
Des salariés de Centrale Danone manifestent devant le Parlement marocain, le 5 juin 2018, contre le boycott (image d'illustration). © REUTERS/Youssef Boudlal
Jugée partiellement responsable d’une sorte de prédation économique et du maintien d’une certaines prédominance culturelle dans la société marocaine, la France revient régulièrement sous le feu des critiques.
« La France, c’est l’autre face des talibans ! » Interpellé à la Chambre des représentants, Mustapha Ramid, le très conservateur ministre d’État marocain chargé des Droits de l’homme et des Relations avec le Parlement, n’a pas mâché ses mots.
À l’en croire, c’est la preuve qu’aucun pays n’a le monopole des politiques liberticides. De manière générale, la vague d’islamophobie et de racisme qui balaie la France ne laisse pas les citoyens marocains indifférents. Souvent, elle les effare, et, sur les réseaux sociaux, Ramid reçoit de nombreux soutiens. N’arrive-t-il pas à des personnalités françaises d’émettre des avis sur la société maghrébine ?
La France est toujours très présente dans la vie économique marocaine et continue de s’octroyer nombre de marchés publics. Quelque 80 000 Marocains travaillent dans ses entreprises (un millier, au total) et leurs filiales (au nombre d’environ 700). Plusieurs fleurons de l’industrie française, parmi lesquels Alstom, sont présents dans le royaume. Et leurs salariés marocains travaillent souvent sous les ordres de cadres français.
Prédation économique
Lors de tel ou tel mouvement social, il arrive d’ailleurs que la présence française soit jugée partiellement responsable d’une sorte de prédation économique. En 2011, à l’orée du Printemps arabe, puis en 2015, de nombreux Tangérois manifestant devant Amendis, filiale de Veolia, société gestionnaire de l’accès à l’eau dans la ville, scandaient un slogan sans équivoque : « Amendis dégage ! »
En 2018, Centrale Danone, filiale marocaine du groupe français, fit largement les frais du boycott de certaines grandes marques de l’agroalimentaire
En 2018, lors de l’important mouvement de boycott de grandes marques de l’agroalimentaire symbolisant, selon ses partisans, la collusion entre milieux d’affaires et classe politique, Centrale Danone, filiale marocaine du groupe français, fit largement les frais de la mobilisation. Résultat : un déficit d’environ 540 millions de dirhams en 2018.
Prédominance culturelle
Mais la présence de la France est aussi « immatérielle ». Le legs colonial d’agir alors comme le symbole d’une rupture dans la société. Si elle est largement répandue, la francophonie l’est plus encore dans les élites, pour qui une bonne éducation dans une institution française reste un excellent moyen de se distinguer socialement.
En s’implantant dans le royaume, nombre de grandes écoles participent d’ailleurs, indirectement, au maintien de la prédominance culturelle française dans la société marocaine. Ici, comme ailleurs au Maghreb, l’expression « Hizb França » (le parti de la France) désigne ceux à qui l’on reproche d’être trop proches de la culture ou des intérêts de la France.
Lire les autres articles du dossier
«Afrique-France, le grand malentendu : enquête sur le sentiment anti-français»
- « À bas la France ! » : enquête sur le sentiment anti-français en Afrique
- Emmanuel Macron veut « clarifier » la situation sur Barkhane, et provoque la polémique au Mali et au Burkina
- Afrique-France : sur les réseaux sociaux, le grand bazar du complotisme et des rumeurs
- Nathalie Yamb, nouvelle égérie controversée du « french-bashing » en Afrique
- Afrique-France : Kemi Seba, Mamadou Koulibaly, Oumar Mariko... les têtes d'affiche du « french-bashing »
- Présidentielle en Algérie : le discours anti-français, un fonds de commerce électoral
- [Tribune] Les ressorts du renouveau francophobe en Afrique francophone
- Cameroun : francophobie et populisme à la carte
- Tunisie-France : le désamour