Italie-Afrique : Rome fait son retour sur le continent

Nouveaux marchés, maintien de la paix, question migratoire… Ces dernières années, Rome a intensifié ses relations diplomatiques et ses échanges économiques avec le continent.

Emanuela Del Re, vice-ministre italienne des Affaires étrangères © DR

Emanuela Del Re, vice-ministre italienne des Affaires étrangères © DR

Publié le 18 novembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Le Premier ministre italien Giuseppe Conte, le 4 décembre 2018. © Maurizio Brambatti/AP/SIPA
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Italie : Forza Africa !

Nouveaux marchés, maintien de la paix, question migratoire… Ces dernières années, Rome a intensifié ses relations diplomatiques et ses échanges économiques avec le continent.

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Du fait de sa proximité avec la Libye, l’Italie est en première ligne de la question migratoire, qui tourne à l’obsession au sein de sa classe politique. Elle ne peut donc faire l’économie d’un débat sur ses relations avec le continent. Dans un contexte électoral mouvant – triomphe de la droite de Salvini en Ombrie en octobre, scrutin à venir en Émilie-Romagne en janvier –, le gouvernement Conte II, en place depuis septembre, joue sur plusieurs tableaux, se montrant ferme envers les migrants illégaux sans pour autant négliger les avancées diplomatiques et économiques.

Si elle est médiatiquement plus discrète que le gouvernement précédent sur l’immigration, la nouvelle coalition au pouvoir (Parti démocrate et Mouvement 5 étoiles) reste sur la même ligne. Les décrets sécuritaires votés par l’ancien ministre de l’Intérieur sont toujours en place, et le memorandum signé en 2017 avec la Libye – qui prévoit d’aider et de former les gardes-côtes libyens pour bloquer les migrants – vient d’être reconduit pour trois ans.

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Accords de rapatriement

« Il est significatif de voir que, dès le début du mois d’octobre, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, a signé des accords de rapatriement des migrants avec treize pays considérés comme « sûrs ». Ce qui en pratique signifie que les demandes d’asile de leurs citoyens ne seront plus acceptées », souligne Laura Odasso, chercheuse assistante sur les questions migratoires au Collège de France. Moins de un mois plus tard, le ministre s’est d’ailleurs rendu au Maroc pour le faire ratifier.

Ces dernières années, l’Italie n’a cessé d’intensifier le dialogue politique avec l’Afrique. Trois nouvelles ambassades (en Guinée, au Niger et au Burkina Faso) et une représentation permanente auprès de l’Union africaine ont été ouvertes depuis 2017. Ce à quoi se sont ajoutées de nombreuses visites de la part d’officiels italiens sur le continent et réciproquement. Au rang des priorités, le Sahel a pris, pour des raisons sécuritaires évidentes, de l’importance dans l’agenda italien. Rome soutient ainsi financièrement le secrétariat permanent du G5 Sahel – 810 000 euros pour la période 2017-2018 – et sa Force commune.

Durant cette même période, la coopération italienne a également alloué aux pays du G5 près de 60 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 30 millions supplémentaires cette année. Parmi les nombreux projets figure notamment le nouveau Centre pour le développement durable de l’Afrique. Inauguré le 28 janvier à Rome, ce dernier est financé par le ministère de l’Environnement, en coordination avec la FAO et le Pnud, à hauteur de 1,5 million d’euros.

Opération antipiraterie

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Autre région historiquement importante pour l’Italie, l’Afrique de l’Est fait elle aussi l’objet d’un intense ballet diplomatique italien. Dans la Corne de l’Afrique, Rome contribue au maintien de la paix par le biais de ses relations bilatérales mais aussi en tant que coprésident du Forum des partenaires de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), une organisation qui rassemble les pays de la région.

Dans le domaine de la sécurité, l’Italie apporte une contribution essentielle aux trois missions de l’Union européenne, dont Eunavfor Atalanta, l’opération maritime antipiraterie. Dans le secteur économique et commercial, environ 10 millions d’euros ont été alloués à l’Érythrée, et des fonds supplémentaires ont été accordés à l’Éthiopie.

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Conscientes de la nécessité de trouver de nouveaux marchés, les autorités s’activent également sur le plan des affaires. L’Italie a enregistré en 2018 pour environ 40 milliards d’euros d’échanges avec l’Afrique (+ 11 %), ce qui la positionne au septième rang mondial sur ce plan, derrière la France et l’Allemagne, mais devant le Royaume-Uni. « Certains pays comme le Mozambique ont vu leur contribution à ces échanges atteindre près de 500 millions d’euros, contre environ 150 millions précédemment, vraisemblablement grâce au secteur gazier », souligne un officiel.

L’Italie multiplie par ailleurs les missions plus larges. Lors de son voyage en Éthiopie, après le rapprochement avec l’Érythrée, la vice-ministre des Affaires étrangères, Emanuela Del Re, était accompagnée d’une quarantaine d’entreprises, mais aussi d’ONG et de banques de développement en vue de promouvoir une « approche plus intégrée ». Au Burkina Faso, Cleophas Adrien Dioma, le président exécutif de l’Italia-Africa Business Week, était à ses côtés pour mettre en valeur le dynamisme des Burkinabè vivant en Italie.

En 2018, les Africains étaient plus de 1 million à y résider de manière légale. Avec, en tête, les Marocains, les Égyptiens, les Sénégalais puis les Tunisiens. « On compte en Italie pas moins de 61 000 entreprises, surtout des PME, créées par des Africains, dont 12 % par des femmes », souligne le gouvernement, pour insister sur la contribution économique mais aussi sociale et culturelle de ces derniers à l’évolution du pays. Pour l’heure, cependant, ce discours reste difficilement audible.

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