Élevage : le grand troupeau de la société Grelka en RD Congo

Avec 35 000 têtes, la société Grelka réunit le plus important cheptel bovin de RD Congo. Issues de races africaines et européennes, ses vaches sont particulièrement bien adaptées au terrain katangais.

Le bétail se nourrit exclusivement de l’herbe des hauts plateaux. © JEAN-DOMINIQUE BURTON/GRELKA

Le bétail se nourrit exclusivement de l’herbe des hauts plateaux. © JEAN-DOMINIQUE BURTON/GRELKA

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Publié le 1 juillet 2015 Lecture : 4 minutes.

Le square George-Forrest, à Lubumbashi (statue de l’artiste lushois Daddy Tshikaya) © Gwenn Dubourthoumieu/J.A.
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Bye-bye Katanga

Le nouveau découpage de la RD Congo en 26 provinces devrait bientôt entrer en vigueur. Il prévoit notamment une division de la région du Katanga en quatre « provincettes » : Tanganyika et Haut-Lomami au nord, Lualaba et Haut-Katanga au sud. Plongée au coeur de cette grande province qui ne sera bientôt plus.

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Jadis, la plupart des grands ranchs katangais étaient situés dans l’est de la province, à proximité du lac Tanganyika (Moba) et de la frontière avec la Zambie (Pweto). Mais leurs troupeaux ont été décimés par les conflits armés qui se sont succédé entre 1998 et 2002. Aujourd’hui, loin des troubles qui persistent dans le « triangle de la mort », et profitant de la savane herbeuse des plateaux du centre du Katanga, les deux principales sociétés de ranching qui ont tenu le coup tentent de relancer la filière.

Les plus grands cheptels de RD Congo

Avec près de 35 000 têtes, les Grands élevages de Katongola (Grelka) réunissent le plus important cheptel bovin de RD Congo, répartis sur deux ranchs qui sont les plus modernes et les mieux équipés de la province. Le premier, celui de Katongola, s’étend sur 350 000 hectares près de Kamina, dans le Haut-Lomami, et le second couvre 100 000 hectares sur le plateau des Biano, dans le district de Kolwezi.

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Deuxième plus gros éleveur de la province après Grelka, la Pastorale du Haut-Lomami compte quant à elle plus de 18 000 têtes et dispose d’une concession de 212 000 hectares située à environ 20 km de Kamina.

Fondée dans les années 1930, pendant la colonisation, par le baron et banquier bruxellois Henri Lambert, la société Grelka a été rachetée en 2006 par George Forrest, qui en est l’actionnaire majoritaire (93 % du capital). Le tycoon provincial, président du Groupe Forrest International (GFI, actif depuis 1922 en Afrique centrale dans le BTP, le ciment, les services miniers et les plantations), était alors un nouveau venu dans le domaine de l’élevage. Et il a voulu redonner à Grelka son lustre d’antan, celui des années 1970-1980, quand les ranchs de la société approvisionnaient en viande rouge la quasi-totalité de la clientèle du Katanga et de la province voisine du Kasaï-Oriental.

« Depuis qu’il a repris le projet, George Forrest s’est beaucoup impliqué. Il a investi pour enrichir le cheptel par des croisements avec la race sud-africaine bonsmara, parfaitement adaptée au climat local. Il vient au moins quatre fois par an dans le ranch des Biano pour se rendre compte par lui-même de l’évolution de Grelka », souligne Benoît Nienhaus, le directeur général de la société, un Belge installé au Katanga depuis 1987. Son patron lui a donné pour mission de faire grossir le cheptel jusqu’à 40 000 têtes d’ici à 2018. « C’est le maximum que nous puissions faire, en élevage extensif, avec la superficie dont nous disposons », explique-t-il.

L’élevage le plus moderne de la province

Benoît Nienhaus n’est pas peu fier de son bétail. Nourri exclusivement en pâturant sur les plateaux et hauts plateaux katangais, le troupeau est suivi et soigné par quelque 800 salariés, dont 24 vétérinaires congolais formés sur place. « C’est l’élevage le plus moderne de la province. Nous travaillons avec les universités de Liège et de Lubumbashi pour améliorer la qualité, année après année », s’enorgueillit-il.

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Chaque bête, imposante, pèse entre 460 et 500 kg une fois arrivée à maturité. « Au départ, la race Grelka est un mélange de zébus africains et de vaches européennes simmental et sussex, poursuit le directeur. Mais le croisement avec la bonsmara a permis de lui donner une peau plus résistante aux insectes ainsi qu’une ossature adaptée à la marche. »

Le bétail élevé à Katongola doit parcourir des centaines de kilomètres à pied pour être acheminé vers les grossistes

Ce dernier détail n’est pas négligeable en terre katangaise, en particulier dans le Haut-Lomami et le nord du district de Kolwezi. À défaut de routes praticables en camion et compte tenu de la vétusté de la ligne de chemin de fer comme de son matériel roulant, le bétail élevé à Katongola doit en effet parcourir des centaines de kilomètres à pied pour être acheminé vers les grossistes et les centres de consommation. Kamina est pourtant un carrefour ferroviaire, d’où partent trois lignes de chemin de fer, mais la ville ne voit plus guère passer de trains.

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C’est d’ailleurs sur la portion Katongola-Kamina qu’un train de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) a déraillé, le 22 avril 2014, faisant 74 morts selon les autorités, plus d’une centaine selon la Croix-Rouge.

« Avec les difficultés de l’industrie diamantifère et l’absence totale d’entretien des routes au Kasaï-Oriental, qui était auparavant notre principal débouché, nos acheteurs se trouvent désormais quasi exclusivement dans le sud du Katanga, dans les villes minières de Lubumbashi, Kolwezi et Likasi, où l’activité a repris depuis la stabilisation politique, indique Benoît Nienhaus. Faute de routes praticables, il est impossible de rallier ces villes par camion depuis nos exploitations, donc nous organisons des treks. »

Six fois par an, bouviers et bêtes parcourent donc les 300 km qui séparent Katongola du ranch des Biano. De là, chaque mois, d’autres font une marche de 150 km pour rejoindre Fungurume, première ville accessible par route bitumée, sur l’axe Kolwezi-Lubumbashi. Les acheteurs y viennent en camion chercher le bétail qu’ils ont commandé et payé depuis Lubumbashi (où est établi le siège de Grelka) sur la base de son poids au départ des Biano (actuellement au prix de 3,30 dollars, soit 3 euros le kilo).

« La logistique est notre premier souci. Si l’état des routes le permettait, nous enverrions des camions jusqu’au Kasaï et à Kinshasa. Comme c’est impossible, nous nous en tenons aux méthodes traditionnelles du trek, auxquelles nos bêtes sont habituées », conclut Benoît Nienhaus. Une contrainte logistique qui limite le marché. Cependant, afin de tenir son objectif et de faire passer le cheptel de 35 000 à 40 000 têtes d’ici à trois ans, Grelka veille aussi à plafonner ses ventes à 4 000 bêtes par an pour le moment.

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