Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo perd les derniers leviers du pouvoir
La chute de Laurent Gbagbo est désormais certaine. Après d’intenses combats nocturnes à Abidjan entre sa garde rapprochée et les troupes du président élu Alassane Ouattara, le président ivoirien sortant a dû fuir vers une destination inconnue. Dans son camp qui a enregistré de nombreuses défections, c’est toujours le silence radio.
La scène était surréaliste. Alors que les combats faisaient rage entre les Forces républicaines d’Alassane Dramane Ouattara et les miliciens fidèles au président sortant autour de la RTI, la télévision d’État diffusait en boucle des images de Laurent et Simone Gbagbo, tout sourires, en train de plaisanter avec leurs proches. Des images qui n’avaient visiblement pas été tournées ce jeudi 31 mars, mais dont le seul but était de montrer que Laurent Gbagbo était toujours président de la Côte d’Ivoire…
Mais aux environs de 23 heures (locales et GMT), la RTI ne pouvait plus donner le change aux Ivoiriens. Son signal était coupé, après qu’elle a été pilonnée à l’arme lourde. Les combats étaient terminés et les forces pro-Ouattara en prenaient le contrôle. Selon nos informations, le général de l’armée de terre Firmin Detoh, qui s’était rallié un peu plus tôt à Ouattara, a participé à cette prise en envoyant ses hommes en renfort. De grosses pertes ont été infligées aux miliciens qui gardaient les lieux après la désertion de la gendarmerie et des Forces de défense et de sécurité (FDS).
Les forces pro-Ouattara assiégeant la RTI, jeudi 31 mars au soir.
© AFP
Nady Bamba en fuite
Les désertions ou ralliements ont été nombreux durant ces dernières quarante-huit heures. Le général Mangou, chef d’état-major des armées, s’est réfugié mercredi soir à l’ambassade d’Afrique du Sud, Édouard Kassaraté, patron de la gendarmerie a rallié quant à lui les Forces républicaines (FRCI) pro-Ouattara jeudi après-midi. En réalité, tous les chefs de grands commandements ont fait allégeance au président élu, exceptés le patron de la Garde républicaine, Bruno Dogbo Blé et celui du Groupe de sécurité du président de la République (GSPR), le colonel major Nathanaël Brouaha Ehouman. Deux autres sont restés fidèles à Gbagbo, et sont même parmi ceux qui ont le plus combattu cette nuit : le commandant Boniface Konan (fusilier marin commando) et le commandant Jean-Noël Abehi (escadron blindé).
En plein milieu de la nuit, la résidence présidentielle où logeait Gbagbo a été prise par les FRCI, puis fouillée de fond en comble : aucune trace du président sortant, de sa femme, ni de ses proches, dont la plupart se terrent ou ont fui à l’étranger. Nadiana Bamba alias Nady, la seconde épouse de Gbagbo, a quitté Abidjan dans l’après-midi. Elle a été aperçue à l’aéroport embarquant sur un vol régulier. Appiah Kabran, conseiller juridique de Gbagbo ou Gervais Koulibaly, le porte-parole du président sortant, ont quant à eux préféré rester à Accra (Ghana) alors qu’ils devaient prendre un vol de Emirates pour Abidjan. Charles Blé Goudé et Pascal Affi N’Guessan, qui avaient tous deux éteint leurs portables dans la soirée, n’ont pas donné de nouvelles. Mamadou Koulibaly, le président de l’Assemblée nationale, se trouverait à Accra.
Derniers bastions
Les derniers bastions de résistance des pro-Gbagbo subsistent aux alentours du palais présidentiel au Plateau et dans le camp de gendarmerie d’Agban, qui ne s’est pas rendu. Dans le quartier de Cocody, de fortes explosions – probablement des tirs de mortiers – se faisaient encore entendre vendredi matin. Les combats dans la journée et la nuit ont été rudes, notamment l’après-midi dans le quartier d’Attiécoubé Sébroko, devant le QG de l’Onuci entre les Casques bleus et la Garde républicaine de Bruno Dogbo Blé, qui a subi de lourdes pertes.
Enfin, les forces des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) ont pris le contrôle de l’aéroport d’Abidjan jeudi, a affirmé à l’AFP un responsable de l’ONU sous couvert d’anonymat. Le commandant en chef de l’aéroport, qui avait 100 hommes sous ses ordres, a fait défection « et remis le contrôle aux troupes de l’ONU de façon pacifique ». Une information confirmée officiellement un peu plus tard. « À la demande des autorités aéroportuaires civiles, nous avons envoyé une unité de 30 hommes. Il ont rencontré un peu de résistance sur la route de l’aéroport, mais ils y sont arrivés », a confirmé un porte-parole des Casques bleus, Michel Bonnardeaux. Quel que soit l’endroit où le président sortant se trouve, il ne contrôle plus le pays.
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