« Signé Poète X » : les rimes amoureuses d’Elizabeth Acevedo

Avec « Signé Poète X », l’Américano-Dominicaine Elizabeth Acevedo livre un roman en vers sur les émois adolescents d’une enfant d’immigrés.

Elizabeth Acevedo, poete et auteur americano-dominicain, photographiee le 17 septembre 2019 a Paris. © Francois Grivelet pour JA.

Elizabeth Acevedo, poete et auteur americano-dominicain, photographiee le 17 septembre 2019 a Paris. © Francois Grivelet pour JA.

ProfilAuteur_NicolasMichel

Publié le 11 octobre 2019 Lecture : 3 minutes.

«L’été ça sert à s’asseoir sur les marches / Des immeubles, devant le porche. / Dernière semaine avant la rentrée, Harlem a les paupières / Qui papillonnent. Septembre est proche. » Ainsi commence Signé Poète X, de l’Américaine Elizabeth Acevedo, traduit en français par Clémentine Beauvais. Lauréat du National Book Award et du Printz Award, ce roman en vers a aussi valu à sa jeune auteure la Carnegie Medal britannique.

Série de poèmes incisifs

L’histoire qu’il raconte est classique : celle d’une adolescente, Xiomara, dont le corps change, attirant le regard des garçons. Des garçons qu’elle regarde aussi, enfin l’un d’eux en particulier, Aman, qui écoute J. Cole et Kendrick Lamar, comme elle. « Tu peux pas rêver que tu touches un garçon / Et puis le voir dans la vraie vie / Sans te dire qu’il va deviner / Ce rêve, blush rouge / Sur tes joues », écrit Xiomara dans le carnet auquel elle se confie à propos de ce beau gosse, à propos de son frère jumeau dont elle découvre l’homosexualité, à propos de « Mami », sa mère profondément religieuse, qui la force à s’agenouiller sur des grains de riz et menace de la renvoyer en République dominicaine, dont sa famille est originaire…

Ma mère m’a appris à lire une langue qu’elle-même ne pouvait pas écrire

la suite après cette publicité

La spécificité du récit n’est pas à chercher dans la thématique rebattue de la résilience par la création, mais dans la forme musicale qu’il prend. Signé Poète X est une série de poèmes incisifs s’enchaînant avec fluidité, rarement sur plus de deux pages.

« J’ai écrit mes premiers poèmes quand j’avais 8 ans, se souvient Elizabeth Acevedo, de passage en France pour la sortie de son livre. Ma mère m’a appris à lire une langue qu’elle-même ne pouvait pas écrire. Elle m’a raconté des histoires et m’a encouragée à en lire. Si elle s’énervait un peu, parfois, c’est parce que je passais trop de temps dans les livres ! Je dévorais tout ce qui me passait sous la main, la poétesse et romancière dominicaine Julia Alvarez (Before We Were Free) mais aussi tous les Harry Potter, dès leur sortie ! » Elle écoutait aussi du hip-hop avec ses frères, des classiques de la musique espagnole avec ses parents, dont l’incontournable Julio Iglesias !

Quête initiatique

Elizabeth Acevedo, qui fit son premier slam public à l’âge de 14 ans, manie indifféremment prose et poésie. « Certains poèmes ont besoin d’être déclamés, d’autres pas, dit-elle. J’en garde aussi pour moi seule. » Signé Poète X est une quête initiatique délicate sans être prude – Acevedo évoque les premiers émois sexuels, la masturbation… – qui, plus que dénoncer le racisme américain, décrit la position des enfants d’immigrés, parfois coincés entre un chez-soi traditionaliste et un extérieur tantôt séduisant, tantôt menaçant.

Signé Poète X, d’Elizabeth Acevedo, Nathan.

Signé Poète X, d’Elizabeth Acevedo, Nathan.

la suite après cette publicité

« Je suis afro-dominicaine. Je n’ai pas vraiment été victime de racisme. Mais, enfants, nous savions tous que la police pouvait être violente, que les détenteurs du pouvoir pouvaient l’utiliser contre les Noirs. C’était l’époque du passage à tabac de Rodney King [1991]. Aux États-Unis, le racisme est systémique : Donald Trump n’est qu’une émanation de ce système. »

Aujourd’hui, l’auteure donne des conférences dans les écoles et les lycées, en particulier sur les questions de sexisme. Le catholicisme, très présent dans la communauté dominicaine, n’y est peut-être pas pour rien. « Je n’ai jamais compris le pourquoi de la religion, dit-elle. Et je me suis interrogée sur la position accordée aux femmes dans l’Église comme dans l’ensemble de l’imagerie religieuse, essentiellement blanche. Dans ce monde, il n’y avait aucune possibilité de se considérer soi-même comme divine. »

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image