Gabon : la nouvelle garde d’Ali Bongo Ondimba

En quelques semaines, l’entourage proche du président gabonais a été profondément bouleversé. Qui sont les nouveaux membres de la garde rapprochée d’Ali Bongo Ondimba ? Portraits des incontournables du Palais du bord de mer.

Ali Bongo Ondimba, lors du conseil des ministres du 2 octobre 2019. © DR / Présidence gabonaise

Ali Bongo Ondimba, lors du conseil des ministres du 2 octobre 2019. © DR / Présidence gabonaise

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Publié le 16 décembre 2019 Lecture : 7 minutes.

À Libreville au Gabon. (photo d’illustration). © Jacques Torregano pour JA
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Gabon : enfin la relance ?

Si les récents remaniements au sein du cabinet présidentiel et du gouvernement ont inquiété les uns et déconcerté les autres, ils ont aussi et surtout clarifié la situation au sommet de l’État : un an après son AVC, Ali Bongo Ondimba est bel et bien de retour aux commandes de l’exécutif et dicte le tempo.

Sommaire

L’exercice est périlleux. Voici un an, alors que nous discutions déjà, dans l’open space de la rédaction de Jeune Afrique, d’un article sur « les nouveaux hommes d’Ali Bongo Ondimba » (ABO), les incontournables du système s’appelaient encore Brice Laccruche Alihanga (BLA), le directeur de cabinet depuis août 2017 ; Arsène Emvahou, le fidèle aide de camp ; Park Sang-chul, le « Monsieur Sécurité » ; Frédéric Bongo, le patron des services spéciaux de la garde présidentielle et demi-frère d’ABO ; Liban Soleman, le coordonnateur du Bureau de coordination du Plan stratégique Gabon émergent ; Emmanuel Issoze Ngondet, le Premier ministre… Douze mois plus tard, remaniements et évictions ont fait leur office.

Aucun n’a conservé sa place. Mutés – ou parti à la retraite pour « Monsieur Park » –, ils ne font plus partie du premier cercle du président.

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Opération Scorpion

Depuis janvier 2019, en lieu et place d’Issoze Ngondet (aujourd’hui « simple » député), Julien Nkoghe Bekale s’est peu à peu affirmé à la tête d’un gouvernement où Lee White fait désormais figure d’homme de confiance du chef de l’État dans le domaine des forêts et de l’environnement, qu’ABO affectionne tout particulièrement. Il a d’ailleurs récupéré dans son portefeuille la question des Objectifs de développement durable, brièvement confiés à Brice Laccruche Alihanga.

Évincé de la direction du cabinet présidentiel et nommé ministre chargé du Suivi de la stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable le 7 novembre, le fondateur de l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev) a finalement été limogé le 2 décembre, lors d’un énième remaniement. Il a été interpellé dès le lendemain matin dans le cadre de l’opération anticorruption Scorpion, qui a déjà visé de nombreuses personnes de son entourage ces dernières semaines. D’autres ministres proches de l’Ajev ont également été débarqués du gouvernement ce 2 décembre, dont Noël Mboumba (qui dirigeait le portefeuille du Pétrole), Tony Ondo Mba (Énergie) et Roger Owono Mba (Économie et Finances).

À la présidence, le fils aîné du chef de l’État, Noureddin Bongo Valentin, qui, sans avoir de fonction officielle, jouait un rôle de vigie depuis des mois, a été nommé coordinateur général des affaires présidentielles lors du Conseil des ministres du 5 décembre.

Un poste et des prérogatives qui le font apparaître comme le numéro deux du Palais. Au sein du cabinet, c’est Théophile Ogandaga, un technocrate proche de Noureddin Bongo, qui remplace BLA. D’autres ont conservé leurs positions, comme le secrétaire général, Jean-Yves Teale, et le lieutenant-colonel Jean-Luc Amvame.

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Entre cercles familiaux et fidèles de la première heure, JA revient sur les incontournables du Palais du bord de mer.

• Noureddin Bongo Valentin, le gardien du temple

Formé à Londres en finance et en relations internationales, Noureddin Bongo Valentin est le coordinateur général des affaires présidentielles du Gabon. © DR

Formé à Londres en finance et en relations internationales, Noureddin Bongo Valentin est le coordinateur général des affaires présidentielles du Gabon. © DR

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Le 5 décembre, le fils aîné du chef de l’État et de la première dame, Sylvia Bongo Ondimba, a été nommé « coordinateur général des affaires présidentielles », poste spécialement créé pour lui. Il aura pour mission « d’assister le président de la République dans la conduite de toutes les affaires de l’État » et de veiller « à la stricte application de ses décisions ».

Chargé par son père d’une mission de surveillance de l’ancien directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga, il recevait au palais présidentiel ceux qui se plaignaient de ce dernier

Âgé de 28 ans, Noureddin Bongo Valentin avait pris récemment une place importante au Palais du bord de mer. Chargé par son père d’une mission de surveillance de l’ancien directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga, il recevait au palais présidentiel ceux qui se plaignaient de ce dernier. Formé à Londres, au collège d’Eton, puis à l’École des études orientales et africaines (SOAS) et à la London Business School, il a travaillé, à partir de 2014 et jusqu’en décembre 2018, au sein d’Olam Gabon, où il faisait figure de bras droit de Gagan Gupta. Il y a notamment géré le projet du port minéralier d’Owendo. Noureddin Bongo Valentin est également le patron d’une société d’investissement basée à Londres, Shanah Investments Ltd.

• Théophile Ogandaga, le dircab

Docteur en physique des particules, après une carrière d’ingénieur chez Shell (1988-2004), puis de conseiller au ministère du Pétrole (2004-2010), Théophile Ogandaga, 59 ans, par ailleurs beau-frère de Christian Nkero Capito (ex-conseiller de l’ancien ministre Magloire Ngambia), est un technocrate et un pilier de la galaxie Olam, qu’il a rejoint en 2010. Jusqu’à sa nomination au Palais du bord de mer le 7 novembre, il était le bras droit de Gagan Gupta en tant que directeur général adjoint d’Olam Gabon – poste auquel il a succédé à Noureddin Bongo Valentin en décembre 2018.

Théophile Ogandaga a d’ailleurs gardé une proximité avec le fils du président, qui a été nommé coordinateur général des affaires présidentielles le 5 décembre

Il dirigeait surtout Gabon Special Economic Zone (GSEZ), coentreprise entre Olam International, l’État et Africa Finance Corporation, qui gère la Zone économique spéciale de Nkok, le port minéralier et le port vraquier d’Owendo, et l’aéro­port Léon-Mba de Libreville. Théophile Ogandaga a d’ailleurs gardé une proximité avec le fils du président, qui a été nommé coordinateur général des affaires présidentielles le 5 décembre et apparaît désormais comme le principal collaborateur du chef de l’État. En outre, le nouveau dircab a comme adjoint un autre proche de Noureddin Bongo, Mohamed Ali Saliou, le fils de l’imam de Libreville, nommé trois semaines avant lui au sein du cabinet présidentiel.

• Jessye Ella Ekogha, la nouvelle voix du Palais

Jessye Ella Ekogha. © DR

Jessye Ella Ekogha. © DR

Le 7 novembre, il a été nommé conseiller politique du chef de l’État, en même temps que Théophile Ogandaga était propulsé à la tête du cabinet du président. Puis, le 5 décembre, il a officiellement pris ses fonctions de porte-parole de la présidence à la place d’Ike Ngouoni Aila Oyouomi, détenu dans le cadre de l’opération Scorpion. Né en 1987, Jessye Ella Ekogha fréquente le Palais du bord de mer depuis au moins trois ans. Après des études en France – à l’université de Tours, à l’école de commerce Inseec, puis à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr –, il rentre au Gabon en 2013 et intègre la cellule communication d’ABO par l’intermédiaire du géant britannique du secteur WPP, dont il était salarié. En 2018, il rejoint la Fondation Sylvia Bongo Ondimba en tant que directeur de la communication. Le nom d’Ella Ekogha est loin d’être inconnu : le père de Jessye n’était autre que le conseiller du président de la République et ancien chef d’état-major général des Forces armées, Jean-Claude Ella Ekogha, décédé en 2015.

• Jean-Yves Teale, le « SG » diplomate

Jean-Yves Teale © DR

Jean-Yves Teale © DR

Ce diplomate de formation tient toujours les rênes du palais présidentiel, dont il est le secrétaire général depuis février 2018, en remplacement de Guy Rossatanga-Rignault – qui avait alors été nommé ministre de la Pêche, de la Mer et de la Sécurité maritime. Jean-Yves Teale travaille depuis plus de quinze ans auprès d’Ali Bongo Ondimba, dont il fut le conseiller diplomatique lorsque celui-ci dirigeait, sous la présidence d’Omar Bongo Ondimba, le ministère de la Défense. ABO devenu chef de l’État, Teale avait conservé sa fonction de conseiller au Palais du bord de mer en 2009. Discret, il fut l’un des représentants du clan dit des « experts », dont Rossatanga-Rignault a un temps fait partie du côté des juristes. Originaire de la province de l’Estuaire, le « SG » distille toujours ses conseils sur la diplomatie du Gabon et sur l’action du président.

• Cyriaque Andjoua, l’expert en sécurité

Avec le lieutenant-colonel Ndong Amvame, Cyriaque Andjoua est l’autre « Monsieur Sécurité » du chef de l’État, dont il est le cousin germain. Son père, Fidèle Andjoua, frère de feu Omar Bongo Ondimba, est considéré comme le patriarche de la famille Bongo (au sens large). À ce titre, le père et son fils conservent une influence non négligeable sur les élites du Haut-Ogooué, fief d’Ali Bongo Ondimba. Au Palais du bord de mer, où il était auparavant chargé de mission du chef de l’État, Cyriaque Andjoua, désormais « conseiller spécial » du président, a en quelque sorte succédé au Sud-Coréen Park Sang-chul, « Monsieur Park » ayant été admis à faire valoir ses droits à la retraite en février de cette année. Cyriaque Andjoua continue de travailler au quotidien avec les fils de son prédécesseur, Jin Hyoung Park et Kon Hyoung Park, qui sont tous deux conseillers du président.

• Jean-Luc Ndong Amvame, l’aide de camp

Le lieutenant-colonel Amvame est l’un des rescapés de l’agitation post-AVC qui a secoué les cercles présidentiels. Fragilisé lors de la convalescence d’Ali Bongo Ondimba – qu’il n’a cependant pas quitté lorsque ce dernier était en Arabie saoudite et au Maroc –, Jean-Luc Amvame a su conserver son poste. Son confrère, le colonel Arsène Emvahou, a en revanche été muté en juillet de cette année au poste d’attaché de défense, à Bruxelles. Officier de la Garde républicaine, que dirige Grégoire Kouna, Jean-Luc Ndong Amvame gère la sécurité rapprochée du chef de l’État. Proche du Sud-Coréen Park Sang-chul, qui, jusqu’à sa retraite, en février 2019, veillait sur ABO, Amvame travaille toujours en étroite collaboration avec Macaire Ngouoni, l’autre aide de camp du président.

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