Tourisme : luxe, détente et volupté à Marrakech

Des retraites proposées au sein de riads bien gardés de Marrakech attirent de plus en plus de voyageurs. Une alternative chic et zen aux hôtels cinq étoiles de la ville.

Summer Body And Soul est une formule touristique créée par l’ancienne athlète de haut niveau Myriam Mimèche. © Summer Body And Soul

Summer Body And Soul est une formule touristique créée par l’ancienne athlète de haut niveau Myriam Mimèche. © Summer Body And Soul

eva sauphie

Publié le 28 novembre 2019 Lecture : 6 minutes.

Séances de yoga et de relaxation, repas bio et végans… À la lecture du programme énoncé par le Dar Anis, difficile d’imaginer que le studio se niche en plein cœur de la médina de Marrakech. Après avoir touché les capitales américaines et européennes, les retraites bien-être gagnent du terrain dans la ville ocre.

Tenu par deux Français, Stéphanie Benetière et son mari – installés au Maroc depuis quatorze ans – , ce riad accueille ses visiteurs pour une miniretraite à la demi-journée ou des stages de plusieurs jours (lors d’excursions dans le désert marocain, par exemple). « Marrakech est une ville très attrayante et bien desservie par le réseau aérien. Nous recevons principalement des touristes étrangers qui souhaitent faire de leur temps de vacances un temps de bien-être », analyse celle qui s’est formée au yoga vinyasa, à Agadir, auprès du Casaoui Karim Fadali.

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« Au cœur du vrai Maroc »

Dans le patio carrelé de mosaïques, les effluves de jasmin se mêlent au parfum de thé à la menthe fraîchement servi. Ici, le client est roi. Pas question d’installer son « yoga mat » ni de se servir sa collation. Le personnel s’en charge pour vous. Cette matinée-là, une Irlandaise et une Australienne expatriées à Marrakech s’adonnent à des séries de salutations au soleil, à l’ombre des rayons néanmoins, sous l’impulsion de Stéphanie.

Le cours se déroule en anglais, en petit comité. Un luxe pour les élèves qui profitent ainsi des conseils sur mesure de l’instructrice. La voix est apaisante, noyée sous le chant des oiseaux, une bande-son calibrée pour les boîtes à sommeil de Nature et Découvertes. Le calme environnant fait vite oublier le bouillonnement incessant de la vieille ville.

Pour Stéphanie, le lieu d’implantation du studio n’est pas anodin. « De nombreux centres de yoga fleurissent dans la ville nouvelle. Les grands hôtels ont flairé la tendance, mais leur démarche est marketing, prévient-elle. À la médina, nous sommes au cœur du vrai Maroc. Entendre l’appel à la prière pendant les séquences de respiration, c’est magique », se réjouit-elle.

Yoga et islam ne sont pas incompatibles. Le soufisme, branche mystique de l’islam, est intimement lié à la pratique de méditation du dhikr (« remémoration » en arabe), consistant à se désencombrer l’esprit des préoccupations terrestres pour se rapprocher d’Allah.

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Tarifs élevés

Ce Maroc « authentique » est pourtant déserté par les locaux eux-mêmes, qui – s’agissant de la classe supérieure – lui préfèrent « les packages bling-bling proposés dans les hôtels de haut standing », glisse Stéphanie Benetière. Si le personnel du Dar Anis est majoritairement originaire du pays et compte une professeure de hatha yoga locale, le Marocain moyen est fatalement exclu du programme.

En cause, des tarifs peu adaptés au pouvoir d’achat de la population. Au Dar Anis, il faudra compter 900 dirhams (85 euros) pour la miniretraite comprenant une heure et demie de yoga, un brunch végétarien et une heure de massage oriental à base d’huile d’argan. Concernant l’initiation de trois jours et quatre nuits (yoga, repas, massages), la note s’élèvera à plus de 6 000 dirhams (595 euros).

Summer Body and Soul, une formule créée par l’ancienne athlète de haut niveau Myriam Mimèche. © Summer Body And Soul

Summer Body and Soul, une formule créée par l’ancienne athlète de haut niveau Myriam Mimèche. © Summer Body And Soul

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Fleurissent néanmoins à Marrakech des formules plus accessibles, moins spirituelles et plus fitness, comme celle d’Aïsha Barzaghi. Cette Néo-Zélandaise, marrakchie de cœur depuis quatorze ans, propose des séances « démocratiques » dans des centres de bien-être. « J’ai instauré un principe de dons qui permet à tous les profils de suivre mes stages », confie-t-elle.

Parmi son public international, la formatrice reçoit aussi des étudiantes et des mères de famille marocaines. « Elles viennent toutes sans complexe. J’ai spécialement créé un groupe de femmes pour qu’elles se sentent en confiance », détaille celle qui réalise néanmoins le gros de son chiffre d’affaires dans le cadre d’événements d’entreprises.

Fête, sport et bien-être

Chaque automne depuis quatre ans, Aïsha Barzaghi officie au festival de musiques électroniques Oasis, hébergé dans la luxueuse enceinte du Fellah Hotel, sur la route de l’Ourika. Pendant les trois jours que dure l’événement, c’est devant une douzaine de jeunes étrangers, pas totalement remis des concerts de la veille, qu’elle propose ses exercices détox à grand renfort de postures dynamiques (yoga ashtanga). Cette formule mêlant fête et bien-être fait recette depuis quelques années dans les festivals internationaux au storytelling néo-hippie bien rodé.

Ce positionnement, la Française d’origine algérienne Myriam Mimèche en a fait sa marque de fabrique. L’ancienne athlète de haut niveau a fondé le concept « Summer Body and Soul », la première retraite bien-être, sportive et festive pour femmes à Marrakech. Ici, pas de cours de yoga, mais des « circuits training ». Pas de frustrations non plus. « Je ne me reconnaissais pas dans ces retraites très spirituelles et parfois silencieuses où l’on ne mange rien et où l’on va se coucher tôt. C’est d’un ennui ! » s’amuse l’entrepreneure de 29 ans.

Séance de yoga au Dar Anis. © Messouli

Séance de yoga au Dar Anis. © Messouli

L’idée ? Réinjecter la notion de plaisir dans des formules souvent très contraignantes. Pendant six jours et cinq nuits (compter 790 euros avec transport en taxi et hébergement dans des riads et hôtels de luxe situés loin des zones touristiques), les participantes commencent leur journée tôt le matin par une heure de sport à jeun pour une « bonne poussée d’endorphine ». Puis enchaînent avec un petit déjeuner… local !

« On est à Marrakech pour découvrir sa culture, insiste Myriam. On mangera volontiers des msemen [crêpes marocaines] à condition de les napper de miel plutôt que de pâte à tartiner au chocolat, ou encore des dattes, reconnues pour leurs qualités nutritives », détaille la jeune patronne.

Il y a deux sortes de Marrakech pour les touristes. Une facette bling-bling, et le Marrakech qui conjugue luxe et décontraction

Le Maroc est également au cœur de l’expérience à travers des ateliers de rituels beauté qui utilisent le savon noir, en phase avec les traditions locales, et des séances de hammam. Pas question non plus de s’isoler dans un riad pendant plusieurs jours et de passer à côté de la découverte de la ville.

« Il y a deux sortes de Marrakech pour les touristes. Une facette bling-bling, que l’on retrouve dans les grands hôtels plébiscités par les rappeurs, et le Marrakech qui conjugue luxe et décontraction. C’est cette ville-là que j’ai envie de faire découvrir », annonce cette défricheuse de bonnes adresses autoproclamée.

Au programme : expéditions dans des jardins et écolodges, toujours agrémentés de piscines, balades dans la médina avec la promesse de visites de spots plus confidentiels, ou encore dans le désert d’Agafay. Et, pour finir, l’exploration de la nuit marrakchie dans un restaurant haut de gamme autour d’un dîner-spectacle. Un moment récréatif avant de reprendre l’entraînement, dès 8 heures le lendemain !

Méditation et islam

Driss Benzouine, yogi depuis plus de vingt ans et fondateur de l’École méditerranéenne de yoga, implantée à Casablanca et à Perpignan (France), s’inscrit dans la voie soufie du yoga. Il enseigne un module spécialement consacré à cette pratique, qui repose sur le son, le souffle et le mouvement.

De son côté, l’islamologue et imam franco-algérienne Kahina Bahloul défend une pratique méditative du soufisme dans l’islam, qu’elle souhaiterait intégrer dans son projet de mosquée libérale Fatima, à Paris. Proche des rites hindouistes, cette approche spirituelle existe également dans les religions monothéistes. Expérimentée depuis l’époque du prophète Mahomet par la répétition de formules incantatoires et d’invocations d’Allah, cette méthode, appelée dhikr, se fonde sur des exercices de respiration rythmique permettant d’atteindre un état de conscience et de retraite intérieure.

Les adresses zen de Myriam Mimèche

La prochaine retraite se tiendra du 14 au 19 avril 2020. Ce n’est qu’une fois sur place que les participantes découvrent les adresses. Pour Jeune Afrique, la fondatrice a bien voulu nous révéler trois de ses coups de cœur.

• The Source

C’est le plus beau spa de Marrakech ! Situé à 10 km de la route d’Ourika, cet hôtel musical tenu par un Suisse dispose d’espaces verts dignes de jardins botaniques d’exception.

• The Beldi Country Club

Cet hôtel, ouvert à tous en journée, est le comble de l’élégance. L’architecture arabo-­andalouse est somptueuse. On est au cœur de la culture maghrébine. Le luxe, sans ostentation.

• Désert d’Agafay

Ce désert, situé à seulement trois quarts d’heure en voiture du centre-ville, offre une vue imprenable sur l’Atlas. Une expérience contemplative, l’endroit idéal pour méditer.

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