier 2018 à Pékin © Ludovic Marin/AP/SIPA

Emmanuel Macron a en tête deux objectifs stratégiques de type gaullien

Emmanuel Macron est encore dans la première année de son premier mandat de cinq ans. Mais l’on voit déjà ce qu’il ambitionne d’être et ce qu’il veut pour la France.

Le voyage qu’il vient d’achever en Chine nous a montré sa « nouvelle frontière ». Il n’y est pas allé seulement pour prendre la mesure de Xi Jinping, maître, à 64 ans, de cette vieille nation redevenue une très grande puissance. Il n’y est pas allé seulement pour rééquilibrer les échanges commerciaux entre les deux pays et pour signer de mirifiques contrats.

Emmanuel Macron a en tête deux objectifs stratégiques de type gaullien.

1) Faire de l’Union européenne (UE), conduite par le tandem France-Allemagne, l’un des trois grands du monde, à égalité avec les États-Unis et la Chine. Le PIB annuel de ces deux derniers est respectivement de 19 000 milliards et de 12 000 milliards de dollars. Plus peuplée que les États-Unis, l’UE (des 27) affiche un PIB de 14 000 milliards de dollars, supérieur donc à celui de la Chine. Emmanuel Macron veut que l’UE soit davantage une confédération qu’un conglomérat, une sorte d’États-Unis d’Europe.

Avec l’Allemagne, la France s’emploiera à lui faire prendre cette direction. L’UE ressemblera alors à une grande puissance et en jouera le rôle.

2) De ces « trois grands » du XXIe siècle, la Chine est celui qui s’intéresse le plus au continent africain. Elle en a acquis l’expertise et y a conquis des positions inexpugnables. La France, elle, a été une puissance africaine et aspire à le redevenir. Si elle avait l’intelligence de joindre ses efforts à ceux de la Chine, de faire tandem avec elle au lieu de la combattre, tout le monde y gagnerait.

Le président Macron a choisi : son pays fera tandem avec la Chine en Afrique.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image