Côte d’Ivoire : Besix et PFO Africa, ticket gagnant dans les infrastructures

À travers sa collaboration avec le leader local de la construction PFO Africa, la multinationale belge Besix compte inscrire durablement son activité en Côte d’Ivoire et nourrit des ambitions régionales.

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Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 19 janvier 2020 Lecture : 5 minutes.

Les images de l’avancée du chantier défilent en accéléré sur l’ordinateur de Cédric Marchand, directeur de Besix Côte d’Ivoire. Il y a un an, sur ce site au bord d’une rivière, La Mé, à 27 km d’Abidjan, c’était encore la brousse. Mais, depuis, 500 personnes se relaient quotidiennement jusqu’au milieu de la nuit, à un rythme quasi industriel.

Ce qui sera la plus grande usine d’alimentation en eau potable d’Afrique de l’Ouest, opérationnelle en décembre prochain, est déjà sorti de terre. Conçue par le français Veolia, elle traitera quotidiennement 240 000 m3 d’eau pour une métropole ivoirienne en pleine explosion démographique et qui puise actuellement dans des nappes phréatiques « de plus en plus polluées et qui ne sont pas illimitées », rappelle Cédric Marchand.

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Avec son organisation et ses délais d’exécution réglés au cordeau, le chantier pourrait ressembler à une mission commando. Mais chez Besix (2,5 milliards d’euros de revenus en 2018), on préfère rester humble. Une vertu belge, paraît-il. Car, des plus hauts gratte-ciel du monde, comme la tour Burj Khalifa à Dubaï, aux travaux marins, en passant par les tunnels et les stades, la plus grande entreprise de BTP du Benelux est bien rompue aux projets souvent emblématiques. « Ceux qui requièrent des capacités techniques complexes ou des solutions sur mesure », s’enorgueillit Philippe Dessoy, le directeur du développement.

On s’est rendu compte du potentiel du marché ivoirien, qu’on pensait réservé aux Français ou aux Chinois

En s’installant à Abidjan en 2017, Besix foule pour la première fois le sol de l’Afrique de l’Ouest. Une zone désormais ciblée, alors que le ralentissement économique guette la région du Golfe, où elle réalise 30 % de ses activités. Besix s’était un moment penché sur un projet d’hôpital au Burkina Faso, mais l’entreprise se refuse à travailler dans des pays au contexte sécuritaire trop incertain.

Opportunités de la CAN 2023

Le constructeur s’intéresse actuellement à des projets dans le domaine du traitement de l’eau, au Sénégal et au Ghana. « On s’est rendu compte du potentiel ivoirien. Auparavant, on pensait que c’était un marché exclusivement franco-français ou réservé aux Chinois », admet Cédric Marchand.

« Le BTP pesait 1 500 milliards de F CFA (2,3 milliards d’euros) en 2018, soit 6 % à 8 % du PIB, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays de la sous-région. Même si l’on va assister d’ici à la présidentielle d’octobre à un ralentissement des projets, avec l’organisation de la CAN 2023 et les nombreux stades, hôtels et infrastructures à construire, les opportunités à saisir restent énormes pour les cinq prochaines années », confirme Hamed Traoré, directeur exécutif du Groupement ivoirien du bâtiment et des travaux publics (GIBTP), le « syndicat » de la profession.

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Comme il l’a fait avec TGCC au Maroc, Besix s’est adossé à un partenaire local de choix dans ses projets et de manière exclusive – une tradition dans chaque implantation –, en l’occurrence le leader ivoirien de la construction et de la promotion immobilière, PFO Africa.

Du complexe d’immobilier commercial et de bureaux Ivoire Trade Center à la reconversion de la décharge d’Akouédo en grand parc urbain, à Abidjan, jusqu’à la transformation de l’ancien Club Med d’Assinie, aux routes et aux projets hôteliers qui seront dévoilés en mars, l’entreprise fondée par le célèbre architecte-bâtisseur ivoiro-­libanais, Pierre Fakhoury, fourmille de contrats.

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Un duo qui rassure autant l’État que les bailleurs

Elle doit répondre à de nombreuses commandes publiques, et ce rapidement. En pleine phase de diversification, la société, née du mariage du cabinet d’architecture et de l’entreprise de construction, cherchait un partenaire en mesure de lui apporter la technicité qui lui manquait. En contrepartie, elle peut lui faire profiter de sa connaissance des arcanes du pouvoir et du monde des affaires abidjanais et de sa capacité à structurer des financements auprès d’établissements comme la SGBCI, la BOAD et BPIFrance, sollicités pour l’usine d’eau potable. « Cela a rassuré l’État et les bailleurs qu’une entreprise locale s’associe avec un grand groupe international », souligne Clyde Fakhoury, directeur exécutif de PFO Africa.

Même si PFO bénéficie d’importantes capacités financières et d’une bonne réputation, Abidjan reste mauvais payeur. L’État est le plus gros débiteur des entreprises de BTP, « avec un stock d’impayés de plus de 30 milliards de F CFA à la fin d’août 2019 », rapporte Hamed Traoré.

Mais le déclic de la rencontre entre PFO et Besix fut d’abord le projet de la Tour F, la sixième tour administrative du quartier du Plateau. Signé Pierre Fakhoury, le chantier de ce bâtiment en forme de masque africain, qui dépassera les 280 m, débutera cette année et durera quatre ans. Et la coopération ne s’arrête pas là. Même si rien n’est encore défini, le belge étudie aussi avec son partenaire le chantier du parc d’expositions d’Abidjan, sur lequel PFO sera l’architecte et l’exploitant.

Main-d’oeuvre locale

Si les deux ont concouru pour le projet de réaménagement du carrefour de l’Indénié, finalement remporté par le marocain SGTM, Besix ne vise pas pour autant tous les marchés. « Nous ne sommes pas dans une politique du chiffre, nous ne cherchons pas à accumuler un nombre trop important de projets. On préfère rendre nos chantiers en temps et en heure et bien les réaliser », estime Cédric Marchand.

Car le belge, qui ne comprenait que trois employés en août 2018, a démarré de zéro à La Mé. En l’absence de sous-traitant de caractère international, Besix a dû recruter et former sur place toute une main-d’œuvre locale. Ce qui constitue une « armée de réserve » déjà prête à commencer d’autres travaux, et qui rejoint ainsi la grande famille des chefs de chantier et ingénieurs expatriés, Chiliens, Sénégalais ou Philippins, qui œuvrent sur le site. Et un investissement dans la durée. « En général, quand on rentre dans un pays, le but, c’est d’y rester », prévient Philippe Dessoy.

Expert ès projets emblématiques

Comme le révélait récemment Jeune Afrique Business+, Besix a, en octobre, été sélectionné avec le constructeur portugais Mota Engil pour la construction, d’ici à six mois, d’un méga-terminal méthanier au Mozambique. Sur le continent, où il est présent depuis plus de trente ans, notamment au Cameroun, en RDC et en Guinée équatoriale (quittée il y a quatre ans à la suite d’impayés), Besix peut se targuer au Maroc de la réalisation des terminaux portuaires Tanger Med I et II et de la station balnéaire de Mazagan.

Ses grues œuvrent aujourd’hui sur le barrage de Nachtigal, au Cameroun, sur le Grand Egyptian Museum, au pied des pyramides du Caire ou encore sur la tour Mohammed-VI, à Rabat, où Besix a succédé au chinois CRCC. « Son expansion se fait davantage dans une logique de projets et de clients que de territoire », commente un concurrent. Hors du continent, le groupe belge s’est notamment illustré sur le chantier de la tour Burj Khalifa, à Dubaï.

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