Israël invente les centres de détention « ouverts » pour éloigner les immigrés de ses villes

Israël a adopté, mardi, une nouvelle loi sur l’immigration. Celle-ci met notamment en place un système de détention en « centres ouverts », éloignées des villes et qui ont surtout pour objectif de mener la vie dure aux migrants venus d’Afrique subsaharienne. Explications.

Le centre de détention ouvert de Sadot, dans le désert de Neguev. © DR

Le centre de détention ouvert de Sadot, dans le désert de Neguev. © DR

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 13 décembre 2013 Lecture : 3 minutes.

"Si cela ne tenait qu’à moi, on les renverrait tous dans leur pays". Les mots sont durs. Mais pas surprenants tant la présidente de la commission de l’Intérieur du Parlement israélien, la députée Miri Regev, membre du Likoud du Premier ministre Benyamin Netanyahou, semble traduire une vérité de plus en plus évidente : en Israël, les immigrés clandestins ne sont pas les bienvenus.

Mardi 10 novembre, le Parlement israélien a ainsi adopté, à 30 voix contre 15, une nouvelle législation concernant l’immigration. Pour le moins controversée, celle-ci instaure la possibilité pour les autorités israéliennes de maintenir en détention pendant une durée allant jusqu’à un an, et ceci sans procès, les immigrés clandestins, pour la plupart originaires d’Afrique subsaharienne.

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Une avancée diront certains, puisque cela fait suite à une décision de la Cour suprême, le 16 septembre, qui avait à l’unanimité de ses membres déclaré la précédente loi inconstitutionnelle au nom de "la dignité humaine et la liberté". Cette dernière permettait, entre autres, d’incarcérer les immigrés illégaux sans jugement pendant… trois ans.

"Protéger ses frontières"

Sauf que le nouveau texte adopté mardi comporte un autre volet, instaurant un système de "centres de détention ouverts". Un concept qui paraît contradictoire mais dont le principe est en fait simple : permettre aux migrants de circuler librement la journée, tout en étant tenus de dormir dans un centre la nuit, de 22h à 6h du matin. Nourris et soignés, les détenus, ou plutôt 10 à 20% d’entre eux selon les chiffres évoqués par les autorités israéliennes, auront même la possibilité d’être employés par l’État, moyennant, en théorie, un maigre salaire, selon le quotidien israélien Haaretz.

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Mais il y a le revers de la médaille, dénoncé par les associations de défense des droits de l’homme. Les pensionnaires du centre seront ainsi tenus d’y montrer patte blanche trois fois par jour, matin, midi et soir, le ministère s’assurant ainsi qu’ils ne puissent pas travailler illégalement à l’extérieur.

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"Cette loi va permettre d’éloigner les ‘infiltrés’ des centres de nos villes", a expliqué le ministre de l’Intérieur, Gideon Saar, ajoutant : "c’est notre responsabilité, pas celle des organisations de défense des droits de l’homme ou des tribunaux, de protéger nos frontières". "L’approbation de la nouvelle législation, qui est pire que celle rejetée par la Cour suprême, est une honte pour la démocratie israélienne", a répliqué un collectif d’ONG dans un communiqué, mercredi.

En plein désert

Il est vrai que, sous des apparences de souplesse, les centres de détention ouverts semblent avant tout le moyen de mener la vie dure aux migrants illégaux et de les pousser à accepter de quitter le territoire au bout de quelques mois de ce traitement. Établi en plein désert du Neguev, près de la frontière égyptienne, le premier centre ouvert, non loin de la prison de Saharonim, est un modèle du genre.

Il devait accueillir, à partir du 12 décembre, plus d’un millier de personnes et prévoit d’en compter 3 000 dans les deux mois qui suivront sa mise en service. À terme, ce sont 9 000 détenus qui pourraient y séjourner, à en croire les prévisions des autorités israéliennes, qui estiment que plus de 62 000 migrants clandestins, dont quelque 35 000 Érythréens entrés par le Sinaï, résident dans le pays, notamment dans le sud de Tel-Aviv.

Selon le ministère des Transports, 16 bus circuleront quotidiennement entre le centre de détention et la localité de Be’er Sheva. Un trajet de 140 kilomètres aller-retour, afin de permettre aux migrants de passer dans cette ville de 185 000 habitants les quelques courtes heures les séparant de leur prochain pointage au centre. Une sorte de migration permanente, loin des regards.

Trajet entre le centre de détention et la localité de Be’er Sheva


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Vue aérienne de la prison de Saharonim


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Par Mathieu OLIVIER

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