Politique

Dans l’est de la RDC, le chef des ADF Musa Baluku échappe toujours aux troupes de Célestin Mbala

Engagées dans une vaste opération face aux rebelles des ADF depuis plus de quatre mois, les troupes congolaises dirigées général Célestin Mbala ne sont pour le moment pas parvenues à en finir avec les rebelles des ADF, dirigés par Musa Baluku, aussi secret qu’introuvable.

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Mis à jour le 12 février 2020 à 14:44

Célestin Mbala, le chef d’état-major de l’armée congolaise et Musa Baluku, chef de la rébellion des ADF. © Jeune Afrique

L’armée congolaise viendra-t-elle à bout des Forces démocratiques alliées (ADF) ? Depuis la fin du mois d’octobre 2019, les hommes du général Célestin Mbala, chef d’état-major des Forces armées de la RD Congo (FARDC), sont engagés dans une vaste offensive contre ce groupe armé rebelle d’origine ougandaise, que dirige Musa Baluku.

Malgré un bilan très lourd (plus de 300 morts depuis le début de l’offensive, dans des massacres imputés aux ADF), l’armée congolaise a multiplié les opérations de communication, commentant l’avancée de ses forces, la capture de dizaines de rebelles et la mort de plusieurs de leurs chefs.

Une menace mal identifiée

Lors d'une attaque attribuée aux rebelles ADF à Beni, le 25 novembre 2019. © Al-hadji Kudra Maliro/AP/SIPA

Lors d'une attaque attribuée aux rebelles ADF à Beni, le 25 novembre 2019. © Al-hadji Kudra Maliro/AP/SIPA

Musa Baluku, principal dirigeant des ADF, échappe pour l’instant aux forces du général Célestin Mbala

Le 10 janvier, elle a annoncé en grande pompe qu’elle avait pris le camp de Madina, présenté comme le principal bastion des miliciens. Pourtant, depuis une dizaine de jours, la violence semble en recrudescence. À la fin de janvier, en l’espace de deux jours, plus de 70 civils ont été tués dans les environs de Beni (Nord-Kivu).

Les troupes du général Mbala ont-elles crié victoire trop tôt ? Si les FARDC ont indéniablement marqué des points, les ADF, qui ne communiquent pas, n’en demeurent pas moins une menace mal identifiée. Musa Baluku en est devenu le principal dirigeant en 2015, après l’arrestation, en Tanzanie, de Jamil Mukulu, le chef spirituel de l’organisation.

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Il héritait alors d’un mouvement affaibli et divisé. Sous sa houlette, les ADF, qui se sont toujours revendiquées comme islamistes, se sont radicalisées, même si « l’existence de liens directs » avec le groupe État islamique n’a pu être établie par les experts de l’ONU.

On ne dispose que de peu d’informations sur Baluku, que certains militaires présentent comme « l’ennemi public numéro un ». Il serait originaire de la région de Kasese, dans l’ouest de l’Ouganda. Visé par des sanctions américaines depuis le 10 décembre 2019, et par des sanctions de l’ONU depuis le 6 février dernier, le rebelle échappe pour l’instant aux forces du général Mbala.

Difficile d’évaluer le nombre d’hommes dont il dispose. Selon un haut responsable militaire congolais, « ils ne seraient plus que 400 combattants actifs au sein de forces complètement désagrégées ». Des sources à la Monusco estiment qu’ils seraient plutôt un millier.

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Les avantages stratégiques des ADF

Une membre sud-africaine de la Monusco, lors d'une patrouille à Muzambayi, près de Beni, dans l'est de la RDC le 7 mars 2018. © Photo MONUSCO/Michael Ali

Une membre sud-africaine de la Monusco, lors d'une patrouille à Muzambayi, près de Beni, dans l'est de la RDC le 7 mars 2018. © Photo MONUSCO/Michael Ali

La participation de la Monusco se limite à des exercices ponctuels de reconnaissance aérienne, de patrouille et d’évacuation médicale

Quoi qu’il en soit, Baluku conserve certains avantages stratégiques. D’abord, ses hommes se déplacent dans des zones difficiles d’accès, qu’ils connaissent bien mieux que leurs adversaires. Ensuite, depuis leur arrivée dans la région, en 1995, ils ont pu nouer des relations avec les populations locales, dont des groupes Maï-Maï.

Enfin, la Monusco ne prête pas main-forte aux FARDC. Elle n’a en effet pas été associée à la planification de l’offensive, et sa participation se limite, selon une source onusienne, à « des exercices ponctuels de reconnaissance aérienne, de patrouille et d’évacuation médicale ».

En outre, des rapports de l’ONU accusent certains généraux congolais d’avoir jadis collaboré avec les ADF. Que plusieurs d’entre eux soient sous sanctions complique la coopération avec les Casques bleus. C’est par exemple le cas de John Numbi, qui, en décembre 2019, a été nommé au commandement avancé, installé à Beni.

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Dans ces conditions, les FARDC et Célestin Mbala peuvent-ils aller au bout de leur mission ? Le coût humain et son impact sur l’opinion permettent de douter que l’opération puisse se poursuivre indéfiniment. Félix Tshisekedi, le chef de l’État congolais, en a pourtant fait sa priorité en annonçant que cette « dernière attaque » allait « définitivement exterminer les ADF ». C’était le 10 octobre dernier…