Depuis Raoui, sorti en 2001, chaque nouveau disque de l’Algérienne Souad Massi est comme un rendez-vous avec une vieille connaissance que l’on retrouve tous les quatre ou cinq ans : on n’en espère aucune surprise particulière, on savoure à l’avance le chaleureux moment que l’on va passer ensemble et l’on se quitte ensuite sur un « tu n’as pas changé » rassurant.
Sans éclats ostentatoires mais avec constance, sans effets tape-à-l’œil mais avec insistance, Souad Massi trace depuis dix-huit ans un sillon poétique où la douceur teintée de mélancolie n’empêche pas les prises de position politiques.
Chaabi-folk
Accompagnée par Rabah Khalfa à la derbouka, Mehdi Dalil à la mandole, Mokrane Adlani au violon et Adriano Dos Santos Tenorio aux percussions, elle délivre avec son nouvel album, Oumnyia (« mon souhait »), un chaabi-folk aux accents arabo-andalou. Née en 1972 à Bab el-Oued, Souad Massi chante en dialecte algérois et en français des textes moins anodins qu’il n’y paraît à la première écoute.
En 2015, l’album El Mutakallimum (« les orateurs ») était un hommage aux grands poètes arabes et une critique indirecte du fondamentalisme, qui ignore tout ou presque de ces textes superbes. Oumniya recèle lui aussi bon nombre de positions politiques poétiquement distillées.
Ainsi, avec « Je veux apprendre », la chanteuse s’engage pour l’éducation des filles : « Je veux lire et apprendre / Ouvrir un livre, rêver et peindre / Je veux vivre / Je veux lever la tête et dire “non, non”. » Quant à « Fi Bali » (« pleine conscience »), son message métaphorique semble bien décrire un grand pays d’Afrique du Nord et son ancien président : « Tu as obscurci la lumière et bloqué toute issue / Le navire que tu as longtemps commandé est désormais perdu / La mort qui rôdait autour de toi, je l’ai bien vue / Tu les as laissés tirer les ficelles / Te voilà face aux vagues qui te malmènent. »
Revendiquant une chanson populaire et métisse, Souad Massi s’autorise aussi des incursions dans le répertoire francophone, comme ici avec « Pays natal », sur un texte de Françoise Mallet-Joris et une musique de Marie Paule Belle : « Toute la ville n’est que banlieue / On se débrouille comme on peut / Il pousse entre les pavés des fleurs meurtries. » Peu importe qu’on soit de France, d’Algérie ou d’ailleurs, le rendez-vous est réussi.