Gabon : en quête de la bonne formule

Si les récents remaniements au sein du cabinet présidentiel et du gouvernement ont inquiété les uns et déconcerté les autres, ils ont aussi et surtout clarifié la situation au sommet de l’État : un an après son AVC, Ali Bongo Ondimba est bel et bien de retour aux commandes de l’exécutif et dicte le tempo.

Le chef de l’État gabonais, le 11 novembre, 
au Palais du bord de mer, lors de la 
cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres. © PR

Le chef de l’État gabonais, le 11 novembre, au Palais du bord de mer, lors de la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres. © PR

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Publié le 16 décembre 2019 Lecture : 4 minutes.

À Libreville au Gabon. (photo d’illustration). © Jacques Torregano pour JA
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Gabon : enfin la relance ?

Si les récents remaniements au sein du cabinet présidentiel et du gouvernement ont inquiété les uns et déconcerté les autres, ils ont aussi et surtout clarifié la situation au sommet de l’État : un an après son AVC, Ali Bongo Ondimba est bel et bien de retour aux commandes de l’exécutif et dicte le tempo.

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Il est des records dont on pourrait se passer. En 2019, le gouvernement gabonais a été remanié à huit reprises. Le dernier réaménagement en date a eu lieu le 2 décembre, lorsque l’équipe dirigée par Julien Nkoghe Bekale a été profondément revue et corrigée, moins d’un mois après un précédent remaniement, intervenu le 7 novembre.

Et si l’on remonte à la présidentielle de 2016, la succession des entrées et des départs prend des allures de jeu de chaises musicales perpétuel, auquel le Palais du bord de mer aurait sans doute préféré ne pas s’habituer mais qui, selon les proches du chef de l’État, a été rendu nécessaire par la situation du pays. Sauf qu’il est de plus en plus compliqué de donner du sens à cette recomposition au long cours, tant elle secoue le pays, au point d’instiller le doute sur la solidité des institutions. Qui ne serait désorienté par ces incessants changements de personnes, ces redécoupages de portefeuilles et ces modifications de périmètre au sein de l’exécutif ?

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Le plus récent de ces tours de manège est intervenu dans un contexte marqué par la reprise en main de la conduite des affaires publiques par le président, Ali Bongo Ondimba (ABO). Ce dernier avait été contraint de s’en éloigner à partir du 24 octobre 2018, après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral. L’indisponibilité temporaire du président avait alors déclenché une impitoyable guerre des clans, au grand dam du chef de l’État, qui, plus que jamais, devait pouvoir compter sur son cabinet et sur le gouvernement chapeautés respectivement par le directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga (BLA), et par le Premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, lequel sera remplacé à la primature, le 12 janvier, par Julien Nkoghe Bekale.

Crise existentielle

Annonciateur de la victoire du clan de la présidence sur celui du gouvernement, le départ d’Issoze n’était que le début d’un règlement de comptes entre frères ennemis. Débarrassé de cette forte tête, le cabinet du président a pris l’ascendant sur la primature, d’autant que, propulsé chef du gouvernement en pleine tempête, Nkoghe Bekale n’avait pas encore pris ses marques.

Se sont ensuivis des remaniements orchestrés de toute évidence par le Palais du bord de mer. L’un après l’autre, les poids lourds du gouvernement ont pris la porte. Exit les Étienne Massard, Régis Immongault, Ali Akbar Onanga Y’Obegue, etc. À leur place sont nommés de « jeunes » trentenaires et quadragénaires affiliés à l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev), qui prennent en main la direction de l’État, secteur par secteur.

Alors qu’ABO se bat pour récupérer ses fonctions motrices, le système qu’il a bâti vacille sous les vents contraires d’une crise existentielle

Pendant ce temps, le Parti démocratique gabonais (PDG) se mure dans un silence impuissant. « Qui dirige le Gabon ? » s’est alors interrogée une partie de l’opposition, et, surtout, le collectif Appel à agir, qui réunit des personnalités majoritairement issues de la société civile. Alors qu’ABO se bat pour récupérer ses fonctions motrices, le système qu’il a bâti vacille sous les vents contraires d’une crise existentielle.

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Tensions apaisées

Sonne alors l’heure du retour du roi. Le 3 novembre, le général Laccruche est « reversé » au gouvernement. À la tête d’un ministère sans bureaux ni collaborateurs, il n’aura pas tenu longtemps sur ce toboggan spécialement aménagé pour amortir sa brutale défenestration du Palais du bord de mer.

Le président est de retour ! exulte un ministre qui jure n’avoir jamais fait allégeance à “Brice”. On va pouvoir avancer et travailler de nouveau pour les Gabonais

D’ailleurs, personne ne remarquera la disparition du fantomatique département ministériel lorsque, le 2 décembre, il sera limogé avant d’être arrêté, le lendemain, dans le cadre d’une vaste opération anticorruption qui a déjà vu la mise en détention de treize de ses proches. « Le président est de retour ! exulte un ministre qui jure n’avoir jamais fait allégeance à “Brice”. On va pouvoir avancer et travailler de nouveau pour les Gabonais. »

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Il va sans dire que pendant cette séquence peu glorieuse le pays a fait du surplace. Certains en arrivent même à redouter le pire eu égard aux soupçons de détournements massifs de deniers publics dont se seraient rendues coupables les personnes arrêtées. On note cependant que, même si elle est encore fragile, la croissance économique reprend de la vigueur. Et que le pays bénéficie par ailleurs du satisfecit et de l’appui budgétaire des partenaires multilatéraux, notamment dans le cadre du programme avec le FMI. Ces appuis aident à juguler le déficit budgétaire. Libreville espère même être en excédent l’année prochaine.

Sur le plan diplomatique, le Gabon renoue des relations avec l’Union européenne, lesquelles s’étaient distendues à la suite de l’élection présidentielle de 2016, les eurodéputés ayant estimé que le scrutin avait manqué « de transparence ». Le temps ayant apaisé les tensions, les deux parties ont repris le dialogue sur les droits humains, les libertés fondamentales et les élections. Sur le plan bilatéral, les relations avec la France se sont elles aussi améliorées. Même le groupe bancaire BNP Paribas, qui avait un temps envisagé de quitter le Gabon en se désengageant de la Bicig, a finalement décidé de rester. Au-delà des entreprises de l’Hexagone, le fait que la situation au sommet de l’État se clarifie devrait redonner confiance aux investisseurs étrangers. Pourra-t-elle la redonner au Gabonais ?

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