Politique

Maroc : les étoiles montantes de la politique

Ces personnalités sont engagées, ambitieuses, et soutenues par leurs aînés. Portrait de ces nouvelles figures qui, au Parlement, dans les partis ou les ministères, veulent rapprocher les citoyens de la chose publique.

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Mis à jour le 5 janvier 2020 à 11:08

Bouaida Mbarka, Amina Mae el Ainine et Fatima Zahra Mansouri. © Montage JA / Photos : David Rodrigues pour JA

«Ce n’est pas toujours facile d’être écouté par nos aînés quand on débute en politique », admet Imane Benrabia, élue de 35 ans du plus vieux parti du pays, l’Istiqlal. Les compétences de la jeune femme sont pourtant toujours plus mises à profit par le secrétaire général de la formation, le quinquagénaire Nizar Baraka. Imane Benrabia est l’une des rares députées à s’emparer de questions telles que l’écologie et le développement durable : « Certains sujets touchent plus une classe d’âge que d’autres. Les directions des partis, si elles sont attentives, le remarquent. »

Une façon de renvoyer à une critique récurrente adressée à la classe politique : par sa composition, elle serait déconnectée d’une société dont l’âge médian se situe autour de 30 ans. Or, aujourd’hui, seuls 14 % des membres du Parlement sont plus jeunes que cette moyenne. En outre, en 2017, à peine plus de 30 % des 18-24 ans étaient inscrits sur les listes électorales. Le désintérêt des jeunes citoyens pour l’exercice démocratique pose une question lancinante à laquelle il est souvent proposé de répondre par une représentation accrue des moins de 50 ans.

Certains abordent d’autres questions que leurs aînés

Depuis 2011, un effort a été fait en ce sens : la loi électorale réserve 30 des 395 sièges à des jeunes grâce à un système de « listes nationales » (déjà employé pour assurer une représentation minimale des femmes). En revanche, rares sont les moins de 50 ans à la tête de ministères ou de partis. Le plus jeune ministre du gouvernement Othmani II, formé en 2019, est Mohamed Amekraz. À 34 ans, le dirigeant de la jeunesse du Parti de la justice et du développement (PJD) ne s’attendait pas à être appelé au ministère du Travail par le chef du gouvernement, à qui il avait donné du fil à retordre au sein du parti islamiste. « Mohammed VI m’a recommandé de proposer un profil issu des jeunes de notre parti », a expliqué Saadeddine El Othmani.

Les branches jeunesse divisent

Mais cette volonté de faire émerger des jeunes a-t-elle donné les résultats escomptés ? Les « espoirs » des partis, une fois en fonction, se montrent-ils vraiment plus connectés à la jeunesse de leur pays ? Mohamed Amine Faïz, membre du bureau de Tizi, association qui prône l’engagement politique des jeunes sans se donner d’étiquette, se veut nuancé : « Quand on regarde bien, les jeunes députés ne sont pas spécialement plus assidus que leurs aînés… En revanche, certains abordent d’autres questions que leurs aînés. » L’écologie par exemple, comme le fait Imane Benrabia.

Dans l’Hémicycle, c’est aussi Ibtissam Azzaoui, 28 ans, membre du bureau politique du Parti Authenticité et Modernité (PAM), qui aura la première prononcé les mots « crowdfunding » ou « cryptomonnaie ». Mais la timidité politique n’est pas une question d’âge. La société civile non partisane porte toujours avec plus d’aisance un certain nombre de sujets. En amont de l’adoption d’un nouveau service militaire en 2018, c’est Tizi qui a organisé deux débats sur le sujet avec des militants des organisations de jeunesse des partis.

Le rôle de ces branches jeunesse, d’ailleurs, divise. Certains vantent leurs mérites, les décrivent comme de « bonnes écoles ». D’autres, comme Mohamed Amine Faïz, passé par la Chabiba ittihadia de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), l’une des plus puissantes organisations de ce type, relève : « Elles n’ont pas vraiment d’indépendance ni de force, elles sont là pour diffuser le point de vue du parti, pas plus. » Beaucoup s’accordent à dire que la jeunesse du PJD est la seule capable de faire émerger des leaders, de par son indépendance et son influence. Mohamed Amekraz ne dira pas le contraire : élu à la tête de la jeunesse islamiste en 2018, il est devenu ministre en 2019.

La politique en héritage

Il faut aussi souligner que la sensibilité politique – et parfois la fonction – se transmet comme un héritage. Au sein de l’Istiqlal, deux anciens chefs qu’a priori tout oppose – Abbas El Fassi, appartenant à la vieille notabilité fassie, et Hamid Chabat, syndicaliste tonitruant – ont envoyé leurs jeunes fils au Parlement. Quant à la cadette de l’institution, Wiam Lamharchi, du PAM, elle représente une région dans laquelle son père est déjà un important élu local.

C’est donc assez logiquement dans la société civile que l’on retrouve le plus de jeunes, issus de tous les milieux, avides d’actions sociales et d’engagement civique. Le nombre d’associations actives dans le pays est d’ailleurs édifiant : 130 000 en 2016.

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Ces structures non partisanes permettent à de jeunes talents, souvent diplômés, d’émerger. On peut ainsi évoquer, à droite, le Cercle des patriotes (créé en 2018), think tank proche du Rassemblement national des indépendants (RNI), animé entre autres par Ghassane Benchekroun, quadragénaire invité sur des plateaux de télévision pour parler, par exemple, du modèle de développement marocain. À gauche, des anciens de la jeunesse socialiste ont monté Anfass (« Souffles »), dans la foulée du mouvement du 20 février 2011. Le fondateur et ancien président de l’association, le trentenaire Mounir Bensalah, est devenu, en 2019, secrétaire général du Conseil national des droits de l’homme (CNDH). Anfass propose un discours connecté aux attentes de toute une jeunesse sur la culture ou les libertés individuelles.

Collectivités locales

Mais quelle que soit l’influence de ces structures, c’est toujours au sein des institutions que les décisions se prennent. Faute de pouvoir accéder à la fonction de député, certains entrent en politique par le biais des collectivités locales, aux pouvoirs renforcés. C’est le cas d’Omar El Hayani, quadra élu au conseil de la ville de Rabat qui allie la précision d’un technocrate aux valeurs de gauche. Considéré comme une étoile montante de la Fédération de la gauche démocratique, on l’entend de plus en plus souvent sur les radios nationales, notamment à propos de la réforme de l’enseignement.

Le développement des métiers liés à la communication politique, enfin, suscite aussi des vocations. Le quadragénaire Anouar Zyne, ancien patron de la jeunesse de l’Union constitutionnelle (UC), a travaillé étroitement avec le chef du gouvernement islamiste El Othmani. Omar Alaoui, figure médiatique passée par le PAM, s’est également mué en communicant, épaulant notamment Salaheddine Mezouar quand ce dernier dirigeait le syndicat patronal.


Amina Mae El Ainine, la progressiste du PJD

Amina Mae el Ainine, Maroc. Députée du parti politique PJD. Photographiée lors du congrès de la centrale syndicale UNTM. © David Rodrigues pour JA

Amina Mae el Ainine, Maroc. Députée du parti politique PJD. Photographiée lors du congrès de la centrale syndicale UNTM. © David Rodrigues pour JA

Sa « tribune » publiée sur son compte Facebook en septembre 2019 en réaction à l’ouverture du procès de la journaliste Hajar Raissouni n’est pas passée inaperçue : l’élue du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) y appelait à la mise en place d’un « dialogue interne serein » sur les libertés individuelles. Pas vraiment le sujet avec lequel les islamistes sont le plus à l’aise. La jeunesse du parti lui a d’ailleurs répondu vertement, prouvant une nouvelle fois que jeunesse et « progressisme » ne riment pas forcément. La saillie de la députée a-t-elle à voir avec ses propres mésaventures ?

Au début de 2019, elle a été violemment attaquée après la fuite de photos la montrant sans voile lors d’un séjour en France. Une petite affaire médiatique qui a eu valeur de test : la jeune militante sait s’opposer frontalement aux cadors de sa formation. À Mustapha Ramid, ministre des Droits de l’homme et figure islamiste de premier plan qui avait déclaré : « Les électeurs [ont] voté pour elle alors qu’elle portait le voile : elle n’a pas le droit de l’abandonner », elle avait rétorqué : « Ça ne regarde aucunement le parti. »

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En 2011 déjà, elle bravait le secrétaire général Abdelilah Benkirane en manifestant aux côtés du Mouvement du 20-Février. Quelques années plus tard, elle soutient le même Benkirane contre Saadeddine El Othmani au poste de secrétaire général et déstabilise franchement ce dernier.

Septième vice-présidente du Parlement, elle préside souvent les séances de questions orales retransmises sur les chaînes nationales où sa franchise et son habileté lors des débats font l’unanimité : elle a mouché des « durs à cuire », comme l’intellectuel berbériste Ahmed Assid, habitué à en découdre avec les islamistes.

Fatima-Zahra Mansouri, bientôt à la tête du PAM ?

Fatima Zahra Mansouri © David Rodrigues pour JA

Fatima Zahra Mansouri © David Rodrigues pour JA

Aujourd’hui, il est clair que la présidente du conseil national (le parlement interne) du Parti Authenticité et Modernité (PAM) peut, si elle le souhaite, ambitionner d’en devenir la prochaine secrétaire générale.

Elle ne cache plus son opposition nette à l’actuel leader de la formation, Hakim Benchamach. Ancien édile de Marrakech, cette quadra dont le père a été pacha de la cité, peut se targuer d’avoir été l’une des rares présidentes de commune à ne pas être épinglée par la Cour des comptes, parvenant même à renflouer les caisses d’une ville longtemps très mal gérée. On lui prête une forte capacité de travail, et sa formation de juriste lui assure une approche pragmatique des dossiers courants.

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Durant son mandat à la tête de la Ville ocre, elle s’est endurcie : à peine élue en 2009, elle voyait le résultat du scrutin contesté. À deux reprises, en 2011 et en 2017, la rumeur l’a dite sortante du PAM. À chaque fois, elle a déjoué les pronostics. Après s’être faite discrète dans le parti et l’Hémicycle (c’est son deuxième mandat de députée), elle a organisé son come-back en 2018. Pour beaucoup, sa place n’est pas simplement dans le PAM, mais à sa tête.

Hamza Hraoui, de LaRem à la création de Maan

HAMZA HRAOUI © Bruno Levy pour JA

HAMZA HRAOUI © Bruno Levy pour JA

«Nos hommes politiques n’ont plus le choix, ils doivent moderniser leur communication », écrivait Hamza Hraoui dans une tribune publiée en 2014 dans le Huffington Post Maghreb. Quelque temps plus tard, on retrouve ce Franco-Marocain auprès de La République en marche (LaRem), le parti du président Emmanuel Macron. Hamza Hraoui participe à la campagne auprès des Français de l’étranger.

Mais c’est au Maroc que ce jeune communicant s’engage finalement à fond. L’expérience « En marche » semble avant tout avoir été pour lui une formation express au militantisme. Au début de 2019, il crée Maan (« Ensemble »). Le principe : bâtir un mouvement qui ne soit pas formellement un parti mais qui semble destiné à le devenir. Difficile d’imaginer ce réseau de jeunes cadres très urbains s’implanter durablement dans les zones rurales, qui constituent encore un gros réservoir de votes. Mais, dans les villes, les militants de Maan pourraient faire office de boîte à idées et booster des candidatures, de droite comme de gauche, autour de valeurs fédératrices comme la reddition des comptes ou la transparence.

Hasnaa Abouzaid, la figure féministe

Hasna Abousaid, Casablanca, Maroc. Députée sahraouie du groupe politique USFP. Photographiée dans sa résidence à Casablanca. © David Rodrigues pour JA

Hasna Abousaid, Casablanca, Maroc. Députée sahraouie du groupe politique USFP. Photographiée dans sa résidence à Casablanca. © David Rodrigues pour JA

C’est l’une des figures féminines les plus influentes à gauche. Militante entrée en 2005 à l’Union socialiste des forces populaires (USFP), elle en est devenue une frondeuse quelques années plus tard et a même hésité, en 2017, à se présenter contre Driss Lachgar, le patron du parti. Classée « au centre » de sa formation, elle plaide ensuite pour un virage à gauche sur fond de critique sociale, espérant contrer à la fois les islamistes et les partis traditionnels.

Entrée en 2011 au Parlement, elle s’y était fait remarquer par la clarté de son discours féministe et sa bonne connaissance de dossiers épineux, comme celui de la santé (elle est pharmacienne de formation). Elle n’hésitait pas à tenir un discours de gauche pour mieux battre en brèche l’argumentaire islamiste : à propos du Code pénal, qu’elle considère comme liberticide, elle rappelait qu’il était d’inspiration plus coloniale qu’islamique. À 43 ans, elle suit des études à la faculté de Rabat. Droit public, finances et administration : Hasnaa Abouzaid est patiente, et compte bien durer en politique.

Dans d’autres formations de gauche, on nous confie : « Avec elle à la tête du parti, des alliances seraient possibles. » La socialiste est aussi une figure de sa région, le Sahara. Attaquée par les voix conservatrices sur le sujet de la cause nationale, elle en est pourtant une partisane audacieuse mais pragmatique. En 2019, avec un think tank de la gauche radicale, le Centre de recherche Bensaïd Aït Idder, elle prépare un rapport sur le Sahara et l’intégration maghrébine.

Mbarka Bouaida, présidente de région et figure du RNI

Bouaida Mbarka, Rabat, Maroc. Première présidente de région (Guelmin-Oued Noun) de l'histoire du Maroc. Secrétaire d'État marocaine chargée de la Pêche maritime. Photographiée au siège de son parti politique (RNI) © David Rodrigues pour JA

Bouaida Mbarka, Rabat, Maroc. Première présidente de région (Guelmin-Oued Noun) de l'histoire du Maroc. Secrétaire d'État marocaine chargée de la Pêche maritime. Photographiée au siège de son parti politique (RNI) © David Rodrigues pour JA

Alors que la classe politique marocaine reste très majoritairement divisée, de façon binaire, entre « francophones » et « arabophones », cette quadragénaire se distingue avec son MBA de l’université de Hull, à Londres. Une formation anglo-saxonne qui, comme elle l’a expliqué à Jeune Afrique, lui a aussi permis de découvrir un « libéralisme » et un « souci de la pédagogie » qui l’agréent.

Cependant, la jeune présidente de région – elle a été la première femme à le devenir – n’a rien d’un ovni. Sa famille est influente au Sahara depuis des générations, et son père est l’un des fondateurs du Rassemblement national des indépendants (RNI), dont elle est devenue une figure importante. Elle raconte qu’elle a appris la lecture avec la presse du parti.

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Comme beaucoup de jeunes talents, Mbarka Bouaida a joui d’une sorte de parrainage pour s’imposer en politique : celui de Salaheddine Mezouar, dont elle a été ministre déléguée lorsqu’il était aux Affaires étrangères.

Mehdi Bensaïd, une voix qui compte au PAM

Mehdi Bensaid © DR

Mehdi Bensaid © DR

Lors de son entrée en politique, Mehdi Bensaïd avait attiré l’attention pour une raison simple : son affiliation au Parti Authenticité et Modernité (PAM) ne collait pas à celle de ses parents, militants d’extrême gauche. Son apprentissage politique s’est d’ailleurs doublé d’un autre, plus littéral : peu porté sur l’arabe, une langue essentielle pour le travail parlementaire, le jeune élu, scolarisé en France parce que son père était réfugié politique, s’est attelé à l’apprendre.

En 2011, Bensaïd est largement critiqué par des gens de son âge, partisans du Mouvement du 20-Février : délaissant la rue, il a choisi de se former au sein d’une association volontiers libérale, le Cercle des jeunes démocrates marocains, qui ne tarde pas à fournir des troupes au PAM. Une fois au Parlement, où il entre grâce aux listes nationales des jeunes, il fait très tôt parler de lui : c’est notamment à son initiative que le débat sur la production de cannabis thérapeutique et industriel s’est invité dans l’institution.

Son accès à la présidence de la commission des affaires internationales à l’âge de 29 ans a suscité des moqueries. Aujourd’hui élu d’une commune de Rabat, il veut permettre aux citoyens d’interpeller les élus locaux grâce au numérique. Et dans son parti, en proie aux divisions, il fait partie des voix qui comptent.

Omar Balafrej, le député connecté

Omar Balafrej © DR

Omar Balafrej © DR

Est-ce une question de génération ? Omar Balafrej compte sans doute parmi les élus les plus connectés du Parlement. Chaque semaine, il présente son activité dans des vidéos en ligne. Ce député de gauche, centralien passé par le holding royal ONA, a été, il faut le dire, à bonne école : de 2008 à 2016, il a dirigé le Technopark de Casablanca, qui aide à la création et au développement des entreprises du numérique. Au sein de cet incubateur de la capitale économique, Balafrej a fréquenté une jeunesse novatrice et volontiers rebelle : il a ouvert le lieu à une association musicale et culturelle urbaine, Le Boulevard. Quand il présidait la Fondation Abderrahim Bouabid, un think tank de gauche, il avait déjà impulsé une « FabTV » online.

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Entre sa démission de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et son mandat à la Fédération de la gauche démocratique (FGD), il aura passé quelques années au sein d’une boîte à idées sociale-­démocrate et non partisane, le CAC (Clarté, Ambition, Courage). Dans ce cadre plus souple, il a continué à fréquenter la jeunesse. Il est un des deux seuls députés à avoir voté contre la conscription obligatoire en 2018. Un acte parmi d’autres pour un député très assidu, mais qui n’a pas échappé à de nombreux jeunes électeurs. Il est aussi membre du conseil de la ville, à Rabat.

Othman El Ferdaous, déjà une expérience gouvernementale

Othman El Ferdaous © Photo ID OEF

Othman El Ferdaous © Photo ID OEF

Il aura eu ce privilège : être le « benjamin » d’une équipe gouvernementale – il a été secrétaire d’État auprès du ministre de l’Industrie, chargé de l’investissement entre 2016 et 2019. Un pari – casser un peu le clivage entre technocrates et militants – qui était aussi son principal atout.

Une personnalité de gauche glissait à Jeune Afrique lors de la nomination de ce multidiplômé (notamment de l’ENA à Paris) : « Il a une réelle indépendance d’esprit et un attachement aux valeurs démocratiques. Il a une vision, pas juste du savoir-faire technique. » Et nombreux sont ceux qui soulignent son exceptionnelle culture générale.

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Le jeune homme, qui cultive volontiers la discrétion, est en effet d’une grande précision, et ses marottes vont de l’économie numérique à l’histoire islamique et amazighe. Lui aussi a évolué sous des auspices prometteurs : son père est l’un des fondateurs de l’Union constitutionnelle (UC), parti libéral dont il est membre. Et c’est un « ancien », Mohamed Sajid, maire de Casablanca pendant plus de dix ans et éphémère ministre du Tourisme, qui avait soufflé son nom lors de la composition du gouvernement.

Omar Iharchane, le nouveau visage d’Al Jamaa Adl Wal Ihsan

Omar_Iharchane © DR

Omar_Iharchane © DR

Avec d’autres, son « frère » Hassan Bennajeh notamment, il incarne le nouveau visage d’Al Jamaa Adl Wal Ihsan (« Justice et Bienfaisance »), l’organisation islamiste d’inspiration confrérique qui reste à l’écart de la politique parlementaire.

Universitaire trilingue, plus anglophone que francophone, il discute volontiers avec des militants amazighs ou gauchistes et anime une page Facebook très suivie, tout comme celle de Hassan Bennajeh. Ces « quadras adlistes » compteront dans l’arène politique profane : bien plus que le guide discret de la Jamaa, le cheikh Mohamed Abbadi, ils ont des contacts dans la presse, dans la société civile, à l’étranger, et représentent une « élite islamiste » souvent issue de la classe moyenne supérieure.

Ingénieurs, avocats, sociologues ou communicants, ces urbains connectés sont soutenus par une organisation qui a pris le virage numérique avec sérieux, mais dont le rayonnement est très modeste comparé à celui du Parti de la justice et du développement (PJD).

Mehdi Mezouari

Mehdi Mesouari, Rabat, Maroc. Membre du bureau politique et député USFP. Photographié dans la salle de conférence du parti. © David Rodrigues pour JA

Mehdi Mesouari, Rabat, Maroc. Membre du bureau politique et député USFP. Photographié dans la salle de conférence du parti. © David Rodrigues pour JA

Tentera-t-il de prendre la direction du parti ? L’intéressé ne répond pas par l’affirmative… mais ne dit pas non. Pour le moment, il reste un fidèle du secrétaire général de son mouvement, l’Union socialiste des forces populaires (USFP), pourtant très décrié. Neveu de militants de l’Union nationale des étudiants marocains (Unem), Mezouari entre au parti alors qu’il est encore adolescent. À cette époque, l’USFP est un appareil qui n’a pas d’égal dans le champ politique marocain.

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Comme d’autres « jeunes » de la classe politique, il a fait ses armes dans la Chabiba, dont il a été responsable national en 2009. Son entrée au Parlement, en 2011, il la doit aux listes nationales des jeunes. En 2017, alors que l’écologie politique peine encore à mobiliser les Marocains, Mezouari est élu local à Mohammedia (à 25 km de Casablanca) et mène la fronde pour que l’usine de l’ONEE cesse de déverser des particules de charbon sur la plage.

Le quadra a-t-il les épaules pour peser dans les années à venir ? Son CV de militant formé à la vie bureaucratique laisse à penser que oui. Sa proximité avec des personnalités célèbres, comme l’ancien Premier ministre de Hassan II, Abderrahmane Youssoufi, aussi – il est d’ailleurs à l’origine de la création d’une fondation portant le nom de ce dernier. Mais sa candidature aux législatives de 2016 s’est soldée par un échec. À croire que son principal souci est d’appartenir à une formation brutalement sortie des écrans radars ces dernières années.