Un massacre de plus dans un pays qui refuse de s’y habituer. Le 25 janvier, des hommes armés ont attaqué le village de Sigaldji, dans la province du Soum (Nord). Selon des témoignages de survivants, hommes et femmes ont été séparés avant d’être froidement assassinés. Bilan : 39 morts.
Après l’embuscade qui a coûté la vie à 38 employés de l’entreprise minière Semafo à Boungou (Est), le 6 novembre, l’exécution d’une trentaine de femmes à Arbinda (Nord) le 24 décembre, ou plus récemment la tuerie qui a fait 36 morts sur le marché de Nagraogo et à Alamou, dans la province du Sanmatenga (Centre-Nord), le 20 janvier, le décompte macabre n’en finit plus.
Depuis le massacre de Yirgou, au début du mois de janvier 2019, le sang de civils coule chaque semaine ou presque au Burkina Faso. Attaques contre des écoles, des églises, assassinats ciblés, exactions… Sans compter les assauts meurtriers subis par les forces de défense et de sécurité, qui paient un lourd tribut dans leur lutte contre les groupes jihadistes. Les violences ont fait plus de 750 morts et 560 000 déplacés depuis 2015, valant au Pays des hommes intègres d’être désormais régulièrement qualifié, avec le Mali, de « maillon faible » du Sahel.
Le 22 janvier, pour la deuxième fois en moins d’un mois, Roch Marc Christian Kaboré a donc décrété un deuil national de quarante-huit heures. Arrivé au pouvoir en décembre 2015, le président a été contraint de revoir ses ambitions économiques et sociales à la baisse pour faire de la sécurité sa priorité. Homme affable, pur produit du système politique burkinabè, il a été forcé de se muer en chef de guerre intransigeant.
Urgence absolue
A-t-il mis trop de temps à réagir face aux premiers signaux de déstabilisation venus de l’autre côté de la frontière malienne ? Certains de ses détracteurs le pensent. Mais son entourage rétorque que le chef de l’État a d’entrée de jeu pris la mesure du défi sécuritaire, en augmentant le budget de la défense et en déployant des renforts militaires dans les régions du Nord et de l’Est.
Quelqu’un d’autre aurait-il mieux fait ? Difficile à dire, tant la situation est complexe. Mais le constat est là : le Burkina Faso est entraîné dans une spirale infernale dont beaucoup, Burkinabè comme observateurs étrangers, ne voient pas l’issue.
Pour Kaboré, l’urgence est absolue. À moins d’un an de la prochaine présidentielle, prévue en novembre et lors de laquelle il briguera un deuxième quinquennat, il lui faut inverser la tendance – ou, au minimum, éviter que les choses n’empirent.
Des victoires, l’armée burkinabè en a remporté quelques-unes, notamment à la fin de décembre, à Arbinda, où 80 « terroristes » ont été tués. Mais, comme le président lui-même l’a répété à Pau, le 13 janvier, aux côtés d’Emmanuel Macron et de ses homologues du G5 Sahel : « Il nous faut des résultats probants rapidement. »
Outre l’appel à une coopération accrue avec la force française Barkhane et les espoirs placés dans la nouvelle Coalition pour le Sahel, attendue prochainement dans la zone des trois frontières (Mali-Burkina Faso-Niger), le chef de l’État mise sur un dispositif inédit, adopté par l’Assemblée nationale le 21 janvier : le recrutement de volontaires pour la défense de la patrie (VDP).
Deux semaines de formation
Concrètement, ces volontaires, qui devront être âgés d’au moins 18 ans, seront des « auxiliaires des forces de défense et de sécurité, servant de façon volontaire les intérêts sécuritaires de leur village ou de leur secteur de résidence, en vertu d’un contrat signé avec l’État ». Après une formation initiale de deux semaines, ils seront déployés sur le terrain avec des armes légères et des moyens de communication.
Cette mesure, qui n’est pas sans rappeler les Comités de défense de la révolution (CDR), qui existaient sous Thomas Sankara, et dont l’application reviendra au ministre de la Défense, Chérif Sy, a été votée par les députés de la majorité et de l’opposition, mais soulève déjà des interrogations.
« Nous espérons notamment que ces volontaires ne vont pas se transformer en milices à la solde du pouvoir à l’approche des élections », explique Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition. Reste à savoir si le scrutin pourra être organisé sur l’ensemble du territoire national malgré l’insécurité grandissante. À Roch Marc Christian Kaboré et à son gouvernement de faire en sorte qu’il le soit.