Pétrole & Gaz
Illustration montrant la future unité flottante de liquéfaction (FLNG) qui sera implantée au large de Saint-Louis, au Sénégal. © BP

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Pétrole et gaz : un renouveau africain ?

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Économie

Les ambitions dévorantes du Nigérian Tony Attah (NLNG), apôtre du gaz naturel liquéfié

Le patron de NLNG, qui s’apprête à lancer une septième unité de liquéfaction, veut propulser son pays parmi les premiers producteurs mondiaux de GNL.

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Mis à jour le 24 octobre 2019 à 14:33

Tony Attah© DR © DR

Fondé en 1989, Nigerian LNG est le premier producteur de gaz naturel liquéfié (GNL en français) du continent, filiale de la compagnie nationale NNPC (49 %) et des trois majors Shell (26 %), Total (15 %) et ENI (10 %). Aux manettes depuis septembre 2016, Tony Attah, venu de Shell, veut profiter de l’explosion du marché en lançant au plus tôt sa septième unité de liquéfaction, attendue depuis près de dix ans et qui devrait être enfin financée d’ici à la fin de l’année 2019.

Le directeur général de Nigeria LNG (NLNG) est convaincu que les prochaines décennies seront celles du gaz naturel. « Nous roulons au pétrole depuis plus de cinquante ans, il est temps de décoller grâce au gaz. La plupart des Nigérians ne se rendent pas compte que notre pays est, du fait de son sous-sol, davantage une nation de gaz que de pétrole , fait valoir Tony Attah. Au regard de ses émissions de carbone, le gaz est une énergie propre, au moins quatre fois plus propre que le charbon, et même deux ou trois fois plus propre que le pétrole », estime-t-il.

Cette augmentation de la population entraînera une plus forte demande d’énergie mais aussi de nouvelles pressions liées aux défis environnementaux

Le dirigeant nigérian croit à une explosion du marché. « Nous sommes 7 milliards d’humains aujourd’hui. Nous serons plus de 9 milliards d’ici à 2050. Cette augmentation de la population entraînera une plus forte demande d’énergie mais aussi de nouvelles pressions liées aux défis environnementaux », explique Tony Attah, pour qui le GNL est une des solutions à privilégier pour répondre de manière responsable à la demande, face au changement climatique.

« L’Allemagne s’est détournée de l’énergie nucléaire et est devenue le plus grand importateur mondial de gaz naturel. En même temps, les pays asiatiques, comme le Japon, sont également devenus de gros importateurs de gaz naturel », indique-t-il à titre d’exemple.

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Un fourmillement d’innovations qui brouille l’avenir

Pour autant, le Nigérian reconnaît que le GNL fait face à d’autres sources d’énergie. « Tout le monde veut être celui qui va bouleverser le secteur, personne ne veut être bouleversé. L’explosion de la popularité des mini-réseaux solaires, ou des projets de distribution décentralisée d’énergie, peut changer la donne. Le fourmillement d’innovations rend les prévisions sur l’avenir du secteur énergétique extra­ordinairement difficiles, tant sur le mix énergétique que sur le chiffrage de la consommation », précise Attah.

Nous commençons à peine à atteindre notre rythme de croisière pour gérer les six trains initiaux, extrêmement complexes

Mais ces incertitudes n’expliquent pas l’interruption de la croissance de NLNG, dont le dernier train de liquéfaction est entré en production il y a treize ans déjà. « Entre 1999 et 2006, Nigeria LNG était l’usine de GNL dont la croissance était la plus rapide au monde. Tous les dix-huit mois, nous ajoutions un nouveau train, rappelle le directeur général du groupe. Nous n’avons commencé à produire que depuis vingt ans, donc nous ne sommes pas un vieux pays gazier. Nous commençons à peine à atteindre notre rythme de croisière pour gérer les six trains initiaux, extrêmement complexes. Cette reprise en main et montée en compétence progressive a ralenti le développement du projet de septième train », explique Attah.

Une équipe de managers 100 % nigériane

Avant de se lancer dans ce nouveau projet, il fallait aussi, selon lui, assainir la situation financière de NLNG. « Nous avons remboursé notre emprunt, ce qui nous permet d’approcher les marchés en étant plus attractifs pour les investisseurs », fait-il valoir. Le septième train de liquéfaction doit ajouter 22 millions de tonnes par an (Mtpa) à la production actuelle de NLNG de 30 Mtpa.

En comparaison, le Qatar, le géant mondial du GNL, en produit environ 77 Mtpa. Le projet sort lentement de terre. Deux contrats d’avant-projet détaillé (Front-End Engineering Design [Feed]) ont été attribués à Saipem et KBR en 2018. NLNG prendra sa décision finale d’investissement au cours du dernier trimestre de l’année 2019, après avoir étudié avec attention les propositions des deux groupes internationaux.

Être conforme aux règles de contenu local, très strictes depuis 2010, représente un défi dans le cas des technologies touchant au GNL.

Il n’est pas trop ambitieux de considérer le Nigeria comme le Qatar de demain, en multipliant les sites extractifs et les usines de GNL

Jusqu’à récemment, le Nigeria ne disposait guère de compétences en matière de cryogénie, le procédé de refroidissement du gaz à -162 °C, qui permet son passage à l’état liquide. NLNG a dû faire preuve de créativité pour faire avancer un projet à domicile plutôt qu’en important des modules de l’étranger. « Mon équipe de managers est à 100 % nigériane. Je n’ai pas d’expatriés ni d’experts étrangers dans mon équipe dirigeante, explique Attah. Il y a vingt ans, vous auriez été chanceux de trouver un seul Nigérian dans l’équipe dirigeante de cette entreprise », rappelle-t-il.

Le lancement du train 7 marquera selon lui le début d’une nouvelle phase de développement énergétique pour le pays. « Il n’est pas trop ambitieux de considérer le Nigeria comme le Qatar de demain, en multipliant les sites extractifs et les usines de GNL », affirme-t-il.

Bientôt quatrième pays mondial en matière de réserves gazières ?

« Le Nigeria possède plus de 200 milliers de milliards (en anglais, trillion cubic feet, TCF) de réserves prouvées de gaz, mais disposerait, selon les spécialistes, d’un potentiel additionnel d’au moins 600 TCF. Si nous arrivons à prouver ces réserves, le Nigeria passera du neuvième au quatrième rang mondial en termes de réserves de gaz » explique-t-il, conscient toutefois que la compétition sera rude, car d’autres pays ont une stratégie similaire et sont plus avancés en matière d’augmentation de leur production.

Alors que le Qatar dominait le monde, l’Australie lui a ravi la première place et produit désormais 89 Mtpa. Quant aux États-Unis, premier producteur de gaz au monde (715 Mtpa), mais pas de GNL, ils ont aussi décidé d’investir ce marché. « Face à eux, nous devons muscler notre jeu », estime Tony Attah.

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Le dirigeant de NLNG se félicite du soutien du gouvernement d’Abuja, qui lui a permis de conserver les exemptions fiscales dont bénéficiait l’entreprise, que les députés ont tenté sans succès de supprimer à deux reprises, en 2008 et en 2016. « Vous ne devez pas vous en prendre aux fondations d’une entreprise aussi stratégique pour le pays, estime-t-il. Nous apportons à l’État plus de 100 milliards de dollars de chiffres d’affaires et plus de 15 milliards de dollars de dividendes. C’est énorme. Nous sommes le plus gros contribuable du Nigeria », affirme-t-il, en espérant que le sujet ne reviendra pas à nouveau sur le tapis au Parlement.


Un pur produit de Shell

1987

Obtient une licence en génie mécanique à l’université d’Ibadan

1997

Diplômé d’un MBA de l’université de Benin City

1991

Embauché comme ingénieur par Shell

2013

Vice-président des ressources humaines de Shell pour l’Afrique subsaharienne.

2014

Nommé directeur général de Shell Nigeria Exploration and Production

2 septembre 2016

Nommé PDG de NLNG, succédant à Babs Omotowa