Jusqu’au 15 mars 2020, le Musée des confluences de Lyon expose les trois cents coiffes rassemblées pendant près de trente ans par Antoine de Galbert, héritier du groupe Carrefour et mécène. Ces couvre-chefs s’offrent comme des bouquets ou des buissons savamment éclairés, regroupés par fonctions. Les coiffes spécifiquement africaines sont disséminées dans les treize sections de l’exposition, au milieu de celles qui proviennent d’Asie ou d’Amérique, symbolisant tour à tour le passage à l’âge adulte, le statut de guerrier ou celui de chef.
Les parures d’hommes sont ici plus nombreuses, mais l’exposition présente aussi un ensemble de trois coiffes de femme ovahimbas (Namibie), aux couleurs rouge ocre, qui marquent le passage du statut de fillette à celui de jeune fille, puis à celui de mère. Chez les garçons, le passage à l’âge adulte est le moment de l’initiation. Ainsi, chez les Legas (RD Congo), les coiffes indiquent le degré d’initiation au bwami (l’élément de cohésion et d’unité du peuple) que les adolescents ont atteint. Fibres végétales, cuir ou fèves de cacao sont autant d’éléments codifiés et symboliques.
Entre esthétique et anthropologie
Selon les commissaires Deirdre Emmons et Maïnig Le Bacquer, la coiffe est portée comme un étendard, elle envoie des informations sur le statut marital ou social et sur la fonction de celui qui la porte. Pour aider les visiteurs à comprendre ces messages, des images d’archive complètent la présentation des cartels et des tables lumineuses retracent le parcours de quelques objets, de leur pays d’origine à leur entrée, grâce à la donation d’Antoine de Galbert, au Musée des confluences.
Plusieurs coiffes illustrent cette double approche, par exemple un casque d’initié dakpa de la population banda
Il ne s’agit pourtant pas d’une exposition de type anthropologique, car les objets sont exposés aussi et surtout pour leur beauté. C’est toute l’ambivalence de l’attitude d’Antoine de Galbert, pour qui il n’est pas nécessaire de rechercher tous les détails historiques liés aux coiffes qu’il collectionne, mais qui avoue vouloir savoir si « elles sont encore portées aujourd’hui » en Afrique.
Plusieurs coiffes illustrent cette double approche, par exemple un casque d’initié (circoncis) dakpa de la population banda (République centrafricaine), hérissé de pointes en bois et enduit de kaolin : remarquable par son esthétique, il est montré dans son contexte grâce à un film de Marc Allégret datant de 1930 où des adolescents rejouent pour la caméra le défilé des initiés. De même, un costume complet de masque ibos (Nigeria) est exposé en pleine lumière comme une sculpture géante, tandis que des documents le montrent porté pendant un rituel.
Couronnes baoulées
L’esthétique prend souvent le dessus à travers les contrastes mis en évidence entre coiffes de statuts identiques. Ainsi, pour les parures de chefs et de notables, la présentation porte l’accent alternativement sur le doré des couronnes baoulées (Côte d’Ivoire) et sur les broderies de perles très colorées des chapeaux yoroubas (Nigeria) et tchokoués (RD Congo). Une exposition qui propose aux visiteurs d’approcher de manière complémentaire les coiffes et leur symbolique tout en privilégiant un premier regard d’ordre esthétique.