Avec l’Oriental Fashion Show, Hind Joudar fait rayonner le caftan à travers le monde

En fondant l’Oriental Fashion Show, la Marocaine Hind Joudar a permis à nombre de designeurs d’exprimer leurs talents.

Défilé de la créatrice de mode Samira HADDOUCHI (Maroc). Oriental Fashion Show, le 20/01/2010 au Carrousel du Louvre à Paris.  FRANCOIS GRIVELET POUR JA © FRANCOIS GRIVELET POUR JA

Défilé de la créatrice de mode Samira HADDOUCHI (Maroc). Oriental Fashion Show, le 20/01/2010 au Carrousel du Louvre à Paris. FRANCOIS GRIVELET POUR JA © FRANCOIS GRIVELET POUR JA

KATIA TOURE_perso

Publié le 17 février 2020 Lecture : 4 minutes.

On pourrait dire de Hind Joudar qu’elle est une experte de la mode orientale. Pourtant, rien ne prédestinait cette ancienne juriste d’affaires à se prendre de passion pour le caftan. Ni à s’intéresser de près aux cultures et aux traditions orientales qui s’étendent, originellement, de l’Afrique du Nord à l’Asie, en passant par le Moyen-Orient et l’Europe de l’Est.

« En 2004, j’ai commencé à m’intéresser au caftan afin de faire le deuil de mon père et de ma sœur décédés après un accident de voiture. Ma sœur était passionnée par le caftan et en confectionnait pour toute la famille. Quant à mon père, il était le gardien de nos traditions. Tous les deux étaient très attachés à la culture orientale », se souvient la quinquagénaire, native de Taza (nord-est du Maroc) et arrivée en France à l’âge de 13 ans.

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Caftan Fashion Show

Après l’accident, alors qu’elle ouvre son propre cabinet juridique, elle réfléchit à un projet autour du caftan. L’idée mûrit lorsque l’une de ses voisines lui confie vouloir créer une entreprise de mode. « Je lui ai suggéré de confectionner une collection consacrée au caftan, avec, à la clé, un défilé à l’hôtel George-V, près des Champs-Élysées parisiens, où j’avais des relations. » Le 6 avril 2004, c’est chose faite avec le Caftan Fashion Show.

Au cours de ce défilé, Hind Joudar croise une connaissance qui l’invite à Marrakech pour assister à l’événement Caftans-Femmes du Maroc. « Autant dire que ça n’avait absolument rien à voir avec la bricole que j’avais organisée ! » s’amuse-t-elle aujourd’hui. À Marrakech, elle fait aussi la connaissance du styliste Albert Oiknine, encore peu connu à l’étranger à l’époque. « J’ai trouvé qu’il avait un style particulier qui pouvait aisément s’exporter. Il revisitait et modernisait le caftan. »

Le designeur lui propose de retenter l’aventure du Caftan Fashion Show à Paris. C’est au Bristol, autre cinq-étoiles de la capitale française où se déroulent alors Les Samedis de la mode, que se tiennent, en mai 2005, deux nouvelles éditions avec les créateurs Albert Oiknine, Mohamed Lakhdar, Karim Tassi et Najia Abadi. « Je n’en étais pas vraiment l’organisatrice. J’ai soumis l’idée au service de communication du Bristol. » Parmi le public, des membres de l’ambassade du Maroc qu’elle a invités et qui ne manquent pas de faire appel à elle pour l’organisation d’un autre événement. « Je ne comprenais pas pourquoi on venait me chercher, s’étonne encore l’ancienne juriste. Je n’avais aucune légitimité ! »

Espace sans limite

En avril 2006, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du Maroc, place au défilé Tendance caftan, sponsorisé par LVMH, à la Fondation Louis Vuitton, en plein cœur du Jardin d’acclimatation, à Paris. Huit cents invités sont alors présents, dont Sidney Toledano, PDG de LVMH, pour découvrir les créations d’Albert Oiknine, de Mohamed Lakhdar et de Karim Tassi. Légitime ou non, Hind Joudar peut se targuer d’avoir fait connaître ces créateurs à Paris.

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Au départ, j’ai voulu écrire sur l’histoire de ma famille, et puis, étant passionnée par l’histoire de l’Orient, je me suis penchée sur le caftan

Quatorze ans plus tard, le doute n’est plus permis pour celle qui, en 2012, a publié un beau livre intitulé Les Merveilles du caftan (éditions Marsam). Elle y revient sur l’histoire, l’esthétique, la portée sociale et l’influence du caftan au sein de diverses civilisations (Perse, Empire ottoman, Chine, Espagne, etc.). « Au départ, j’ai voulu écrire sur l’histoire de ma famille, et puis, étant passionnée par l’histoire de l’Orient, je me suis penchée sur le caftan. J’avais organisé des événements autour de ce vêtement sans vraiment le connaître. »

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À cette période, elle rencontre une journaliste marocaine qui lui propose de monter un défilé réservé aux créateurs orientaux. En 2010, le Caftan Fashion Show laisse place à l’Oriental Fashion Week, organisée, sur deux semaines, au Bristol. « Nous avons réuni plusieurs créateurs du monde oriental. Et là, j’ai eu le sentiment d’appartenir à un large espace sans frontières ni limites. J’ai trouvé que la mode était un langage formidable. Je me suis sentie un peu plus concernée. Je me voyais organiser l’Oriental Fashion Show à travers tout l’Orient. »

Elle dépose les noms Oriental Fashion Show, Caftan Fashion Show, Oriental Fashion Week et Caftan Fashion Week. Quatre marques portées par Route de la soie et Al Andalus, sa propre association. Elle organise une équipe de dix personnes, suit une formation en finance participative afin d’établir son business plan et de trouver des partenaires. Dès 2014, l’Oriental Fashion Show aura lieu deux fois par an.

Après le George V, Le Bristol, le Ritz, le Crillon et le Peninsula Paris, c’est au Carrousel du Louvre que s’est déroulée l’édition parisienne consacrée aux collections printemps-été, avec une quinzaine de créateurs, en janvier 2020. « Pour moi, l’Orient va au-delà des frontières. C’est une culture qui a voyagé et qui s’est enrichie à travers toute l’Afrique, mais aussi dans les Balkans. À travers la mode, on essaie de mettre en avant une certaine idée de l’Orient et de fédérer tous les pays qui se reconnaissent dans cette culture. »

Au cœur des cinq-étoiles

Lors de l’édition 2020 au Carrousel du Louvre, à Paris, le 20 janvier. © FRANCOIS GRIVELET POUR JA

Lors de l’édition 2020 au Carrousel du Louvre, à Paris, le 20 janvier. © FRANCOIS GRIVELET POUR JA

L’Oriental Fashion Show compte déjà 34 éditions, qui se sont déroulées en France mais aussi en Azerbaïdjan, en Ouzbékistan, en Turquie, au Kazakhstan, aux Émirats arabes unis, au Qatar et même en Mongolie. « L’idée est de valoriser les costumes traditionnels et la mode de ces pays. » Aujourd’hui, la famille Oriental Fashion Show compte plus de 100 designeurs de 45 nationalités différentes.

Parmi eux, le Marocain Albert Oiknine, l’Égyptien Hany El Behairy, le Russe Slava Zaïtsev et le Palestinien Saher Awkal. Si le montant du budget alloué à chaque édition est confidentiel, Hind Joudar peut compter sur ses nombreux sponsors, dont plusieurs palaces – outre les cinq-étoiles parisiens –, comme le Royal Mansour de Marrakech, le Fermont de Baku, le Raffles Istanbul ou le Palazzo Versace Hotel de Dubaï.

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